Les origines très aristocratiques de Winston Churchill
Le visage poupon de Winston Churchill, dissimule mal un caractère bien trempé. Né le 30 novembre 1874, ce descendant des ducs de Marlborough, qui servit comme officier de cavalerie en Inde et au Soudan, se fait connaître de l’Angleterre en s’échappant d'une prison sud-africaine durant la guerre des Boers (1899- 1902) qu'il couvrait en tant que correspondant de guerre en Afrique du Sud.
Churchill, Un iconoclaste en politique
Au cours de sa longue carrière politique, Churchill va occuper de nombreux postes de ministre (commerce, intérieur...). Nommé premier lord de l'Amirauté (1911-1915), il réprime la grande grève des dockers puis celle des cheminots et modernise considérablement la flotte britannique. L'échec de l'expédition des Dardanelles, dont il s'était fait le promoteur, le contraint à démissionner de l'Amirauté. Après avoir commandé un bataillon sur le front en France, il rejoint le cabinet de coalition de Lloyd George, où il occupe, de 1917 à 1922, les fonctions de ministre des Munitions et de secrétaire à la Guerre. L'effondrement du parti libéral et du gouvernement de Lloyd George éloigne Churchill du Parlement de 1922 à 1924.
Réélu en 1924, cette fois comme député conservateur, il devient chancelier de l'Échiquier du gouvernement conservateur de Stanley Baldwin (1924-1929). Il entreprend de rattacher la livre sterling à l'étalon-or, ce qui a des conséquences désastreuses sur l'économie britannique et contribue à déclencher la crise sociale de 1926, où il combat vigoureusement les syndicats. Il est écarté du pouvoir par la défaite des conservateurs en 1929, et durant les années trente, se consacre principalement à l'écriture. Il marque, pendant cette période, son opposition à l'autonomie des Indes, et son soutien à Édouard VIII lors de la crise d'abdication de 1936.
Personnage inclassable, il fait exploser les clivages politiques traditionnels, alternant entre parti conservateur et parti libéral. Son œuvre politique connaît de brillantes réussites (législation sociale, réorganisation de la flotte britannique) mais aussi de cuisants échecs (expédition des Dardanelles, soutien à la lutte anti-bolchevique). C'est la guerre qui révèle la stature historique de Churchill. Il avait déjà donné un aperçu de ses talents de chef de guerre pendant le premier conflit mondial, en organisant l'effort de guerre britannique. Mais c’est la seconde Guerre mondiale qui va définitivement asseoir sa renommée....
A la barre dans la tempête de la Seconde Guerre Mondiale
D’abord ministre de la guerre, il accède au poste de Premier Ministre en mai 1940, alors que l’allié français vient de s’effondrer, laissant le Royaume Uni seul contre les forces de l’axe. Lors de son investiture, il galvanise la résistance de son pays : « Ma politique est de faire la guerre, sur mer, sur terre et dans l’air, de la faire contre une monstrueuse tyrannie, telle que le sombre et lamentable catalogue des crimes humains n’en offre pas de pire… Je n’ai à offrir que du sang, du labeur, de la sueur et des larmes ». Pendant les jours sombres de la bataille d'Angleterre, la pugnacité et les discours passionnés de Churchill persuadent les Britanniques de poursuivre la lutte.
Après la déroute française de juin 1940, il n’a d’autre choix que d'attaquer la flotte française à Mers-el-Kébir, en Algérie (3 juillet 1940) pour éviter que celle-ci ne tombe aux mains des allemands. Une démonstration de plus de sa farouche détermination à combattre, quelqu’en soit le prix. Avec l'aide d'Antony Eden, il développe une collaboration fructueuse avec le président Franklin D. Roosevelt, obtenant le soutien militaire et moral des États-Unis. Après l'entrée en guerre de l'Union soviétique, avec laquelle, bien que farouchement anticommuniste, il accepte de s’allier, et des États-Unis, en 1941, Churchill tisse des liens étroits avec les responsables de ce qu'il appelait la « Grande Alliance », y compris avec le général de Gaulle, le chef de la France Libre.
Winston Churchill, visionnaire jusqu’au bout
Pendant la guerre, il avait accepté l’alliance soviétique tout en mettant en garde contre les velléités expansionnistes du communisme en Europe orientale. Une intuition confirmée dès la fin de la guerre avec l’éviction progressive de tous les gouvernements démocratiquement élus en Europe de l’Est par des régimes communistes aux ordres de Moscou. Dès 1946, lors de son célèbre discours de Fulton, il lance l'expression de « rideau de fer » qui s’est abattu en Europe. Pour faire face à l’URSS, il propose en septembre 1946 à Zurich, « quelque chose comme les États-Unis d’Europe. Pour mener à bien cette tâche urgente, la France et l’Allemagne devront se réconcilier. »
Dans l’histoire de la première moitié du XXe siècle, Churchill fait figure d'électron libre dont la trajectoire surprenante s'obstinerait à croiser tous les tournants politiques de son temps. Et lorsque sir Winston Churchill se retire enfin de la vie politique en 1955, c'est avec la réputation d’un grand homme d’Etat, vénéré par la population et respecté par tous les partis, ainsi que par la reine Elisabeth II. Ce destin atypique sera même couronné par le prix Nobel de littérature en 1953. Il consacre ses dernières années à la peinture et à l'écriture, assistant impuissant au démantèlement de l’Empire britannique dont il a été un ardent défenseur.
Bibliographie
- Winston Churchill, biographie de François Kersaudy. Tallandier, 2015.
- Winston Churchill: Une vie, de John Keegan. Les Belles lettres, 2018.