SongLa dynastie Song débute en 960 de notre ère, et fait suite à plusieurs décennies de chaos politique en Chine. La Chine était alors divisée et en pleine guerre civile, chacune des factions essayant de recréer l'Empire et d'en prendre la tête. Le commandant en chef des armées de la dynastie Zhou tardive (l'un des Dix Royaumes de Chine du Sud), le commandant Zhao Hongyin, prend la tête d'un soulèvement et dépose le précédent empereur avant de prendre la nom d'Empereur Taizu, et de fonder la dynastie Song. Du début de son règne en 960 jusqu'à sa mort seize ans plus tard, il conquiert tout les autres royaumes à l'exception des Han du Nord, unifiant de nouveau la Chine sous une seule autorité. Ainsi débute la dynastie Song du Nord. 

 

La dynastie des Song du Nord

La capitale de la dynastie Song est établie dans le Nord Est de la Chine, à Kaifeng. Dès l'Empereur Taizu, des réformes sont lancées en matière d'administration. De grands projets de cartographies et de travaux sur les voies de communication sont entrepris. Une carte précise de chaque grande cité et province ont été tracé : ce sont les premiers atlas. La principale réforme est cependant d'établir un concours généralisé pour le recrutement des fonctionaires impériaux. Cela a pour résultat de diminuer drastiquement la proportion de fonctionnaires recrutés grâce à leur naissance, transformant, à peu de chose près, l'administration impériale en système méritocratique. En améliorant le recrutement des fonctionnaires, l'Empire se dote d'une administration véritablement efficace. Tout au long de la dynastie, cette politique se poursuivra.

L'idée de ce système de concours était de favoriser la mobilité sociale, et l'égalité entre les compétiteurs. Le succès est au final plutôt mitigé. Si le concours administratif permettait effectivement de sélectionner les plus aptes, ceux-ci étaient souvent issus de l'élite des lettrés, puisqu'ils avaient accès à une bien meilleure éducation que le citoyen de l'Empire moyen.

Emperor TaizuEn revanche, si l'administration se trouva réformée en profondeur, ce ne fut pas le cas du système légal, qui demeura quasiment identique a celui utilisé par la dynastie Tang, c'est à dire basé sur les principes issus de la philosophie confucéenne. Le juge était seul à décider de la culpabilité d'un accusé et de la peine appropriée. La position de magistrat étaient considérée comme un honneur, et le juge lui même était supposé être un exemple pour ces contemporains.

En terme de politique étrangère, la dynastie Song représentait le premier pouvoir central en Chine depuis plus d'un demi-siècle, et par conséquent eut à rétablir les relations diplomatiques avec ses voisins. Les envoyés des empereurs Song recréèrent des relations diplomatiques avec l'Inde, les khans d'Asie centrale, avec les royaumes d'Indonésie, et jusqu'en Egypte. Si les relations de la Chine avec le reste du monde étaient dans l'ensemble plutôt pacifique et centrée sur le commerce, les relations avec ses voisins directs étaient en permanence au bord de la guerre. Sur la frontière Nord, les dynasties Liao et Xia occupaient une partie du territoire considéré comme faisant partie intégrante de la Chine.

Si les Song avaient entrepris d'importantes réformes, leur puissance militaire était réduite, et les troupes Liao purent ravager le Nord de la Chine jusqu'en 1005 en toute impunité après avoir repoussé une tentative de conquête. Au début du 11e siècle, les armées Song faillirent parvenir à conquérir les territoires des Xia, mais les divisions internes de l'état major Song leur coutèrent finalement cette campagne. Entre 1075 et1077, les Song entrèrent en guerre avec leurs voisins du Sud, les Ly, qui gouvernaient l'actuel Vietnam, à propos d'une querelle frontalière. Cette guerre fut particulièrement sanglante, et surtout inutile puisqu'elle se solda par un retour au statut quo qui prévalait avant le début des hostilités.

Les Song, qui avaient réussi le tour de force de réunifier la Chine et d'en prendre la tête, tout en commençant à réformer la société restée inchangée depuis l'époque des Tang, étaient en revanche incapable de défendre efficacement leurs frontières.

