Voltaire : biographie et principales œuvres

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François Marie Harouet (1694-1778), dit Voltaire, est un écrivain français auteur de tragédies, de contes philosophiques (Zadig, Candide...) et d'ouvrages historiques. Un temps espion, il fut le plus grand « journaliste » de son temps, son abondante correspondance reflètant un siècle d'évènements et de pensées. Grand esprit des Lumières, il a contribué à L'Encyclopédie de Diderot. Opposé à l'absolutisme royal, Voltaire est le promoteur d'une « monarchie éclairée » plutôt que d'un changement radical de l'ordre social comme le suggère Rousseau. Il reste une source d'inspiration pour les révolutionnaires de 1789 et deux ans plus tard, la Constituante lui confère les honneurs du Panthéon ou ses cendres sont transférées.

  

Voltaire : du libertin au polémiste

François Marie Arouet, futur Voltaire, est né le 21 novembre 1694 à Paris. Elevé chez les jésuites, il fréquente très tôt les salons parisiens et les milieux libertins. Il écrit plusieurs pièces de théâtre, des poèmes, et excelle dans l’art du pamphlet, ce qui lui vaut d’être emprisonné plusieurs fois à la Bastille. Après un séjour dans la célèbre prison pour un poème écrit contre le régent, le duc d’Orléans en mai 1717 le pseudonyme de Voltaire, anagramme de son nom. Indépendant d’esprit et insolent, Voltaire est à nouveau embastillé en 1726 suite à une querelle avec le chevalier de Rohan. Voltaire est alors contraint de s’exiler en Angleterre, et ce séjour exercera une profonde influence sur son esprit.

Voltaire y découvre la monarchie parlementaire et libérale anglaise dont il tire les Lettres philosophiques (1734), éloge d’une société où s’exerce librement le progrès des arts et des sciences. En filigrane, c’est la société française qui est critiquée, ses mœurs, ses coutumes ainsi que les privilèges de sa noblesse. Voltaire revêt alors le masque de l’ironie à travers les traits d’étrangers ou de « touristes » venus d’un monde lointain. L'ouvrage est interdit, et Voltaire, recherché par la police, se réfugie au château de Cirey en Lorraine chez son amie Madame du Châtelet, avec qui il entretiendra une longue liaison. Il s'adonne alors à la réflexion et à l'écriture.

A l’identique de Montesquieu dans les Lettres persanes, Voltaire emploiera le même procédé dans ses contes avec le Babylonien Zadig (1747), le Westphalien Candide (1759) ou le Héron de L’Ingénu (1767). Il y déverse son ironie, devenue une marque de fabrique afin d’exposer son point de vue critique sur les mœurs et les institutions. A propos d'institution, il réussira habilement à se faire élire à l'Académie française en 1746.

Sa carrière méconnue comme agent du Secret du Roi

Voltaire fréquente à Paris le baron de Goertz (celui qui rêve de refaire la carte de l’Europe), approche le baron de Hogguers qui tient boutique « de secrets d’Etat », découvre Salomon Levi qui fut espion, agent double ou triple, rencontre le cardinal Dubois ministre du Régent à qui il offre ses services « pouvant aller en Allemagne ayant reçu une invitation du prince Eugène » et grâce à Levi « connaissant les fournisseurs des armées de l’empereur » ! Dix années passent ainsi jusqu’au jour où Voltaire fait circuler une lettre pleines d’éloges et de demande de correspondance qu’il vient de recevoir de Frédéric, roi de Prusse !

Nous sommes au début de la guerre de Succession d’Autriche. Voltaire est alors convoqué par Fleury, le premier ministre de Louis XV, qui l’expédie vers Frédéric de Prusse, afin de connaitre ses intentions. La première rencontre a lieu en septembre 1740 au château de Meuse, la seconde en novembre à Rheinsberg. En juin 1741, Frédéric II et la France signent un traité d’alliance. Mais subitement le roi de Prusse rompt l’alliance un an plus tard et fait la paix avec l’Autriche !

