Les vikings, « guerriers de la mer », sont des peuples maritimes et conquérants venus de Scandinavie et qui se livrèrent, de la fin du VIIIe siècle jusqu’au XIIe siècle, à des incursions sur les côtes de l’Europe et le long des fleuves. A l’époque carolingienne, on leur donne le nom « Normands », de Nortmanni, « hommes du Nord ». Leur expansion peut être considérée comme la dernière vague des grandes invasions germaniques : elle aboutit à la constitution par les Normands de plusieurs Etats durables, foyers de brillante civilisation, en Normandie, en Angleterre, en Sicile et dans l’Italie méridionale, en Russie.
Origine des vikings
L'origine du mot viking est multiple : les anciens Scandinaves appelaient « víkingar », ceux d'entre eux qui partaient en expéditions guerrières par-dessus les mers tandis que l'expression « fara í víkingu » - partir en expédition - est courante dans les sagas. Mais le terme viking peut également être rapproché avec le mot « vík » qui désigne la baie, avec le verbe « vikja » qui signifie courir des bords ou encore avec le latin vicus, le village.
Les Vikings apparaissent au VIe siècle après J.-C., et sont d’abord connus pour être des commerçants, des pêcheurs et surtout de remarquables charpentiers. Ils n’étaient nullement des barbares ne rêvant que de destructions stupides ; ils étaient les héritiers d’une civilisation déjà millénaire, de traditions héroïques et religieuses qui devaient être consignées dans les Eddas (Xe au XIe siècle). On a retrouvé de nombreux poèmes et des chansons de geste, écrits en vieux norrois (la langue des Vikings) qui décrivent leur civilisation marquée par une religion originale, dominée par les dieux Odin, dieu de la Guerre, et Thor, dieu du Tonnerre.
Les Vikings utilisent comme écriture des signes runiques qu'ils gravent sur la pierre, les métaux, les os ou le bois. Placées sur des lieux de passage (des chemins, des ponts, etc.), les pierres runiques servent par exemple aux déclarations publiques ou à commémorer un mort.
Dans les régions où ils se fixèrent par la conquête, ils montrèrent un remarquable sens de l’adaptation aux situations locales, tout en conservant à leurs États une physionomie tout à fait originale. Leur supériorité militaire résidait avant tout dans leur technique maritime : comme ils avaient coutume d’enterrer leurs morts dans leurs bateaux (snekkjur), on a pu retrouver certains de ces navires dans un état de conservation parfaite (navires de Gokstad, d’Oseberg).
Non pontés, adaptés à des traversées assez courtes, ils pouvaient aisément remonter le cours des rivières. Cependant, ils étaient capables aussi d'affronter des voyages (le navire de Gokstad, exactement reconstruit, accomplit sans encombre en 1893 la traversée de l’Atlantique).
Les premiers raids vikings
Les invasions vikings semblent avoir eu des causes diverses : aggravation des conditions climatiques, pression démographique en Scandinavie, manque de terres, établissement des premières monarchies, devant lesquelles de nombreux nobles se rebellaient, et préféraient partir au loin plutôt que de se soumettre.
Même si les historiens actuels supposent les premiers déplacements vikings bien antérieurs, le premier raid connu des Vikings à bord de leur knörr ou skeid (et non « drakkar ») est mené en 793 par des marins norvégiens sur l’île sainte de Lindisfarne, au large de l’extrémité nord-est de l’Angleterre. Bâtiments de haute mer très performants, les navires des vikings sont également capables de naviguer sur les rivières et les cours d'eau, grâce à une coque au faible tirant d'eau.
Ils sont propulsés à la fois par des avirons et par des voiles. Le nom improprement donné au navire viking, « drakkar », est dérivé du mot suédois drakar, lui-même pluriel de drake, qui signifie « dragon ». La figure de proue qui orne les drakkars représente en effet un dragon, symbole de puissance, qui a pour but de protéger les navires et leurs hommes lorsqu'ils approchent les côtes ennemies.
C'est à bord de ces bateaux de guerre que les Vikings ont entrepris des raids fructueux sur les côtes de l'Europe occidentale. Puis, au IXe siècle, des navigateurs suédois pénètrent au cœur de la Russie, découvrant de nouvelles routes commerciales le long de la Volga et du Dniepr jusqu'à la mer Noire, fondant des cités-États comme Kiev et Novgorod, et ouvrant la voie vers Constantinople et les marchés exotiques d’Arabie et d’Extrême-Orient. Connus sous le nom de Varègues en Europe orientale, ces Vikings forment la garde rapprochée d’élite des empereurs byzantins.
Un empire scandinave au nord de l’Europe
Bientôt, des Danois s’attaquent aux cités de l’Empire carolingien en déclin (Hambourg, Dorestad, Rouen, Paris, Nantes, Bordeaux). Finalement, en 911 sera signé un traité leur accordant de vastes territoires en France septentrionale (actuelle Normandie, « pays des Normands ») où ils s’établiront. À partir du Xe siècle, les raids se raréfient car la plupart des Vikings se sont convertis au christianisme ; il leur est donc interdit de prendre des esclaves dans les pays chrétiens.