Marine SongAussi, lorsque les Jurchens, une minorité interne au royaume des Liao, se rebella pour former la dynastie Jin, les Song leur apportèrent un soutien militaire important pour réussir enfin à se débarasser de leur encombrant voisin du Nord en 1125. Les Jurchens, cependant, constatèrent les défauts des armées Song, et saisirent l'occasion d'étendre leur territoire, lançant deux campagnes successives contre les Song en 1125 et 1127, la seconde débouchant sur « L'Humiliation de Jingkang », où les Jurchens capturèrent l'empereur, son héritier et la majorité de la cour impériale. L'Empereur autoproclamé Gaozong mena les restes de la dynastie Song au sud du Yangtze, et établie à Lin'an (Hangzhou) la dynastie des Song du Sud.

Les Song du Sud

Ayant perdu le contrôle sur le Nord de la Chine, brisés militairement, les Song durent trouver de nouvelles manière de soutenir leur économie, et de se défendre contre les attaques incessantes des Jin sur leur frontière Nord.

Song du SudEt, pour la première fois dans l'histoire de la Chine, les Empereur Song cherchèrent une solution à l'extérieur de leurs frontières. Cinq ans à peine après l'humiliation de Jingkang, la première marine impériale fut créée. Des ports de haute mers, des phares, des entrepots et des chantiers navals...tout cela fut créé avec une célérité dont seule un pouvoir centralisé était capable. La marine impériale permit de soutenir et protéger les routes commerciales avec le Japon et la Corée, les royaumes d'Asie du Sud Est, l'Inde et la péninsule arabique.

Les innovations militaires, comme l'usage de la poudre et les premiers navires à roue à aube, permirent aux Song de défaire la marine des Jin, même en se battant à 1 contre 20, aux batailles de Canshi et Tangdao, en 1161. La marine impériale comptait alors 3000 hommes. Cinquante ans plus tard, elle en comptait quelques 50000.

Par ailleurs, de manière à alimenter la défense de l'Empire, les Song confisquèrent certaines des terres de l'élite, à titre de financement. Ce mouvement provoqua une augmentation radicale de l'évasion fiscale, les familles de propriétaires terriens usant de leurs relations dans l'administration pour éviter de payer leurs taxes. La situation, à la fin du XI e siècle, était complètement nouvelle. Peu à peu, on pouvait distinguer un nombre de familles de grands propriétaires, ayant également placé une partie de leurs fils dans l'administration. Ces familles formaient une nouvelle élite.

De plus, le système de concours créé durant les Song du Nord était restreint à un certain nombre de dignitaires. Résultat, étant donné la croissance fulgurante de la population, le nombre de fonctionnaire de l'administration impériale ne suffit plus. Au finale, l'Etat s'impliquait de moins en moins dans les affaires locales. A titre d'exemple, de plus en plus d'écoles étaient financées par des fonds privés. Des fonds provenant de familles de propriétaires évoquées plus haut, renforçant leur influence.

A la fin du 12e siècle, un certain équilibre était atteint. Les relations avec les Jin étaient plus ou moins stabilisées, et les affaires internes de l'Empire restaient sous contrôle. Dans les premières années du 13e siècle, la fin de la dynastie Song allait faire son apparition. Entre 1205 et 1209, les principaux adversaires des Song, les Jin, furent victimes de raid menés par les armées mongoles, menées par Gengis Khan. En 1211, ils furent définitivement écrasés, et soumis au Khan, forcés de payer un tribut. Lorsqu'ils déplacèrent leur capitale de Beijing à Kaifeng, les mongols y virent une rebellion, et les Jin furent rayés de la carte.

Dans le même temps, les mongols soumettaient les Xia de l'Ouest et la Corée. Une partie des forces mongoles menèrent des raids sporadiques sur la rive Sud du Yangtze, à partir de 1259, mais en 1265, une victoire décisive dans le Sichuan donna l'avantage aux mongols. Après la prise de Xiangyang, et la défaite en 1275 de 130000 soldats chinois, les mongols ne recontrèrent plus aucun obstacle dans leur conquête. La dynastie Yuan, fondée en 1271 par Kubilai Khan, finit par vaincre les dernières résistances des Song à la bataille de la rivière des Perles (dans le sud de la Chine), en 1279. La plus grandes parties des membres de la famille impériale se suicidèrent, et les mongols devinrent les nouveaux maîtres de l'Empire du Milieu.

Arts et culture dans la Chine des Song

La dynastie Song marque une véritable révolution dans le domaine artistique. Peinture, Littérature, Céramique, Opéra,...dans tous les domaines, de nouvelles méthodes et pratiques bouleversent le paysage artistique chinois.

