L'histoire du duché de Bourgogne, issu du domaine royal français, est caractérisée par une lutte contre le pouvoir monarchique des capétiens durant plus de quatre siècles. Si la partie transjurane de la Bourgogne (la Franche Comté) connait un autre destin comme territoire de l'Empire germanique, le duché achève sa construction après des siècles de conflits et d'éclatements politiques et géographiques. La Bourgogne s'impose progressivement comme une puissante et prospère principauté au sein du royaume de France préludant l'Âge d'Or du duché sous les Valois à partir du XIVe siècle. Après la mort de Charles le Téméraire en 1477, les États bourguignons seront partagés entre le royaume de France et l'Empire.
Naissance du duché de Bourgogne
À la suite du père d'Hugues Capet, Hugues le Grand, ce sont les deux frères du roi de France, Otton (956-965) puis Henri (965-1002) qui se succèdent à la tête du duché de Bourgogne. La mort de ce dernier débouche sur une querelle de succession entre son fils adoptif, Otte-Guillaume, et le nouveau roi de France, Robert II le Pieux qui en sort vainqueur mais obtient une Bourgogne amoindrie. Il récupère ainsi un duché proche de la principauté constituée à la fin du IXe siècle par Richard le Justicier mais privé des comtés de Nevers, Auxerre, Sens et Troyes.
Quant à Otte-Guillaume, il se maintient à la tête de la partie transjurane : le comté de Bourgogne faisant encore partie du royaume toujours existant de Bourgogne. Le duché capétien de Bourgogne se constitue de son côté, aux environs de 1016, autour de la région de Dijon, de Beaune, d'Autun, d'Avallon et de Châtillon-sur-Seine. En 1032, Henri Ier, fils et successeur de Robert II le Pieux sur le trône de France donne le duché à son frère cadet Robert Ier le Vieux. C'est le début d'une longue dynastie ducale issue des capétiens et qui se maintient sans discontinuité et quasiment sans heurts jusqu'en 1361.
Les ducs de Bourgogne se révèlent alors de fidèles alliés de leurs cousins, les rois de France. Si quelques intrigues existent, les ducs sont reconnus comme des pairs de France. Ils se placent au sommet de la hiérarchie des feudataires du roi. Ils n'hésitent d'ailleurs pas à le soutenir tant militairement, que cela soit lors de la troisième croisade ou de la bataille de Bouvines, que politiquement.
Et cette loyauté, associée à la remarquable longévité de leur dynastie, permet aux ducs d'organiser, de renforcer et d'élargir leur territoire. Ils constituent un pouvoir ducal fort, tenant en main leurs vassaux. Ils rassemblent des terres et des domaines acquérant par exemple le comté de Chalon en 1237. Au moment du règne de Philippe le Bel (1285-1314), ils sont sans conteste parmi les plus puissants barons du roi et à la tête d'un duché prospère tant sur le plan économique qu'artistique et surtout religieux.
Une terre de moines
Le monachisme n'est pas une nouveauté en Bourgogne. Dès la fin du Ve siècle, il prend déjà une réelle importance sous la dynastie mérovingienne et perdure sous les carolingiens. Pour autant, ce monachisme souffre, principalement des invasions barbares amenant de nombreux pillages, notamment de la part des Normands, mais également des spoliations de biens par la noblesse laïque ou même cléricale. Mais ce déclin n'est que très temporaire. La Bourgogne est au cœur du grand mouvement de fondation ou de restauration d'établissements bénédictins qui touche tout l'Occident médiéval. Un mouvement qui part de l'abbaye de Cluny fondée en 909 ou 910 par Guillaume d'Aquitaine.
Poussé par de grands abbés, l'ordre clunisien prend rapidement de l'envergure et se répand à travers toute l'Europe. À son apogée, au XIIe siècle, plus d'un millier d'établissements sont sous l'autorité clunisienne qui impulse une véritable dynamique économique, politique et spirituelle, aidée par quelques autres têtes de pont comme Guillaume de Volpiano, réformateur de nombreux monastères bénédictins, de Saint Bénigne de Dijon au Mont-Saint-Michel.
Et si les études et l'art sont relégués au second plan par rapport à la spiritualité, ils ont durablement marqué l'histoire. Des moines copistes des scriptoria à l'art roman bourguignon comme la cathédrale Saint Lazare à Autun ou l'abbatiale de Vézelay en passant par Cluny III, plus vaste église du Moyen Âge, l'ordre clunisien rayonne culturellement et artistiquement tant dans le duché que dans le comté de Bourgogne.
