D'origine espagnole, Eugénie de Montijo (1826-1920) est devenue impératrice des Français en 1853 après son mariage avec l'empereur Napoléon III. D’une grande beauté, elle fut le centre des fêtes des Tuileries et de Compiègne. Ayant donné naissance au prince impérial en 1856, elle se préoccupa de l’avenir de la dynastie et commença à jouer un rôle politique, défendant les intérêts catholiques contre la politique italienne de l’empereur, puis poussant Napoléon III à la guerre contre la Prusse. Elle fut nommée régente en 1870. Après la chute de l’Empire, elle se retira en Angleterre où Napoléon III, après sa libération, la rejoignit. Accusée d’incompétence, de nullité, on l’a trop souvent décrit comme stupide, catholique intransigeante, mauvaise conseillère et même « cocotte ». Qu'en est-il vraiment ?
Eugénie de Montijo, une « Grande » d’Espagne
Née le 5 mai 1826 à Grenade en Espagne d'un aristocrate espagnol et d'une mère américaine, Eugenia María de Montijo de Guzmán fut élevée à Paris au couvent du Sacré-Cœur. Fréquentant la haute société de l'époque, elle fait la connaissance du Prince-président Louis-Napoléon Bonaparte lors d'une réception à l'Elysée. Ce dernier tombe sous le charme d'Eugénie et lui fait une cour assidue pendant deux ans. En 1853, elle finit par accepter d'épouser le désormais empereur Napoléon III.
Pour les français, elle n’est de toute évidence qu’une intrigante, une « cocotte » qui a réussit à parvenir à ses fins en se faisant épouser par un Empereur qui n’a essuyé que des refus polis mais fermes des cours européennes. Même son oncle le « Roi » Jérôme lui avait refusé la main de sa fille la Princesse Mathilde. Dotée d’une solide instruction religieuse, elle est une jeune aristocrate accomplie.
A cela s’ajoute une beauté éclatante, une vertu inattaquable, et aussi une personnalité ambitieuse et rusée. Mondaine, sa mère aime à montrer sa resplendissante fille afin de lui trouver une union prometteuse. Si les soupirants ne manquent pas, la jeune fille semble attendre mieux. Coquette oui, mais légère non. Elle devient très vite une habituée des soirées de l’Elysée offerte par le Prince Président et se fait très vite remarquer dès 1851.
L'empereur Napoléon III aime les femmes et obtient sans trop de difficultés ce qu’il veut. Habitué aux courtisanes, « grandes horizontales », femmes du monde mariées, avec Eugénie de Montijo tout est différent. Déjà son nom et ses titres qui la rattachent aux Grands d’Espagne. Et enfin la jeune fille n’est pas si ingénue et naïve que ça. Elle connaît la réputation de Louis Napoléon et refuse d’être la conquête d’une nuit. De là viendra la légende du mariage de 1853 plus ou moins forcé par Eugénie. Pour Victor Hugo, si « l’Aigle épouse une Cocotte », l’ambassadeur anglais Lord Cowley donne le sentiment européen « le grand aventurier a été la proie d’une aventurière ».
L'impératrice des modes et des arts
Eugénie prend très au sérieux sa nouvelle condition d’Impératrice. Depuis Marie Antoinette, les épouses des monarques français ont toujours eu du mal à s’installer dans ce rôle. Joséphine occupait selon elle « injustement » la place de la Reine. Marie Louise aura toujours en tête l’image de sa grande tante décapitée. Marie Amélie tentera de vivre à l’inverse de la reine pour conjurer le sort. Eugénie choisira de marcher dans les pas de Marie Antoinette. La dernière reine est pour elle un modèle et elle lui voue un véritable culte. Ne se va t’elle pas jusqu’à se faire portraiturer en Marie Antoinette ? Comme Marie Antoinette, elle possède une force de caractère, une féminité et un charme sensuel et envoûtant.