Le Long de la rivièreLa peinture, en premier lieu, voit l'apparition du style Shanshui (littéralement : montagnes et rivières), et la multiplication des peintures de paysages. L'influence du Taoïsme, selon lequel l'homme n'est qu'une infime part d'un univers bien plus vaste, explique sans doute en partie cet engouement pour les paysages. On retrouve le même type de représentations décorant les objets en bois lacqué datant de cette période, de même sur les gravures sur bronze et jade, les sculptures, et même les fresques et bas reliefs. La scène la plus classique représentait, avec quelques variations, de hautes montagnes perdues dans le brouillard en arrière plan, et des rivières et cascades coulant jusqu'au premier plan.

De la dynastie des Song du Nord à la dynastie des Song du Sud, les représentations changèrent, se focalisant de plus en plus sur les détails, comme un oiseau sur une branche, par exemple...Plusieurs grands artistes furent admis à la cour impériale, le plus célèbre d'entre eux étant Zhang Zhuedang(1085-1145), qui peignit le rouleau intitulé Le long de la rivière durant le festival de Qingming.

En matière de littératue, la dynastie Song a vu naître les œuvres de célèbres poètes tels que Su Shi (1037-1101), Mi Fu (1051-1107), et la première poétesse chinoise, Li Qingzhao (1084-1151). La forme la plus populaire de la poésie des Song était la forme ci, développée sous les Tang. Outre la popularité de l'art poétique, la littérature des Song compte aussi d'impressionantes œuvres portant sur l'histoire, comme l'histoire universel Zizhi Tongjian, achevée en 1184, et comportant plus de 3 millions de caractères en 294 volumes. Le « Nouveau Livre des Tang » (1060) et les « Quatre livres des Song » (tout au long du Xe siècle) furent également d'importantes œuvres.

Enfin, de nombreux écrits scientifiques virent le jour sous les Song, dont le contrôle sur la Chine reposait entre autre sur une avance technologique, entre autres les « Essais du Bassin des Rêves » de Shen Kuo, un ouvrage couvrant de très nombreux domaines, de l'art à la stratégie militaire en passant par l'anthropologie et l'archéologie. Parmi eux, de nombreux ouvrages d'agronomie, notamment le « Cha Lu », sur la culture du thé, ou encore le «Zhu Zi Cang Fa », sur la gestion des semences. D'innombrables atlas et ouvrages de géographies furent également réalisés, sur ordre des empereurs successifs qui y voyaient un moyen de mieux défendre leur royaume.

Le théâtre sous les Song avait un statut ambiguë. C'est sous les Song du Nord, à Kaifeng, que le théâtre devint pour la première fois une industrie en Chine. Quatre des théâtres installés dans la capitale avait la capacité d'accueillir plusieurs milliers de personnes. Les troupes jouant dans les rues et sur les marchés étaient trop nombreuses pour être comptés, et plus de cinquante théâtre fixes étaient installés dans le quartier des plaisirs de la ville. Les pièces étaient toujours déclamés en chinois classique, et accompagnés de musique, parfois d'orchestres complets. Mais dans le même temps, et bien que presque aussi lettrés que les membres de l'administration impériale, les acteurs étaient toujours considérés comme des membres inférieurs de la société, ayant un statut proche de celui des prostituées. Mais cela n'affecta pas la popularité des troupes de théâtres. Certaines avaient tant de succès qu'on disait que leurs membres pouvaient devenir riches en une seule soirée.

Religion et philosophie

La dynastie Song est le théâtre d'un changement majeure dans l'histoire des philosophies chinoises, changement qui aura un impact sur l'ensemble de l'Asie. Au début de la dynastie, le bouddhisme est en perte de vitesse, car il était considéré comme une religion « étrangère », et surtout comme étant très abstrait, par opposition aux classiques confucéens et au Taoïsme, qui abordaient des problèmes pratiques comme l'administration ou la vie familiale, et qui étaient des philosophies « natives », nées de penseurs chinois.

Moine Wuzhun ShifanLe Confuciasnime, ou plutôt, le Néo-confucianisme était en train de naître. Les textes de Confucius étaient redevenus incontournables pour l'élite intellectuelle dans la rechercher de solution pour gouverner l'Empire, et ces derniers ne manquaient d'ailleurs pas, comme Ouyang Xiu (1007/-1072) d'associer l'implantation du bouddhisme au déclin de la Chine (il qualifie le bouddhisme de « malédiction »). Mené par Cheng Yi (1033-1107) et Zhu Xi (1130-1200), le Néoconfucianisme voulait épurer le Confucianisme de ses aspects mystiques, l'éloigner de la religion et le rapprocher de la philosophie politique.