Ce rayonnement n'est pas sans lui attirer certaines critiques sur le manque d'ascétique et d'érémitisme des clunisiens. Ces critiques se regroupent entre autre sous l'autorité de Robert de Molesme qui fonde l'abbaye de Cîteaux en 1098. À l'image de Cluny, ce nouvel ordre cistercien connait un véritable essor et se répand à travers l'Occident médiéval durant le XIIe et XIIIe siècle, bien aidé par la parole du plus influent de ses membres, saint Bernard. ce nouvel ordre monastique livre lui aussi de véritables chefs-d'œuvres architecturaux dans un style plus épuré comme l'abbaye de Fontenay.
Le devenir du royaume de Bourgogne
De l'autre côté de la Saône, jusqu'au milieu du XIe siècle, subsiste encore un petit royaume carolingien tardif. Il s'agit du royaume de Bourgogne également nommé royaume de Transjurane dont la relative stabilité politique a assuré jusqu'alors sa continuité sous la dynastie des rodolphiens. Et si l'Empire carolingien n'existe plus, ses institutions perdurent à l'échelle plus réduite de la Transjurane qui comprend l'actuelle Franche Comté, une grande partie de la Suisse, le Dauphiné, les Alpes ainsi que la Provence. Pour autant, l'intégration de ce royaume au sein de l'Empire germanique affaiblit son équilibre politique.
Les rodolphiens perdent peu à peu leur influence sur les territoires qu'ils gouvernent et glissent sous la tutelle de l'empereur germanique. À la mort, sans successeur, du roi Rodolphe III, l'empereur Conrad II mène une guerre de succession contre l'aristocratie bourguignonne (transjurane) pour récupérer la couronne. Celle-ci est alors rattachée à l'Empire vers 1032-1034 et perdure de façon quasi-fictive jusqu'au XIIe siècle.
Car ce changement poursuit le dérèglement des institutions politiques déjà en cours avec l'affaiblissement de la dynastie rodolphienne. L'empereur récupère ainsi un royaume où l'essentiel de l'autorité se joue au niveau local avec une montée en puissance de l'aristocratie tant religieuse que laïque. Évêques et comtes prennent ainsi le relai de la royauté transjurane. Le royaume se fragmente alors aisément en diverses principautés comme le comté de Savoie. Ces dernières, bien que parfois très proches géographiquement, n'ont finalement que peu de points communs entre elles, ne serait-ce rien que par les langues des différentes populations.
Quant au comté de Bourgogne (le terme de Franche Comté n'apparait a priori dans les textes qu'à partir de 1336), il est gouverné par les descendants d'Otte-Guillaume. Ils doivent composer avec la montée en puissance de seigneurs locaux ainsi que des autorités ecclésiastiques comme l'archevêché de Besançon ou les nombreux monastères tant clunisiens, cisterciens ou encore chartreux, etc. Un nouveau bouleversement politique survient avec l'extinction de cette branche comtale. Jeanne de France, petite-fille du dernier comte, Otton IV (mort en 1303) épouse en 1318, le duc de Bourgogne, Eudes IV. La Franche Comté entre alors dans le giron du royaume de France et de la Bourgogne ducale.
Des capétiens aux Valois
Eudes IV ne réunit pas seulement sous sa coupe le duché et le comté de Bourgogne mais également le comté d'Artois puis par le mariage de son fils, le comté de Boulogne. Et si des difficultés se font sentir toujours de la part des barons francs-comtois en quête d'indépendance, il se retrouve à la tête d'une puissante principauté préfigurant la Bourgogne des Grands Ducs. Le duché est ensuite consolidé par son petit-fils, Philippe de Rouvres apportant la Flandre par mariage en 1360. Cependant il est emporté par la peste un an plus tard, en 1361. Si sa mort amène un démembrement de ce vaste ensemble territorial, elle signe également la fin de cette longue dynastie capétienne dans une Bourgogne frappée par les maladies et les guerres.
Des différentes principautés démembrées, le roi de France Jean le Bon, cousin du défunt duc, récupère le duché face à Charles le Mauvais, roi de Navarre. Par d'habiles manœuvres politiques, cette récupération se déroule sans heurt notamment auprès de la noblesse bourguignonne toujours méfiante à l'égard de l'autorité royale. Jean le Bon forme alors une équipe d'hommes de confiance réunie autour de Jean de Melun, comte de Tancarville pour gouverner la Bourgogne.
Proche conseiller du roi, il s'attèle à la lutte contre les Grandes Compagnies ravageant les villes et les campagnes. Subissant une retentissante défaite à la bataille de Brignais, Tancarville résigne sa charge de lieutenant général de Bourgogne en 1363. Il laisse sa place à un jeune homme de 21 ans, fils cadet du roi de France, Philippe, déjà surnommé « Le Hardi » suite à la bataille de Poitiers de 1356. Le duché n'allait pas tarder à connaitre son nouveau duc.