Nouvelle mission pour Voltaire à Aix la Chapelle : connaitre les raisons de la rupture de l’alliance par le roi de Prusse. En septembre, il rend compte de sa mission par courrier, mais mesure ses mots sachant que ses lettres seront ouvertes et lues « j’eus tout le temps de parler avec beaucoup de liberté sur tout ce que Votre Eminence m’avait prescrit… » ; « Frédéric s’est inquiété des réactions en France à sa sortie de l’alliance, je répondis qu’en effet tous les Français avaient ressenti avec indignation… ». Ses raisons « elles sont si singulières que je doute qu’on en soit informé en France ». En fait les raisons sont simples : « la France est épuisée d’hommes et d’argent et entièrement découragée, s’il vous eût cru plus puissant, il vous eût été plus fidèle ».

Et Voltaire de rassurer le cardinal « Frédéric ne cède pas aux propositions pressantes des Anglais » ! Fleury est ravi de lire cette réponse « vous avez parlé d’or, Monsieur, je vous rends mille grâces de votre attention à me faire part de votre conversation avec le roi de Prusse. Vous pouvez compter sur mon estime, sur mon amitié et sur tous les autres sentiments que vous méritez pour ne pas y mettre de cérémonie ».

Seconde mission officielle pour l’espion Voltaire

La guerre continue, bien tristement pour la France en 1743. Voltaire s’est exilé « volontairement » à La Haye : une de ses pièces vient d’être interdite à la Comédie-Française la veille de la première, son accession à l’Académie française est refusée. Il est donc parti d’abord vers la Hollande, puis il terminera chez Frédéric II avec la couverture d’un homme « dégouté de Paris, écœuré de Versailles, qui n’a d’autre issue que de se jeter dans les bras de son adorable monarque » : le Secret a bien travaillé, la première phase de la mission a réussi.

Cette fois, c’est une mission officielle, approuvée par Louis XV : « aller voir de près ce qu’il se trame en Hollande, pays qui avait promis son alliance à l’Angleterre, qui avait peur d’une offensive de la France contre les Pays-Bas autrichiens ». Les frais lui seront remboursés, un code secret lui est remis pour lui permettre d’écrire en toute liberté…

Voltaire s’installe à l’ambassade de Prusse à La Haye et attendant d’être reçu par Frédéric, laisse trainer ses yeux et ses oreilles, un peu partout. En l’espace de trois mois, il rapporte tant de renseignements, qu’il prouve être un « génial agent de renseignement » : rapidité dans la détection des sources, diversité dans l’information, recherche minutieuse du détail. Il commence par se procurer les doubles des décisions gouvernementales qu’il envoie à Versailles « je suis en liaison intime avec quelques étrangers (la maîtresse d’un homme d’Etat hollandais) qui me font part de toutes les affaires et qui me mettront en état de brouiller Frédéric II avec l’Angleterre ».

En juillet, il envoie à d’Argenson, secrétaire du ministre de la Guerre, l’état des forces militaires hollandaises : 84 000 hommes divisés en cavaliers, fantassins, dragons, Suisses et artilleurs, ainsi que le budget ordinaire et extraordinaire de la guerre de ce pays. Il y rajoute le montant de la dette hollandaise ainsi que l’intérêt annuel et annonce que La Haye a décidé d’envoyer 14 600 hommes vers la coalition contre la France et conclue « vous pouvez être sûr que les Hollandais ne vous feront pas grand mal. Il est 8 heures du soir ce 15 juillet, à 7heures le général qui attendait l’ordre de partir, a reçu un ordre nouveau de mettre les chevaux à la pâture pour les 15 jours à venir.

Les gardes à pied recevront les ordres le 24 juillet. Il est évident qu’on cherche à ne plus obéir aux Anglais, sans leur manquer ouvertement de parole ». Le 18 juillet, il envoie une nouvelle lettre « on dit hier en ma présence au comte de Nassau, général de l’infanterie : vous ne serez pas avant deux mois au rendez-vous ! ».

