Dans son ouvrage traduit en français par Danielle Lafarge aux Éditions Ixelles, Stephen Harding, journaliste américain rédacteur en chef du magazine Military History, nous livre une incroyable histoire se déroulant quelques jours avant la fin de la Seconde Guerre mondiale. Cette histoire est celle d'une aussi inattendue qu'improbable alliance entre GI et soldats de la Wehrmacht pour porter secours et délivrer des dignitaires français prisonniers par les SS dans une forteresse du Tyrol. Un récit historique documenté et passionnant.
Résumé
Les faits se déroulent dans le Tyrol autrichien, au château d'Itter datant du XIIIe siècle transformé en 1943 en prison de luxe. L'ancienne bâtisse médiévale accueille alors d'importantes personnalités françaises, principalement politiques et militaires comme les anciens présidents du Conseil : Paul Reynaud et Édouard Daladier ou encore les généraux, anciens chefs d'état-major des armées françaises : Maurice Gamelin et Maxime Weygand. À leur côté, sont également enfermées des personnes comme Léon Jouhaux, secrétaire général de la CGT, la sœur du général de Gaulle et entre autre Jean Borotra, célèbre tennisman vainqueur de tournois du Grand Chelem et de coupes Davis. Autant de noms prestigieux que de caractères bien trempés et divergents voire ennemis politiques se détestant cordialement réunis en un même lieu selon une idée d'Himmler pour servir d'otages ou de rançon.
Et alors que s'achemine inéluctablement la défaite du Troisième Reich, le commandant SS, venu du camp de concentration de Dachau, déserte, les laissant à eux mêmes, libres mais abandonnés. Leur situation devient alors plus incertaine et dangereuse. Ils n'ont alors d'autres choix que de mettre leur divergence de côté pour s'organiser, résister et tenter de prévenir les alliés progressant à petits pas dans les vallons autrichiens où résistent toujours des poches de Waffen-SS, prêtes à en découdre jusqu'au bout.
Notre avis
L'ouverture du livre laisse présager le pire : une histoire véritablement hollywoodienne par ses faits et sa dimension, un style hésitant entre le récit historique et le roman. Pour autant, il ne s'agit que du préambule. Débute ensuite un véritable travail de recherches et d'études, précis et minutieux, s'appuyant sur une volumineuse bibliographie n'excluant pas l'interview de survivants de cette « dernière bataille ». Stephen Harding décrit les faits avec intelligence, alternant entre le récit des événements, les portraits des différents protagonistes et des analyses historico-stratégiques. Il délivre alors un ouvrage bien ficelé, fluide et terriblement accrocheur une fois passé le premier chapitre revenant sur l'histoire du château d'Itter.
Mieux encore, à travers la mise en exergue d'une simple bataille, l'auteur revient sur d'importants faits historiques souvent méconnus. Par les portraits des dignitaires français, il nous parle par exemple de la vie politique de la IIIe République et de certains aspects de la défaite de 1940. Ensuite, il réussit le défi de nous transcrire toute la complexité de la situation entre les différents partis : prisonniers français cherchant à survivre, nazis fanatiques déterminés à aller jusqu'au bout, soldats américains et allemands peu désireux de devenir les dernières victimes de la guerre, sans parler de la résistance autrichienne multipliant les opérations pour libérer leur pays. Il n'oublie pas non plus les anonymes qui s'illustrèrent durant cette bataille comme Zvonimir Cuckovic, détenu croate partant vaillamment à bicyclette à travers la ligne de front prévenir les alliés. Enfin, il dresse le portrait de deux hommes dont l'action fut déterminante pour le salut des otages français : le capitaine Jack Lee des GI et le major Josef Gangl de la Wehrmacht dont l'extraordinaire alliance est le point d'orgue de cet ouvrage.
Vous l'aurez compris, de cette histoire ayant tout d'un scénario hollywoodien, Stephen Harding dresse un excellent récit, abordant un très grand nombre de points historiques allant beaucoup plus loin que le simple siège d'une forteresse par les Waffen SS face à une poignée d'Américains, d'Allemands et de Français.
Stephen Harding, La Dernière Bataille, Ixelles Éditions, Paris, 2014.