Le succès du mouvement fut fulgurant, le commentaire des Quatre Livres de Confucius par Zhu Xi, rejeté du vivant de ce dernier, devint en 1241 un des classiques obligatoire pour entrer dans l'administration impériale. Dans les décennies qui suivirent, la Corée et le Japon adoptèrent également les principes néo-confucéens, autant en matière d'enseignement que d'administration.

Cependant, le bouddhisme n'était pas mort pour autant. Le bouddhisme zen se développa également sous les Song, le moine Wuzhun Shifan étant même appelé à la cour de l'empereur Lizong pour y partager les détails de la doctrine Chan(zen).

Technologie et inventions sous la dynastie Song

La dynastie Song a été une véritable révolution, principalement grâce aux inventions et découvertes qui totalement révolutionné l'époque, autant en matière militaire que civile.
Première invention majeure : la poudre à canon. Ou pour être exact, le développement d'un grand nombre d'armes employant la poudre, notamment des lances-flammes, des mines, des grenades, des canons. Ces inventions ont permi aux Song de repousser les multiples tentatives d'invasion pendant plus de trois siècles. Le traité Wujing Zongyao fut le premier au monde à détailler la fabrication et les usages de la poudre à canon.

Compas chinoisEn matière civile, les découvertes et inventions sont innombrables. Shen Kuo fut le premier à mettre au point un compas indiquant le Nord, facilitant ainsi la cartographie et la navigation. Par ailleurs, il établit aussi une théorie sur les changements de climat au cours du temps, établissant l'hypothèse d'ère « froide » et d'ére « chaude ». Ses créations ne se limitent pas à cela, avec entre autres la fabrication de clepsydres, d'une lunette astrologique lui ayant permis de repérer l'étoile polaire. En termes de mathématiques, la dynastie Song a vu l'introduction du zéro dans les mathématiques chinoises, ouvrant la porte à l'algèbre. Les géomètres de l'époque furent principalement employés par les empereurs pour mettre au point un système de cartographie plus efficaces, qui prit la forme des premières cartes chinoises disposant d'une échelle précise (1:900 000).

Autre invention de la dynastie Song, la presse à caractères amovibles, qui correspond à peu près à la presse inventée, ou plutôt réinventée par Gutemberg. Cette invention date en Chine du 10e siècle, et joua un rôle majeur dans la diffusion des textes classiques, et, coïncidant avec les nouvelles méthodes de recrutement de l'administration, augmenta sensiblement la mobilité sociale. La presse ne cessera d'être améliorée au cours des dynasties suivantes. Enfin, outre le compas inventé par Shen Kuo, un système d'écluse fut mis au point durant cette dynastie, permettant d'amener les navires en cale sèche pour réparation. Ces deux inventions donnèrent une avance considérable à la marine chinoise.

Imprimerie chinoiseL'invention du compas, de la poudre et de l'imprimerie sont souvent considérées comme les trois éléments ayant en Europe mené à la fin du Moyen Âge et ouvert la porte à la Renaissance, mais c'est en Chine que ces inventions ont été réalisées pour la première fois. La dynastie Song fut un véritable renouveau dans l'histoire chinoise, tant sur les plans sociaux que technologiques.

Elle fut aussi la dernière dynastie véritablement chinoise avant l'arrivée au pouvoir des Ming. Mais finalement, les séquelles de la chute de la dynastie Tang menèrent également à la perte des Song, qui pour éviter que l'armée ne devienne une menace pour le pouvoir impérial, choisirent de la maintenir étroitement sous contrôle, au point que l'armée des Song ne parvint pas à éviter la conquête par les mongols.

Cependant, les révolutions de la dynastie Song laisseront un héritage que la dynasite Ming utilisera pour renverser le joug mongol et reprendre le pouvoir pour trois nouveaux siècles.

Bibliographie

- La Dynastie des Song: Histoire générale de la Chine (960-1279) de Christian Lamouroux. Belles Lettres, 2022.

Histoire de la Chine ancienne et impériale, de Damien Chaussende. Que-Sais-Je, 2022.

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