Sous le règne de Knutt (ou Canut) le Grand, au XIe siècle, un Empire scandinave de la mer du Nord est érigé, comprenant l’Angleterre, le Danemark et la Norvège. Les aventuriers norvégiens se joignent aux danois pour soumettre l’ensemble du nord de l’Angleterre (le Danelaw). Ils s’y établissent comme fermiers ou commerçants et développent de grandes villes comme York. Malgré la résistance des anglo saxons, ils s’emparent également des îles Shetland et Orcades, des Hébrides et de la majeure partie de l’Écosse.
En Irlande, ils jouent un rôle actif dans les querelles meurtrières entre des clans irlandais rivaux, et bâtissent les premières cités commerciales d’Irlande (Dublin, Waterford, Wexford, Wicklow et Limerick).
Les vikings à l'assaut de l'Empire carolingien
Tant que l’Empire carolingien fut puissant, les Normands évitèrent de l’attaquer et conduisirent leurs expéditions contre l’Irlande et la Grande-Bretagne. Mais, après la mort de Louis le Pieux, la faiblesse de la Francia occidentalis accrut leur audace, et ils multiplièrent leurs raids sur les côtes de la mer du Nord, de la Manche et de l’Atlantique.
Remontant les cours d’eau, les envahisseurs foncèrent sur les villes et les abbayes, pillant les trésors, laissant sur leur passage morts, ruines et cendres. En 843, une centaine de drakkars remonta la Loire, et les Normands attaquèrent Nantes : l’évêque, qui célébrait la messe dans la cathédrale de la ville, fut massacré. Une partie des « Hommes du Nord » s’établit dans l’île de Noirmoutier et ne retourna pas passer l’hiver en Scandinavie : pour la première fois, ils s’installaient à demeure en France. D’autres suivirent leur exemple et se fixèrent avec femmes et enfants dans plusieurs régions du littoral. Leurs expéditions eurent aussi pour objectif l’Aquitaine. Enfin, à plusieurs reprises, les Normands remontèrent la Seine et assiégèrent Paris.
En 845, une puissante flotte commandée par Ragnar Lodbrok s'empara de la ville, abandonnée par ses habitants, et le roi Charles le Chauve négocia leur départ contre le paiement d’un tribut de 7 000 livres d’argent, une méthode qu'il eut encore à utiliser les années suivantes, lors de nouvelles invasions. Aussi fit-il décider la construction de ponts fortifiés par le premier capitulaire de Pitres (juin 862) et d’enceintes fortifiées par le second (juin 864), afin de mettre fin à ces raids. En 876, une armée normande chassée d’Angleterre ravage le nord du royaume franc et vient mettre le siège devant Paris, qui résiste vaillamment sous la conduite de son comte Eudes.
ll faudra attendre le règne de Charles III le Simple pour qu’il soit enfin mit fin aux incursions des Normands, dont la dernière avait débuté en 896, sous la direction du chef viking Rollon. Les envahisseurs s’étaient solidement établis dans la région de Rouen et Charles le Simple entama avec leur chef des négociations qui aboutirent au traité de Saint Clair sur Epte (911). Les terres ou les normands s’étaient installés entre l’Epte et la Manche constituèrent le duché de Normandie, Rollon se fit baptiser et épousa la fille du comte de Bayeux. Son descendant Guillaume le Conquérant devidra le plus célèbre des duc de Normandie en s'emparant de la couronne d'Angleterre.
Découverte de l’Amérique et héritage des vikings
Les vikings découvrent et s’établissent dans les terres inhabitées de l’Atlantique, les Féroé, puis l’Islande et le Groenland. C’est à partir de ce dernier qu’ils lancent d’ambitieuses expéditions pour s’établir sur le littoral oriental de l’Amérique du Nord. Leif Eriksson, fils d'Erik le rouge aurait ainsi conduit une expédition sur une terre qu'il baptise Vinland (peut-être Terre-Neuve). Mais ces tentatives de coloniser le Nouveau Monde — cinq siècles avant Christophe Colomb — sont rapidement abandonnées face à l’hostilité des indigènes. Cette conquête avortée de l’Amérique se retrouve dans les sagas islandaises médiévales.
La grande capacité d’assimilation des Vikings aux populations locales laisse peu de place à une réelle influence de ces peuples du Nord. Un siècle et demi après leur établissement en Normandie, les descendants franco-vikings s'emparent de l’Angleterre (Guillaume le Conquérant,1066), et de la Sicile (Robert Guiscard et son frère Roger Ier, 1060-1090).
Les colons importent dans les îles britanniques de nouvelles formes d’art, des techniques agricoles novatrices, des aptitudes commerciales et une langue vigoureuse (des vestiges scandinaves sont toujours visibles dans les dialectes d’Écosse et du nord de l’Angleterre). Ils introduisent également des formes d’administration et de justice, comme le principe du jury. D’ailleurs, le mot loi provient du norrois.
L’héritage le plus durable de l’époque des Vikings se trouve peut-être en Islande, qui produit la grande littérature médiévale des sagas. Le rôle des Vikings dans l’histoire s’avère très important puisqu’ils ont intégré à l’Europe les pays du nord et de la mer Baltique, jeté les bases de la future Russie et laissé des traces importantes en Irlande, ainsi qu’en Angleterre et en France.
Bibliographie
- Les vikings, de Régis Boyer. Tempus, 2015.
- L’épopée viking: 793-1066 : trois siècles pour l’éternité, de Dominique Le Brun. Vuibert, 2022.
- La saga des vikings : Une autre histoire des invasions, de Joël Supéry. Autrement, 2018.