La démocratie a été inventée à Athènes, aux alentours du Ve siècle avant J.-C. À cette époque, la ville d’Athènes forme, avec la région qui l’entoure, une communauté politique autonome, une cité. Tous les citoyens d’Athènes participent au gouvernement de leur cité. Réunis en assemblée, ils peuvent s’exprimer et prendre des décisions. Ils ont la possibilité d’accéder aux fonctions publiques et sont tous égaux devant la loi. Bien que l'accès à la citoyenneté y soit limité, la démocratie athénienne antique et son régime politique fait figure de modèle. Mais quels principes guidaient la structure des institutions athéniennes et comment était conduite la politique de la cité d'Athènes?
Les débuts de la démocratie en Grèce
À l’origine, vers 800 avant J.-C., la cité est souvent gouvernée par un roi (la monarchie) ou par quelques puissantes familles aristocratiques (l’oligarchie). Cependant, alors que les guerres entre cités se multiplient, les aristocrates (ceux qui combattent à cheval) ne sont plus les seuls à défendre la cité. Les citoyens-soldats qui combattent à pied (appelés des hoplites) ont désormais plus d’importance que les cavaliers. Aussi réclament-ils les mêmes droits que les aristocrates.
Au VIe siècle avant J.-C., des hommes reçoivent le soutien du peuple et parviennent à s’imposer contre les aristocrates : c’est la forme primitive de la tyrannie, attentive aux aspirations du peuple (la seconde, nettement plus autoritaire, apparaît un peu plus tard en Grèce). Bientôt, les tyrans sont renversés par le peuple (appelé le démos), qui prend alors l’habitude de conduire la politique. Tous les citoyens participent désormais aux décisions importantes qui concernent la cité : c’est le début de la démocratie.
Quel est le fonctionnement de la démocratie athénienne ?
Les Athéniens ont été parmi les premiers Grecs à vivre en démocratie. Athènes se distingue des autres cités grecques car ses citoyens participent en grand nombre à son gouvernement. Tous les citoyens sont membres de l’ecclésia (l’Assemblée du peuple). Réunie quatre fois par mois sur la colline de la Pnyx, près de l’Acropole, l’ecclésia détient tous les pouvoirs. Elle vote les lois et décide de la paix ou de la guerre. Par le vote de l’ostracisme, elle peut obliger un citoyen à quitter Athènes pour une durée de dix ans.
Un conseil, la Boulê, veille au bon fonctionnement de la cité d'Athènes et prépare les débats de l’ecclésia en rédigeant des propositions de lois. Des magistrats, dont les plus importants sont les dix stratèges, dirigent la cité. Ils sont élus pour un an par l’ecclésia ou tirés au sort. Enfin, un tribunal populaire, l’Héliée, rend la justice et vérifie les comptes des magistrats.
La société athénienne reste cependant très inégalitaire. Ni les femmes, ni les métèques (les étrangers installés à Athènes), ni les esclaves ne sont citoyens. Ainsi, la plus grande partie des habitants ne participent pas au gouvernement de la cité.
Le tirage au sort dans la démocratie athénienne
Bernard Manin décrit dans son ouvrage "Les Principes du Gouvernement représentatif" le système politique et les institutions athéniennes. Les Athéniens y sont décrits comme distinguant les régimes selon le mode de désignation des gouvernants, et comme favorisant un système « démocratique », ne substituant au principe du tirage au sort la pratique de l’élection que de manière marginale, quoique pour des fonctions importantes.
La place du tirage au sort dans les institutions athéniennes serait dès lors le signe de leur attribut démocratique, mais encore de la place du religieux dans la société antique, les dieux qui guident l’issue du tirage au sort lui apposant un sceau de justice. Le bon citoyen athénien doit, dès lors, commander et obéir de manière alternative.
Quoique critiqué par les philosophes, au premier chef desquels Socrate et son élève Platon, comme requérant des citoyens une trop grande implication dans la vie publique, le principe de la participation politique, sœur jumelle de la liberté du citoyen athénien, demeure subordonné au volontariat.
C'est ainsi qu'à l'Ekklesia, assemblée où les citoyens votent les lois à main levée sur la colline de la Pnyx, ne siègent qu'un cinquième des citoyens (près de 6.000 sur un ensemble de 40 000 citoyens Athéniens). La prise de parole y est, en outre, accaparée par une élite d'orateurs, que les Sophistes entendent notamment former. S'y affrontent trois grandes factions, populaire, modérée et aristocrate.
