Eginhard (v. 770-840) est un clerc et lettré de l'époque carolingienne. Envoyé au palais de Charlemagne en 792 pour parfaire son instruction, il ne tarda pas à se faire remarquer par la variété et l'étendue de ses connaissances. Avec le théologien Alcuin, il joua un grand rôle dans la renaissance carolingienne, caractérisée par la réforme de l'enseignement, la renaissance de l'écrit et le retour au latin classique. Entré dans le cercle des intimes de Cl'empereur, il devient conseiller de son fils Lothaire Ier avant de se retirer à Seligenstadt, où il avait fondé une abbaye. Héritier de Suétone, Eginhard a laissé une Vie de Charlemagne (Vita Caroli Magni), qui constitua une source précieuse pour les historiens.
La vie d’Eginhard
Né dans la vallée du Main (Allemagne) dans une famille noble, Eginhard est instruit à l’abbaye de Fulda. Élève remarquable, il est admis à l’École du palais en 794. Il maîtrise la langue latine et possède des connaissances étendues en littérature. En raison de ses qualités, Alcuin l’introduit dans le cercle étroit des intellectuels de la cour qui fréquentent Charlemagne. Il voyage à plusieurs reprises dans l'Empire pour exécuter des missions qui concernent les bâtiments. L’empereur lui confie l'organisation de la construction de la cathédrale du palais d'Aix-la-Chapelle.
Sous Louis le Pieux, il devient secrétaire particulier de l’empereur et précepteur de Lothaire. Il reçoit d’importantes propriétés en échange de ses services, dont l'abbatiat laïc de Saint-Wandrille près de Rouen. Écœuré par les conflits qui opposent les petits-fils de Charlemagne, il se retire de la cour en 828 et fonde l’abbaye de Seligenstadt dans sa région natale, la vallée du Main. Il la dirige jusqu’à sa mort, en 840. Il s’est consacré à développer le scriptorium, à compléter la bibliothèque de son monastère ainsi qu’à l’écriture.
La Vita Karoli (826)
Eginhard rompt avec la tradition biographique de son temps, l’hagiographie qui domine le paysage littéraire du haut Moyen ge. La vie de saints doit émerveiller et l’imaginaire y tient une place importante. Eginhard entre en contact avec les biographies réalistes romaines et prend pour modèle Suétone, auteur des Vies des douze Césars. C’est grâce à la Vie de Charlemagne que l’on connaît de nombreux détails à propos du souverain. Il nous livre une description précise du physique et du tempérament de Charlemagne.
Ainsi, on sait qu'il impressionne par sa taille et que sa barbe lui est attribuée par la légende. Il se révèle vif, lucide, actif et de mœurs libres. Eginhard dévoile l’intimité de son souverain. Charlemagne a tout d’abord une liaison hors mariage de laquelle naît Pépin le Bossu. En 792, ce fils illégitime complote contre son père. Il est enfermé dans un monastère. Ensuite, le roi a quatre femmes et, après la mort de sa dernière épouse, en 800, il fréquente de nombreuses concubines qui lui donnent des enfants. Cette attitude contraste avec la foi profonde qui l’anime. Toutefois, il ne se sent pas fautif et l’Église ne le condamne pas.
Œuvre littéraire ou historique ?
Eginhard ne souligne que les qualités de l’empereur. Il passe sous silence son autoritarisme et sa cruauté. Son éloge excessif du souverain carolingien met en exergue l’incompétence des derniers mérovingiens . Au début de sa biographie, il insiste sur leur décadence. A l’inverse, il cherche à magnifier les usurpateurs carolingiens et justifier leur prise de pouvoir.
Partial, il cède à de nombreuses exagérations et à quelques anachronismes révélateurs. Il convient donc de rester méfiant à la lecture de son œuvre. Outre sa vocation historique, son récit présente des qualités littéraires indéniables. La finesse de son style et la cohérence de ses propos impressionnèrent ses contemporains.
Pour aller plus loin
- Vie de Charlemagne, d' Eginhard. Les Belles Lettres, 2019.