Elle aime à se parer. Crinolines, parures et colifichets lui valent le surnom de « Falbala 1ère ». Elle est avide de distractions, des séjours et villégiatures en cure à Plombières par exemple, à Biarritz et Eugénie les Bains. Elle se passionne pour les travaux d’Haussmann et s’intéresse aux plans de ce qui sera l’Opéra Garnier. Ses réceptions sont somptueuses et elle gagne la reconnaissance de ses homologues étrangers en soignant son image. La Reine Victoria, François Joseph , Ali Pacha… tous succombent à son charme. Sa beauté rivalise avec celle légendaire d’Elisabeth d’Autriche. Visconti crée pour Bordeaux une Fontaine des 3 grâces… on y retrouve Victoria, Eugénie et Isabelle d’Espagne…
« Badinguette » entre critiques et oublis
Sa générosité n’a d’égale que sa dépense. Bonne catholique, elle se montre très généreuse et soucieuse de soulager les malheureux. Louis Napoléon Bonaparte, son fils et unique enfant, naît le 16 mars 1856, et à cette occasion elle fonde un orphelinat et une société pour aider à l’installation des petits artisans. Par décret, elle obtient le contrôle des asiles et des crèches. En 1866, elle affronte avec courage les risques de contagion du choléra en se rendant auprès des victimes.
Pourtant on ne retient que ses pires interventions. Elle voit d’un mauvais œil l’intervention française en faveur de l’unité italienne. Pourquoi la critiquer car comme tous les catholiques de France elle soutient le Pape et s’inquiète de l’avenir des états pontificaux. Elle soutient activement l’affaire du Mexique et le désastre qui suivit. Pourtant si les critiques fusent, Napoléon III et ses ministres lui font confiance en lui confiant la régence à 2 reprises.
Napoléon connaît son caractère et sa fermeté… ne va t’elle pas remettre elle-même en place ses différentes maîtresses ? Les ministres apprécient sa force et son énergie et militent pour sa présence aux conseils. Sa présence pour l’inauguration du Canal de Suez fut un succès. Le conflit franco-allemand qui s’annonce la condamnera à être comme son époux responsable de la défaite.
Le dernier combat d'Eugénie de Montijo
Le 19 juillet 1870, Napoléon III prendre la tête des opérations et se rend sur le front franco prussien. Eugénie l’y engage et lui recommande de ne revenir à Paris que victorieux et non vaincu. Elle sait Napoléon III malade et agit donc à la manière d’Anne d’Autriche, prête à tout pour sauver les intérêts du Prince Impérial. Elle quitte le Palais de Saint Cloud le 7 août 1870 pour regagner paris et les Tuileries dès l’annonce des revers successifs de l'armée française. Le 2 septembre la nouvelle de la défaite de Sedan arrive aux Tuileries. Napoléon III est prisonnier et l'éphemère régente de l'empire se retrouve seule aux commandes d’un régime prêt à exploser. Le 4 septembre on réclame la déchéance de l'empereur et la foule se presse aux grilles des Tuileries. Eugénie doit parcourir tout le Louvre afin de quitter le Palais et échapper au peuple. Elle trouve refuge en Angleterre ou elle mourra en exil en juillet 1920 à l'age de 94 ans.
L'impératrice Eugénie a été une victime de la légende noire qui s’attache à certaines de nos personnalités historiques. Frivole, dépensière, légère… De son arrivée en France à son départ précipité pour l’exil, elle est la proie de détracteurs qui ont compris que pour attaquer un régime et la famille impériale, le plus simple est de choisir un bouc émissaire. A la chute du Second Empire on ira même jusqu’à établir un inventaire farfelu de ses soi-disant bijoux afin de noircir le trait.
Pourtant, elle fut plus fine qu’on ne le croit. Le 23 octobre 1870, elle envoie une lettre au Roi de Prusse pour lui demander de ne pas procéder à un démembrement territorial de la France. Eugénie transmet la réponse du Roi à Clémenceau en 1918. Le refus motivé du Roi constituera en 1918 l’argument ultime qui permettra à la France de recouvrer son territoire perdu.
Bibliographie non exhaustive
- L’Impératrice Eugénie, de Suez à Sedan, de Christophe Pincemaille, édition Payot, 2000.
- Eugénie, la dernière Impératrice ou les larmes de la gloire, de Jean Des Cars. Edition Perrin, 2008.