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Dans son troisième film, City of Life and Death, le réalisateur chinois Lu Chuan nous livre une reconstitution impressionnante et profondément humaniste sur le massacre perpétré par l’armée impériale japonaise à Nankin en 1937. Plus qu’un témoignage historique et un important rappel de mémoire, c’est également une tentative d’apaisement entre deux pays qui sont loin de tourner la page sur ces tragiques événements.

Synopsis

Décembre 1937, les troupes japonaises lance l’offensive sur Nankin, capitale de la Chine. À l’intérieur, les soldats chinois sont totalement désorganisés, l’essentiel des troupes a fui. Certains veulent continuer la lutte, d’autres au contraire se rendent devant l’irrésistible armée nippone. Ordre lui est d’ailleurs donnée, en pénétrant dans une ville aux allures fantomatiques, de ne pas faire de prisonniers. La traque des rescapés commence mais aussi les exécutions de masse, les viols et les exactions en tout genre sur une population civile qui cherche autant à survivre que s’organiser. Au milieu de cet impitoyable chaos, un jeune officier japonais, Kadokawa se fait le témoin horrifié et le participant forcé du « Massacre de Nankin ».

Contexte historique d’une guerre encore non déclarée

Revenons quelques instants sur les événements qui ont conduit à ce carnage. Ils s’inscrivent dans le cadre d’une montée progressive des tensions entre la République de Chine et l’Empire du Japon depuis une dizaine d’années. Rappelons la conquête de la Mandchourie par le Japon dès 1931 ou encore la bataille/guerre de Shanghaï en 1932. Poursuivant sa politique expansionniste, l’armée japonaise passe véritablement à l’offensive en juillet 1937 avec une invasion massive de la partie orientale de la Chine donnant naissance à ce que nous appelons généralement la seconde guerre sino-japonaise (1937-1945). Les villes de Pékin et Tianjin tombent dès début août, mais les Japonais rencontrent une résistance acharnée à Shanghaï où les soldats chinois luttent jusqu’à leur dernier souffle. Las, la ville est prise en novembre et les troupes chinoises font retraite jusqu’à la capitale Nankin. De son côté, l’armée japonaise qui recherche un dénouement rapide et victorieux décide de décapiter l’hydre chinoise et d’écraser sans délais cette ville dont elle arrive aux portes début décembre 1937.

colad_Image_10Pour autant, il ne s’agit pas encore officiellement d’une guerre, le Japon nommant lui-même cette première partie du conflit sous le terme d’ « Incident chinois », terme sujet à beaucoup de critiques. En effet, par crainte de sanctions, en particulier de blocus, de la part de l’Occident et tout particulièrement des Etats Unis exportateurs d’acier, aucune déclaration de guerre n’a lieu d’un côté comme de l’autre. Il faudra attendre le 7 septembre 1941 et l’attaque de la base navale américaine de Pearl Arbor par le Japon pour que cette guerre soit officiellement déclarée. De 1937 à 1941, c’est ainsi une guerre qui n’est pas censée exister qui fait rage en Chine aboutissant à des atrocités comme Nankin.

Reconstitution historique et vision humaniste

La résistance acharnée de Shanghaï n’a pas lieu à Nankin, l’armée chinoise est très rapidement mise en déroute, les chefs militaires fuient laissant derrière eux des dizaines de milliers de soldats qui n’ont d’autres solutions que de se rendre. Mais l’armée japonaise n’a que faire de cette masse de prisonniers, son objectif était de déclencher une bataille d’anéantissement. La guerre n’étant pas déclarée officiellement, le statut de « prisonnier militaire » n’a pas lieu d’être, l’extermination systématique des prisonniers est alors décidée. Six semaines de tueries et de terreur commencent alors.

Si le réalisateur Lu Chuan impressionne par sa puissante mise en scène, filmant dans un magnifique et solennel noir et blanc nous renvoyant directement à La Liste de Schindler, il nous épargne rien. Bien au contraire, il nous entraine pour plus de deux heures d’atrocités plus éprouvantes les unes que les autres : les exécutions de masse se faisant parfois à la baïonnette pour économiser les munitions et allant jusqu’à l’enterrement vivant. N’oublions pas les viols collectifs de femmes de tout âge, réduites à la plus insignifiante des choses, celle d’un jouet qu’on jette et change, une fois qu’il est cassé. Pour autant, jamais Lu Chuan ne tombe dans l’écueil de la caricature ou du manichéisme, pas de complaisance, pas de mise en spectacle d’une violence gratuite. C’est au cœur et aux sentiments qu’il fait appel pour reconstituer avec humanisme ce voyage au cœur des ténèbres où l’humain fait face à l’inhumain.

colad_Image_9Et l’humain dans ce film, c’est aussi quelques occidentaux qui s’efforcent de créer une zone de sécurité pour les civils. Cette zone de sécurité est dirigée par l’allemand John Rabe, un membre du parti nazi tentant, armée de l’insigne de la croix gammée, de sauver autant de chinois que possible face aux Japonais, alliés du Reich. Cette action fera de lui un héros de la nation chinoise qui pour autant est présentée ici comme un échec (ce qui est sujet à débat). Un biopic franco-allemand intitulé John Rabe le juste de Nankin sortira sur nos écrans le 27 avril prochain, révélant une autre approche des événements.

Un film au delà des polémiques

Le sac de Nankin est toujours et plus que jamais un sujet complexe et controversé. Selon la Chine qui réclame toujours des excuses officielles de la part du Japon, le nombre de victimes serait de l’ordre de 300 000, militaires et civils confondus. Le réalisateur Lu Chuan dépasse cette polémique pour multiplier avec intelligence les points de vue sur ces événements. Sans être choquant, City of Life and Death n’en demeure pas moins particulièrement intense et émouvant.

City of Life and Death, réalisé par Lu Chuan, DVD novembre 2010.

La bande annonce du film

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