Un diplomate talentueux

Diplomate zélé, il réussit à pousser d’Argenson à payer pour « nourrir les chevaux et vêtir les hommes », à être en contact permanent avec les ambassadeurs d’Angleterre et l’envoyé de Hanovre, ainsi que le commandant de l’armée anglaise lord Stairs, tous représentants des forces ennemies, qui ne se méfient pas du tout de Voltaire « on me parle familièrement, tant on me croit peu à portée, par mon caractère et par ma situation, de profiter de cette franchise ». Il informe le Secret du Roi « la coalition a pour objectif d’arracher l’Alsace et la Lorraine à la France ; le roi de Prusse emprunte 400 000 florins à Amsterdam » en émettant la possibilité d’offrir quelques subsides à Frédéric, afin de faire des ravitaillements en Allemagne et ainsi d’affamer les armées des coalisés.

Le 1er août, il annonce le départ des gardes à cheval « les meilleures têtes de la Hollande avouent qu’elles ne seraient pas peu embarrassées si vous envoyez un corps sur la Meuse » et ajoute « un des hommes les mieux instruits m’apprend que les Anglais font au roi de Prusse les propositions les plus fortes. Il m’a promis de m’en donner copie… ». Quinze jours plus tard, il est heureux d’annoncer à d’Argenson « Frédéric refuse le traité défensif proposé par l’Angleterre et la Russie ; l’affaire des munitions continue d’aller bien puisque les transports n’avancent pas » et il joint la liste complète !

Appliqué à sa besogne, il n’avait pas la tête en l’air, au contraire les pieds sur terre et ne se berce pas d’illusions comme il écrit le 27 août en partance pour Berlin pour rejoindre le roi de Prusse « je crois jusqu’à présent n’avoir point donné de faux avis. Je ne veux pas non plus donner de fausses espérances ».

Il fait des jaloux, comme l’ambassadeur de France à La Haye qui pour se venger écrit « je ne dois pas vous dissimuler que le motif de son voyage (Voltaire) auprès du roi de Prusse n’est plus un secret » ! « Pas grave », dit d’Argenson, « Voltaire nous a transmis d’excellents renseignements ; nous espérons par la même occasion qu’il ramènera le roi de Prusse dans l’alliance avec la France ».

A Berlin, la mission est éventée, Frédéric informe « comme il avait quelques protecteurs à Versailles, il crut que cela était suffisant pour se donner des airs de négociateur, il n’avait point de créditif et sa mission devint un jeu, une simple plaisanterie ». Les choses vont plus loin, l’ambassadeur à Berlin reçoit des lettres l’avertissant que son ambassade « va en diminuant à cause de l’influence de Voltaire », lui le rassurait en affirmant qu’il « n’aspirait qu’à être son secrétaire », et vis-à-vis de Frédéric, Voltaire admit qu’on lui avait « suggérer de cultiver les sentiments d’estime réciproque subsistant entre les deux monarques ».

Tout ceci s’apaise après un petit voyage dans la famille du roi de Prusse en Allemagne. Voltaire reprend son courrier pour Versailles en septembre puis en octobre et mentionne « le roi de Prusse veut beaucoup de mal au roi d’Angleterre » et rentre en France avec un mot oral de Frédéric II pour Louis XV « que la France déclare la guerre à l’Angleterre et je marche » ! Voltaire quitte Berlin le 12 octobre 1743, la France déclare la guerre à l’Angleterre le 15 mars 1744, Frédéric prend l’offensive avec 80 000 hommes ! Mission réussie !

De la cour de Versailles à la retraite de Ferney

Voltaire est récompensé : Versailles lui passe commande du divertissement pour le mariage du dauphin avec l’infante d’Espagne, est nommé un mois plus tard historiographe du roi, l’année suivante il est accueillit à l’Académie française et est fait gentilhomme ordinaire de la chambre. Pour autant, Voltaire se prend au jeu d’être un homme de Cour, d’abord auprès de Louis XV à Versailles, puis auprès de Frédéric II de Prusse à Berlin. Cependant, il n’aime guère son statut et se brouille avec le despote éclairé.

