Une douce transition
Gontran, roi d'Orléans et petit fils de Clovis, hérite du royaume burgonde et assure une stabilité sous son long règne (561-592). S’il s’agit d’un prince franc, l’aristocratie burgonde et gallo-romaine lui prêtent une fidélité durable qui ne connaît que de rares et exceptionnelles révoltes. En effet, établissant sa capitale dans le castrum de Chalon-sur-Saône, il maintient l’identité propre de ce royaume principalement au niveau religieux, réunissant des conciles d’évêques. Il établit également une mairie du palais de Bourgogne et fonde son sanctuaire : l’abbaye de Saint Marcel.
Brunehaut et Frédégonde ou l’impitoyable faide
Le royaume de Bourgogne devient alors le théâtre des querelles entre Austrasiens et Neustriens. L’histoire retiendra principalement le noir combat de la reine Brunehaut contre sa rivale neustrienne Frédégonde entrainant une sanglante faide, c’est à dire un système de vengeance privée opposant deux familles ou deux clans dans les sociétés germaniques. C’est en effet le temps des complots, trahisons et assassinats mérovingiens. Frédégonde, concubine du roi de Neustrie Chilperic Ier, fait assassiner son épouse légitime vers 568, la reine Galswinthe, afin de prendre sa place. Cependant, cette dernière n’est autre que la sœur de Brunehaut réclamant vengeance.
Néanmoins, l’aristocratie austrasienne ne supporte plus la vieille reine. Son règne se termine tragiquement en 613. Elle est livrée au fils de Frédégonde (morte en 597), Clotaire II, et mise à mort sur les bords de la Vingeanne, non loin de Dijon, suppliciée et humiliée pendant trois jours puis attachée – notamment par les cheveux – à un cheval lancé au galop avant que ses restes ne soient brûlés.
Un royaume de Bourgogne disputé
Le royaume de Bourgogne est alors rattaché au royaume de Clotaire II, unique roi des Francs. Son fils, le roi Dagobert poursuit l’unification de l’ensemble des royaumes francs et intègre la Bourgogne qui connaît alors une période de calme, les contemporains retiendront de son voyage les confiscations, les exécutions des récalcitrants ainsi que la vacance de la mairie du palais de Bourgogne. Toutefois, à sa suite, l’autorité royale décline, c’est le temps des « rois fainéants ». La Bourgogne garde une certaine autonomie pour ne pas dire une certaine anarchie, l’aristocratie bien établie entend conserver son pouvoir et tenir à l’écart les représentants royaux en dépit des tentatives de contraintes à l’obéissance de la part des rois francs.
Parallèlement, les maires du palais de Neustrie et d’Austrasie livrent toujours une lutte féroce entre eux et le territoire du regnum Burgondiæ se trouve au cœur de la rivalité entre les Herstal d’Austrasie et Ebroïn de Neustrie. Ce dernier, cherchant au cours de la seconde moitié du VIIe siècle à intégrer la Bourgogne, se heurte à l’évêque saint Léger d’Autun de tradition gallo-romaine. Ce dernier est exécuté en 678 alors que l’éternel antagoniste entre Neustrie et Austrasie demeure. Le dénouement final a lieu en 687, à la bataille de Tertry où le camp neustrien est mis en déroute par Pépin de Herstal. La Bourgogne passe ainsi sous son influence et celle de ses successeurs, Charles Martel et Pépin le Bref. L’ère carolingienne s’ouvre sur ce royaume.
Le monachisme dans la Bourgogne mérovingienne
Un nouvel élément religieux apparaît en Bourgogne à partir du Ve siècle, il s’agit du monachisme. En effet, l’époque mérovingienne correspond à une période de développement du monachisme sur cette « terre des moines » par excellence qui verra naître Cluny, Molesme et Citeaux. Si le premier monastère fondé apparaît être celui de Réôme datant du Ve siècle, entre le VIe et le VIIIe siècle, un véritable maillage monastique va s’établir à commencer par Saint Marcel fondé par le roi Gontran. Viens ensuite l’abbaye Saint Bénigne de Dijon.
A cette époque, la capitale des ducs de Bourgogne n’est qu’une petite agglomération ancrée dans un castrum. Un culte populaire se développe autour de la sépulture d’un saint faisant des miracles. L’évêque de Langres, Grégoire décide d’interdire ce mystérieux culte qu’il voit comme une forme de paganisme. La légende raconte alors que le saint intervint en songe auprès de l’évêque qui décida alors de bâtir un sanctuaire du nom de saint Maurice Bénigne, la mystérieuse tombe n’ayant pas de nom.
A l’aube de la Bourgogne carolingienne
Malgré les guerres et les incessantes luttes de pouvoir, le royaume de Bourgogne aspire également à être une terre de paix comme en témoigne les nombreuses fondations de monastères. Ce royaume inspire également à conserver ses traditions. Etonnamment, la Bourgogne demeure avec l’Aquitaine l’une des régions mérovingiennes les plus romanisées. L’aristocratie cherche à garder ses lois et ses coutumes tout comme son indépendance, une indépendance toutefois grandement remise en cause sous les Carolingiens.
Des Burgondes aux Mérovingiens, la Bourgogne n'avait cessé d'être un royaume. Pour autant, l'époque carolingienne sonne son glas avec son annexion à l'Austrasie par Charles Martel. Le regnum Burgundiae disparait alors de la terminologie officielle et se voit démembré. Cependant, le partage de Verdun de 843 amène un éclatement de l'Empire carolingien et de nouvelles Bourgogne apparaissent, entités politiques distinctes et confuses témoignant de l'histoire chaotique d'un territoire en formation débouchant sur la création du duché de Bourgogne.
