Sorti directement en dvd le 1er avril 2011 sans passer par la case cinéma en France, Black Death (en VF : Peste Noire) réalisé par Christopher Smith (Creep, Severance) n’est pas sans rappeler Le Derniers des Templiers, projeté sur nos écrans en janvier de la même année : une histoire de chasse à la sorcière dans une Angleterre en proie à la terrifiante peste noire. Alors que les films traitant de la période médiévale sont bien rarement de qualité, qu’en est-il de cette petite production restée bien anonyme dans l’hexagone ? Surprise, surprise…
Synopsis de Black Death
1348, la peste frappe impitoyablement l’Angleterre. Toute l’Angleterre ? Non, un petit village reculé par delà une lointaine forêt et des marais semble résister à la terrifiante épidémie. Un nécromancien ramenant les morts à la vie y serait à l’œuvre. Un jeune moine, Osmund, accepte de guider une bande de soudards « fous de Dieu » bien décidés à mettre la main sur ce nécromancien et à faire respecter la foi chrétienne.
Peste et sorcellerie : quelques éléments historiques
Les avis peuvent être mitigés quant à la précision historique de ce film. En effet, si d’une part, le film évite de tomber dans un certain nombre d’écueils dont nous avait gratifié le très médiocre Dernier des Templiers, il n’échappe pas à certains clichés et à certaines approximations, à commencer par celles chronologiques. L’action se déroule en 1348 en Angleterre, un pays qui paya un très lourd tribut à cette maladie en perdant près de 70% de sa population en un demi-siècle. Cependant, la peste noire n’arrive seulement qu’en fin d’année dans le sud-ouest de l’Angleterre, ne s’y répandant pleinement qu’en 1349 et faisant ses ravages les plus importants lors de ses retours endémiques accompagnés d’un cortège d’autres épidémies comme la diphtérie, la variole ou encore la grippe pour en citer quelques unes.
Certes, il ne s’agit vraiment que d’un point de détail mais une fois encore nous assistons à cette incapacité dans une très grande majorité des productions cinématographiques sur cette période à respecter un minimum la réalité historique d’autant plus faussée lorsqu’on ressort une énième fois la chasse à la sorcière un siècle trop tôt. Et encore une fois, on accuse cette dernière d’être responsable de tous les maux alors qu’il s’agit historiquement des juifs qui furent généralement considérés comme bouc-émissaire. Quant à notre héros, moine novice qui se retrouve à confesser et à donner l’absolution, est-il si compliqué de connaître la différence entre un moine et un prêtre ? Est-il donc si difficile d’ouvrir un livre d’histoire ?
Là où en revanche le film se distingue historiquement parlant, c’est dans la représentation de la peste et ses répercussions psychologiques comme par exemple avec les processions de flagellants ou encore sur la conscience collective, souvent terrorisée et considérant comme il est très justement dit dans le film qu’il s’agit de la colère de Dieu.
Foi, fanatisme et aliénation
Le message du film semble a priori clair, il s’agit d’une critique du fanatisme religieux mis en image à travers la joyeuse bande de guerriers prête à commettre n’importe quelle exaction au nom de Dieu et exécuter n’importe quelle femme pour le peu qu’on la traiterait de sorcière. Serions-nous en présence d’un nouveau cliché ? Il n’est nullement question de nier l’absence du fanatisme religieux au Moyen Âge mais de comprendre que toute intolérance religieuse ne provient pas nécessairement du fanatisme mais surtout d’une volonté économico-politique de contrôle et de construction d’un État moderne se manifestant en partie par des chasses aux sorcières.
Néanmoins le scénario se révèle particulièrement intelligent car plus qu’une virulente critique du christianisme, Christopher Smith nous propose une réflexion sur le bien et le mal. Et, si tout au long du film la foi du jeune moine est mise à rude épreuve, nous aussi, nous nous retrouvons à douter alors que notre héros s’enfonce dans un inconnu toujours plus sombre, où la mort semble omniprésente et la folie bien proche.
Black Death, une petite perle parmi les séries B
Ce film est au final une véritable surprise. Abstraction faite des erreurs historiques, Christopher Smith nous livre une passionnante vision d’un Moyen Âge noir, violent et aliéné qui n’est pas sans rappeler le récent et très bon Valhalla Rising au niveau de l’atmosphère ou La Chair et le Sang de Paul Verhoeven au niveau de la noirceur. Si la caméra à l’épaule rend les quelques scènes d’actions peu lisibles (car elles sont relativement rares contrairement à ce que la bande annonce pourrait laisser penser), la photographie sobre et sans artifice contribue pleinement à l’installation d’une ambiance délicieusement morbide et terrifiante.
La distribution n’est pas en reste, Carice Van Houten fascine en nécromancienne alors que Sean Bean en chevalier vengeur et torturé rappelle efficacement son rôle de Boromir dans Le Seigneur des Anneaux. Le scénario laisse planer tout au long de Black Death une rare et appréciable ambiguïté qui permet de hisser ce film petit budget au rang de véritable perle de la série B. On ne peut au final que regretter qu’il n’ait pas trouvé de distributeurs en France quand l’autre tâcheron de Dernier des Templiers était projeté sur pas moins de 340 écrans. Espérons qu’à l’avenir, nous aurons la chance d’apprécier plus amplement ce genre de production au cinéma.
Black Death de Christopher Smith, sorti en DVD/Blu-Ray le premier avril 2011.