La Boulé, conseil qui prépare l'ordre du jour de l'assemblée, est, lui, composé de 500 citoyens âgés de plus de trente ans, tirés au sort par circonscription (dème). Les historiens s'accordent à considérer qu'eu égard au système du tirage au sort, près de la moitié des citoyens athéniens siègent à la Boulé durant leur vie.
Les élections
L'élection est conçue à Athènes comme la technique de désignation de gouvernants dotés de qualités supérieures, postulant inégalités de talent et démocratie hors de tout antagonisme. Si 600 magistrats, qui sont ainsi tirés au sort parmi les citoyens volontaires, exercent pendant un an la fonction d'agent public, une autre centaine est élue parmi l'aristocratie et occupe les fonctions les plus importantes, à la guerre et aux finances.
Les conditions d'accès à la magistrature demeurent néanmoins peu restrictives, puisque sont seules vérifiées la tenue des obligations fiscales, militaires et familiales des volontaires. Aucune compétence n'est requise pour s'y présenter, et est seule interdite la sympathie pour des opinions oligarchiques.
Créés au IVème siècle avant notre ère pour contrôler la cohérence des nouvelles lois et leur insertion dans la hiérarchie des normes, au moment où les lois sont codifiées à Athènes, les Nomothète sont eux aussi élus parmi une élite, plus à même de rendre compte d'une compétence juridique et technique.
La justice
Les Héliastes, juges aux affaires politiques, constituent quant à eux 6,000 tirés au sort parmi des citoyens volontaires âgés de plus de la trentaine. Ici encore, nulle compétence particulière n'est requise pour prendre part à la décision publique.
Les juges ont pourtant un large domaine d'action, et se tiennent notamment comme un garde-fou contre une éventuelle dérive de la démocratie. L'action criminelle en illégalité, qui peut être introduite par tout citoyen, dès lors qu'il n'en abuse pas, leur permet en effet de contrôler la conformité d'une proposition de loi aux principes démocratiques. Diverses sanctions peuvent être décidées à l'issue d'une procédure contradictoire, l'annulation de la proposition, une amende, voire le retrait définitif des droits politiques attachés à la citoyenneté.
Les Héliastes peuvent également connaître des trahisons, tentatives de corruption, de coup d'état, ou condamner encore un général ayant connu une défaite militaire.
Citoyenneté et démocratie athénienne
La liberté athénienne, "liberté des anciens" pour Benjamin Constant, est ainsi conçue comme une libre participation aux affaires publiques. Son principe charpente la structure des institutions athéniennes, qui mêlent savamment principe du tirage au sort et élection pour des positions plus importantes.
Si la religion civique instaure un rapport égal entre les hommes et les dieux de la cité (qui ne sont pas omniscients), les Athéniens ne conçoivent cependant pas l'individu dans son intériorité. C'est pourquoi le reproche souvent adressé à la démocratie athénienne de ne pas concevoir les libertés individuelles – bien qu'offrant une grande liberté des mœurs, par contraste avec Sparte – paraît entaché d'anachronisme.
La citoyenneté n'est, enfin, pas reconnue à tous les habitants d'Athènes puisque femmes et esclaves en sont exclus. L'esclavage peut même être considéré comme la condition de la démocratie directe à Athènes puisque, n'ayant point d'activités économiques, les citoyens peuvent se consacrer aux fonctions politiques et aux affaires de la cité.
L'argument selon lequel le développement du commerce éloignerait les citoyens de la participation politique a par ailleurs été repris par foule d’historiens et philosophes du politique...d'Aristote à Rousseau.
Même si elle ne correspond pas à nos démocraties modernes, la démocratie athénienne fait néanmoins partie du précieux héritage que les Européens ont redécouvert plusieurs siècles plus tard. L’architecture de nombreux parlements actuels, dont les façades copient celles des temples grecs, en témoigne.
Bibliographie
- La démocratie athénienne à l'époque de Démosthène : Structure, principes et idéologie, de Mogens Herman Hansen. Tallandier, 2009.
- Périclès, la démocratie athénienne à l'épreuve du grand homme, de Vincent Azoulay. Armand Colin, 2016.
- Bernard Manin, Les Principes du Gouvernement représentatif, 1995, rééd. Flammarion, coll. « Champs », 1996.