Les riches heures du duché de Bourgogne
En 1363, Philippe II le Hardi reçoit de son frère Charles V (héritier du domaine capétien) la Bourgogne en apanage, annexée au domaine royal après la mort sans postérité du duc Philippe de Rouvres. En 1384, il adjoint à son territoire l’héritage flamand de son beau-père Louis de Male, héritage comprenant le comté de Flandre, l’Artois, la Franche-Comté et Nevers. Ainsi apparaît la famille des Valois en Bourgogne.
Son fils, Jean sans Peur, duc de 1404 à 1419, réforma l'administration du duché de Bourgogne et pratiqua une politique d'annexion (Tonnerrois, Boulonnais, Picardie, Besançon). Vis-à-vis du royaume de France, il mena une politique vigoureuse, s'opposant à son cousin Louis d'Orléans, au sein du Conseil de régence qui gouvernait pendant la maladie du roi Charles VI. Cette politique le conduisit à assassiner Louis d'Orléans en 1407.
Appuyé par un puissant parti bourguignon, il dut alors faire face à la réaction de Charles VI, qui laissa se constituer le parti des Armagnac (du nom de leur chef Bernard VII comte d'Armagnac) et déclencha une guerre civile à Paris. Compromis par son soutien aux émeutiers, il dut s'enfuir, cédant la place à la domination armagnaque. Il conclut alors une alliance avec Henri V, roi d'Angleterre (1416), mais fut assassiné en 1419 à Montereau par Tanneguy Duchâtel, un partisan du dauphin, après la victoire des Anglais, alors qu'il tentait de se rapprocher du dauphin Charles.
Devenu duc (1419-1467) à la mort de son père, Philippe III le Bon rattache le comté de Mâcon et accroît encore le domaine, notamment en Picardie, en Belgique, au Luxembourg et en Hollande. Profitant des clauses du traité d’Arras (1435), il se dégage des affaires franco-anglaises pour se consacrer à son État, qui s’étend, grâce à d’habiles alliances matrimoniales, des achats et des confiscations, de la mer du Nord à la Suisse, malgré l’enclave de la Lorraine. Protecteurs des arts, le duc s’entoure d’une cour brillante et reste fidèle à Dijon comme capitale ducale, en proposant la ville pour siège de l’ordre de la Toison d’or qu’il vient de créer.
Charles le Téméraire, dernier duc de Bourgogne
Fils unique de Philippe III, Charles le Téméraire succède à son père en 1467. Plus riche et plus puissant que tous les autres princes, Charles le Téméraire entreprend la restauration du vieux royaume de Bourgogne et la création, entre la France et l’Empire, d’une nouvelle Lotharingie, regroupant ses possessions de Flandre, de Bourgogne et de Franche-Comté. Après ce jeu d’alliances diplomatiques aux dépens de la France, le Téméraire affronte à nouveau directement Louis XI, l’obligeant à assister au massacre des Liégeois que le souverain a poussé à la révolte. Il ravage ensuite la Picardie mais est arrêté dans sa conquête devant Beauvais par Jeanne Hachette (1472). Il annexe néanmoins la Gueldre, en 1473, et tente de conquérir la Lorraine, en 1475.
Le règne de Charles le Téméraire n’est en définitive qu’un long conflit avec le souverain français. Après une période d’annexions systématiques, le Téméraire se voit freiné par les armées françaises et alliées : lorsqu’il tourne ses ambitions vers la Suisse, il essuie de sévères défaites pendant les batailles de Grandson et Morat (1476). Combatif, il refuse néanmoins les conditions de paix et entreprend, en octobre 1476, le siège de Nancy, devant lequel il meurt le 5 janvier 1477.
Son héritière, Marie de Bourgogne, est dépossédée de ses terres bourguignonnes par Louis XI qui, prétextant que l’apanage revient de droit à la couronne en l’absence d’héritier mâle, s’empare de la Bourgogne ducale, laquelle fait désormais partie du domaine royal. La Bourgogne est alors rattachée à la France, tandis que les possessions de Flandre reviennent aux Habsbourg, après le mariage de son héritière, Marie, avec Maximilien, le fils de l’empereur Frédéric III.
Bibliographie
- Jean Richard (dir.), Histoire de la Bourgogne, Éditions Privat, 1988.
- Bertrand Schnerb, L'État bourguignon, Éditions Perrin, Paris, 2005.
- Le royaume inachevé des ducs de Bourgogne : XIVe-XVe siècles, d' Elodie Lecuppre-Desjardin. Belin, 2016.