Il quitte l’Allemagne en 1753 pour s’installer avec Mme Denis, sa nièce et compagne, à Ferney, près de Genève. La France lui a refusé l’asile, Louis XV n’appréciant guère son sarcasme et son école de pensée.  Son retour ovationné par le peuple à Paris devra attendre l’aube de sa mort survenant le 30 mai 1778. Honneur suprême, sa dépouille est transférée au panthéon le 11 juillet 1791, consacrant sa place dans le siècle des Lumières. Sur son cercueil est inscrit : « Il agrandit l’esprit humain, et lui apprit à être libre ».

Voltaire, homme de lettres

Si aujourd’hui, Voltaire est passé à la postérité principalement avec ses contes philosophiques, sa vie d’homme de lettres a avant tout débuté avec la poésie et le théâtre. Immense dramaturge pour lequel il voulait être connu, Voltaire publie de très nombreuses pièces dans la ligné de Boileau et de Racine, retenons parmi plus d’une cinquantaine : Œdipe (1718), Zaïre (1732), Mahomet ou le Fanatisme (1741). On retiendra aussi également sa pléthorique correspondance épistolaire (plus de 20 000 lettres).

Volontiers historien avec Le Siècle de Louis XIV (1751) et un Essai sur les mœurs et l'esprit des nations (1756), Voltaire exprime par ailleurs ses idées, issues du philosophe anglais John Locke, sur le libéralisme dans ses poèmes philosophiques : Discours sur l'homme (1738), Poème sur le désastre de Lisbonne (1756). Cependant, plus que son œuvre de dramaturge ou de poète philosophe, c’est avant tout son combat pour la raison, l’humanité et la tolérance qui l’a rendu célèbre.

Le combat de Voltaire pour la tolérance

Pour les philosophes des Lumières, la littérature est conçue comme un combat. La pensée des Lumières se présente nécessairement comme réformatrice et elle se développe généralement dans un contexte polémique. Par ailleurs, la pensée des Lumières se veut rationnelle et cet attachement à la raison dans la France d’Ancien Régime ne peut là aussi s’exprimer pleinement que dans la polémique. Et c’est avec cette pensée que Voltaire devient l’un des représentants les plus farouches contre l’obscurantisme et le fanatisme religieux. Son œuvre, qui remet en question l’ordre établi et insiste sur la liberté de pensée et d’agir, a inspiré la Révolution française et les rédacteurs de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Dans sa volonté de vouloir systématiquement écraser « l’infâme » que représente l’Eglise catholique, il se forge une solide réputation et fait intervenir sa notoriété pour défendre des causes ou s’en prendre à l’injustice. Il devient ainsi un véritable modèle d’engagement public, non pas dans le domaine intellectuel des Lumières mais en sa pensée. L’écrivain intervient notamment dans les affaires Calas et Sirven ainsi que dans celle du chevalier de La Barre devenues des symboles de l’intolérance religieuse et de l’arbitraire politique.

Néanmoins, il reste déiste et l’athéiste virulent de certains de ses confrères comme le baron d’Holbach l’effraie. Voltaire cherche à dépasser le simple discours anticlérical et s’intéresse à la nature de l’homme comme nous pouvons le lire dans Candide ainsi qu’aux rapports avec Dieu dans son Traité sur la tolérance (1763) où malgré un pessimisme globale – rien ne va pour le mieux sur la terre – subsiste une note d’espérance, celle d’une tolérance mutuelle entre les hommes. 

Principales œuvres de Voltaire

- Lettres philosophiques (1734)

- Zadig ou la Destinée (1747)

- Le Siècle de Louis XIV (1751)

- Candide (1759)

- Traité sur la Tolérance (1763)

Bibliographie

Voltaire, biographie de Raymond Trousson. Texto, 2017.

Vie de Voltaire, de Nicolas de Condorcet. Rivages poche, 2022.

- Voltaire, biographie de Pierre Milza. Perrin, 2007.

 

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