maons2Napoléon était-il franc-maçon ? Aucun document connu, jusqu’à présent, ne l’atteste. Mais l’armée napoléonienne, elle, était un véritable terreau à francs-maçons. Qu’elle était l’ampleur du phénomène ? Comment l’expliquer ? Alain Pigeard, grand spécialiste de l’armée impériale devant l’Eternel (ou le Grand Architecte si vous préférez…) s’est penché sur la question, voici quelques-unes de ses conclusions.

 

Sur les ruines de l’Eglise catholique

La franc-maçonnerie aurait profité en France du mouvement de déchristianisation qui suit la Révolution. L’autorité papale rejetée, c’était pour ainsi dire une barrière à l’intronisation qui s’écroulait. La Paix d’Amiens (1802) obtenue par le Premier Consul renforce les échanges avec les loges anglaises. L’armée anglaise est elle aussi fortement marquée par la franc-maçonnerie, en 1815 on ne comptera pas moins de 409 loges en son sein.

Une armée de maçons ?

L’appartenance maçonnique de grands officiers, et même de Maréchaux d’Empire, est connue. Le phénomène concerne en effet environ 400 généraux et 18 Maréchaux (sur 26) : Augereau, Bernadotte, Brune, Grouchy, Jourdan, Kellermann, Lannes, Lefebvre, Macdonald, Masséna, Mortier, Murat, Ney, Oudinot, Pérignon, Poniatowski, Sérurier et Soult.

Mais au-delà des états-majors, c’est toute la Grande Armée qui fut un foyer de Francs-maçons. En 1810 on ne compte pas moins de 42 loges pour 90 régiments de ligne et 18 loges pour 26 régiments d’infanterie légère. Le phénomène touche plus particulièrement les régiments d’infanterie, et en leur sein, principalement les officiers. En effet les maçons sont le plus généralement des lieutenants ou des capitaines, leur proportion varie beaucoup d’un régiment à l’autre : certains régiments comptent à peine plus de 7% de maçons, d’autres en ont jusqu’à 44%, en moyenne ils représentent le quart des effectifs.

Ci-dessous, détail du registre général des délibérations de la compagnie de Réserve du Puy-de-Dôme, sur les trois officiers de l’unité (capitaine Lejeune, lieutenant Dor, sous-lieutenant Meunier) deux affichent une signature maçonnique (deux traits parfois accompagnés de points) mais les trois le sont :

 
 

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La Franc-maçonnerie comme assurance-vie

 

Dans cette même unité de Réserve, où les cadres sont des vétérans aguerris, on remarque la présence d’un sous-officier maçon : le sergent Bonneau. Qu’est-ce qui caractérise ce soldat ?

Ses déboires, son périple, ses souffrances. Engagé volontaire en 1787 comme simple soldat, sergent-major en 1792 dans le bataillon de volontaire du Puy-de-Dôme, il combat notamment près de Mayence. Alors qu’il était à la tête de 14 hommes il est assailli par l’ennemi et reçoit huit blessures avant de tomber entre leurs mains. Il est délivré par son colonel et déposé à l’hôpital militaire de Sedan pour être soigné. Il ne ressort de ce mouroir que huit mois après.

Est-ce cette courte captivité qui lui apprit l’intérêt de la Franc-maçonnerie dans l’armée ?

Car en effet les soldats prisonniers qui font le signe de reddition maçonnique s’avèrent mieux traités que les autres s’ils trouvent un frère parmi leurs ennemis. L’appartenance maçonnique est donc avant tout pour ces militaires une assurance en cas de revers de fortune.

A ce titre, il n’est pas étonnant que la franc-maçonnerie se soit développée durant la campagne d’Espagne, peut être en partie du fait des contacts avec l’ennemi britannique, mais surtout parce que le sort peu enviable des prisonniers de guerre sur ce front rendait « l’assurance maçonnique » fort attrayante.

Alain Pigeard cite une anecdote à propos de ce soutien maçonnique. Durant la campagne de Russie, des officiers français prisonniers à Oschmiana firent le signe de détresse maçonnique au passage des aides de camps du Tzar. Aussitôt il fut ordonné de chauffer la prison et de distribuer vivres et vêtements !

Sources:

- PACAUD Fabien, La compagnie de Réserve départementale du Puy-de-Dôme. An XIV - 1814 , Mémoire de Master, Université Blaise Pascal LLSH de Clermont-Ferrand, 2010.

- Pigeard Alain, Dictionnaire de la Grande Armée, Tallandier, Bibliothèque Napoléonienne, 2002. 

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