La Bourgogne entre union et éclatement de l'Empire carolingien
Sous les Mérovingiens, la Bourgogne avait conservé une forme originale, royaume indépendant cible des convoitises et des querelles de succession. Dans les premiers temps de l'ordre carolingien, la Bourgogne n'est plus qu'un territoire comme un autre, faisant partie du royaume des Francs et divisé en pagi, chaque pagus étant placé sous l'autorité d'un comte. Certains pagi sont construits selon les anciennes circonscriptions romaines, les civitates, d'autres présentent un découpage plus fragmenté.
Dijon devient un chef-lieu d'un pagus, la future capitale des ducs n'est plus qu'un simple castrum et a pour rivale Beaune. Mais la Bourgogne n'en reste pas moins un grand territoire comprenant les actuelles régions de Bourgogne et de Franche-Comté, la vallée du Rhône et la Provence sans oublier les Alpes et une partie de la Suisse. Elle regroupe ainsi des disparités à la fois géographiques, humaines et linguistiques qui ne feront qu'amplifier les divisions et les mutations issues du partage de Verdun de 843.
En effet, l'unification de l'Empire carolingien par Charlemagne apparut dès son successeur, Louis le Pieux, comme une construction des plus fragiles. La crise commence dès les années 830 avec des querelles de successions et des guerres fratricides aboutissant à un partage artificiel de l'Empire en trois en 843. La Bourgogne est alors découpée entre Charles le Chauve et Lothaire, mais d'autres divisions sont à venir. La mort de Lothaire en 855 amène un nouvel éclatement entre ses trois fils. Si Louis II possède l'Italie, Lothaire II et Charles héritent chacun d'une partie de la Bourgogne à nouveau arbitrairement morcelée.
En outre, différents mouvements séparatistes remettent en question l'autorité de ces souverains francs. Louis le Germanique doit faire face aux rébellions des Saxons et des Slaves, Charles le Chauve doit faire face aux Aquitains et aux Catalans, sans oublier les Bretons qu'il ne peut défaire qui proclament une monarchie. Mais la Bretagne n'est pas le seul royaume dissident et d'autres apparaissent sur les restes de l'ancien territoire Burgonde.
De Boson, roi de Bourgogne-Provence à Rodolphe, roi de Bourgogne Transjurane
Boson n'hésite pas et se sert de l'occasion pour apparaitre comme un nouveau Charles Martel. Puis, niant les droits de la dynastie carolingienne, il se fait proclamer roi de toute la Bourgogne. Il gouverne ainsi un territoire proche de celui des rois burgondes – du sud de la Bourgogne aux vallées alpines et à la Provence – tout en reprenant leur titre antique de patrice. Cependant, il ne s'agit que d'un fragile édifice qui s'écroule dès la mort de Boson en 887 face à une coalition carolingienne, chaque province éphémèrement unifiée, cherchant ensuite à reprendre son autonomie.
Si à la mort de Boson, son fils Louis l'Aveugle récupère la Provence, les Francs carolingiens récupèrent la partie du nord-ouest qui allait devenir le duché de Bourgogne. Quant à la partie orientale de la Bourgogne, désignée sous le terme de Bourgogne Transjurane et ancrée dans les Alpes, elle passe à la famille germanique des Welf. Un certain Rodolphe se fait ainsi proclamer roi à Saint Maurice d'Agaune en 888, cité où un roi burgonde avait fait édifier une abbaye. Il règne ainsi sur les territoires actuels du Jura, de la Suisse romane et d'une partie de la Savoie.
Son successeur Rodolphe II récupère par la suite le royaume de Provence provenant des successeurs de Boson et reforme à nouveau un territoire très proche de l'ancien regnum Burgundiae. Toutefois, la dynastie des Rodolphiens est peu puissante face à l'aristocratie locale et disparait sans postérité avec Rodolphe III, décédé sans héritier. Son royaume est récupéré par son neveu, l'Empereur Conrad II et restera terre impériale tout au long du Moyen Âge. Le terme de Bourgogne disparait alors sauf pour mentionner la Bourgogne cisjurane, soit l'actuelle Franche-Comté.
Richard le Justicier, des vagues normandes à la construction du duché
Face à ces invasions et pillages, le roi confie le commandement militaire à un certain Richard, comte d'Autun, n'étant nul autre que le frère de Boson. Il est alors le seul à mener une action efficace à partir de 890 contre les normands remontant la Seine, l'Yonne et l'Aube pour frapper la Bourgogne. Mentionné au départ comme « marquis » puis comme « duc », Richard surnommé « le Justicier » unifie par son action militaire les comtés d'Autun, de Nevers, d'Auxerre, d'Avallon et de Sens, tout en établissant son autorité notamment aux comtes de Troyes, Chalon et Beaune.
Il renforce également son autorité en manœuvrant politiquement dans les querelles de successions carolingiennes où se mêlent les Robertiens (dont sera issu Hugues Capet). Cela lui permet d'accroitre et ses possessions et son autorité car Richard avait compris que diriger un grand Etat n'est pas faisable et qu'il vaut mieux s'appuyer sur une solide construction locale de comtés fédérés sous son autorité. Le duché de Bourgogne était en train de naître.
Bibliographie
- Les Burgondes: Ve-Vie siècles apr. J.-C., de Katalin Escher. Errance, 2021.
- L'an 888. Le Royaume de Bourgogne: Une puissance européenne au bord du Léman, de François Demotz. PPUR, 2012.
- Jean Richard (dir.), Histoire de la Bourgogne, Éditions Privat, 1988.