République romaine et guerre civile
En 44 av. J.-C., la République romaine est en crise : elle a traversé plusieurs guerres civiles dans les dernières décennies (entre Marius et Sylla en 88-87 et 82-81 av. J.-C., contre Sertorius en Espagne en 82-72 av. J.-C., conjuration de Catilina en 63-62 av. J.-C.). La dernière d’entre elles, entre César et Pompée, ne s’est terminée qu’en 48 av. J.-C. avec la défaite de ce dernier. Fait dictateur pour 10 ans en 46 av. J.-C., puis à vie en février 44 av. J.-C., César s’apprête à se lancer dans une campagne contre les Parthes, coriaces ennemis de Rome installés en bordure des territoires romains en Asie Mineure. Son assassinat, le 15 mars 44 av. J.-C. va déclencher une nouvelle guerre civile qui finira par sceller le sort de la République et amener l’avènement de l’Empire romain.
Au lendemain des Ides de mars, le Sénat vote l’amnistie pour les assassins de César, sur proposition de Marc Antoine, seul consul restant et ami de César, qui cherche une réconciliation avec les conjurés. La recherche de conciliation de Marc Antoine ne dure pas longtemps. Aux funérailles de César, il galvanise la foule par ses discours, lisant le testament de César (qui lègue une grande partie de ses propriétés au peuple de Rome) et pointant les déchirures dans la toge du mort, là ou les couteaux ont frappé. La foule attaque les maisons des conjurés, qui quittent Rome.
Cicéron compte parmi les victimes, 300 au total. Un an plus tard, les triumvirs partent en guerre contre les anciens conjurés Brutus et Cassius, qui contrôlent l’Orient. Ces derniers sont défaits à bataille de Philippes. Suite à leur victoire, les triumvirs se partagent le monde romain : Lépide reçoit l’Afrique, Octave l’Occident, Marc Antoine l’Orient. L’Italie n’est allouée à aucun triumvir en particulier.
Après plusieurs années de guerre, Sextus Pompée, fils du Pompée vaincu par César et qui occupait depuis 44 la Sicile, est vaincu par Octave et son lieutenant, Agrippa, lors de la bataille de Nauloque. Lépide, qui a commis l’erreur de vouloir s’approprier des légions d’Octave, est expulsé de force du triumvirat par ce dernier et le force à se retirer dans une de ses propriétés.
Octave se retrouve alors sans opposition en Occident. 33 av. J.-C. marque la fin du triumvirat. Octave ne cherche pas à le renouveler, officialisant sa rupture avec Marc Antoine et convoque le Sénat accusant Marc Antoine d’accorder des titre et d’offrir des territoires à ses proches et à la reine d'Egypte Cléopâtre. Octave, qui est parvenu à se procurer le testament de Marc Antoine, dévoile publiquement que ce dernier a prévu de faire hériter les enfants qu’il a eu avec Cléopâtre de territoires romains et de se faire enterrer à Alexandrie. Marc Antoine voit ses pouvoirs révoqués par le Sénat, qui déclare la guerre contre l’Egypte.
A la bataille d’Actium le 2 septembre 31 av. J.-C., Marc Antoine et Cleopatre sont battus et s’enfuient, poursuivis par Octave qui envahit l’Egypte. Cléopâtre tente de négocier avec Octave pour conserver son trône. Après le double suicide de Marc Antoine et Cléopâtre, l’Egypte, cette grande civilisation, devient une province romaine sous le contrôle direct d’Octave. Ce dernier dédie un temple au Divin Jules, c’est-à-dire à son père adoptif, César, divinisé après sa mort, à l’endroit où avaient eu lieu ses funérailles. Il rappelle ainsi qu’il est le fils d’un divinisé. Octave reçoit l’imperium, qui lui permet de gouverner les provinces contenant des légions, les autres provinces étant administrées par le Sénat.
Auguste, le fondateur de l' Empire romain
Poursuivant son habitude d’obtenir une prérogative sans la charge associée, Auguste se voit attribuer la puissance tribunicienne, prérogative des tribuns de la plèbe (qu’Auguste ne peut être de toute façon, cette magistrature étant réservée aux plébéiens et interdite au patriciens), qui lui permet d’opposer un veto aux lois, de convoquer le Sénat et d’y proposer des lois, et lui confère l’inviolabilité (il est interdit de lui faire le moindre mal ou d’ignorer son veto). Cette puissance tribunicienne sera renouvelée chaque année. En 13 av. J.-C., il devient Pontifex maximus (« Grand Pontife »), s'assurant ainsi le contrôle sur la religion.
Ainsi, sans bouleverser de façon radicale le fonctionnement des institutions, Auguste façonne un nouveau régime, le principat, grâce auquel est reconnue la prédominance d’un seul homme, le princeps, dans les affaires de l’État : les institutions républicaines subsistent (comices, Sénat, magistrature), mais perdent peu à peu leurs prérogatives. L’autorité absolue d’Auguste lui est assurée par le cumul des pouvoirs. Auguste (comme ses successeurs) ne porta pas de titre royal. On l’appelait seulement le « Premier » (princeps, d’où vient le mot « prince »). Auguste a restauré la paix au sein de l'Empire romain après une longue période de guerre civile, lui léguant un système de gouvernement provincial, solide et efficace, contribuant à la stabilité et au développement de l'Empire pour les deux siècles à venir.
Les héritiers d'Auguste
Sans descendance masculine, Octave Auguste désigne son beau-fils Tibère pour lui succéder. ce dernier s'avérera un habile administrateur, assainissant les finances publiques et imposant une stricte discipline dans l’armée. La fin de son règne de Tibère, qui s’est retiré dans une somptueuse villa à Capri, est marqué par de nombreux complots dont celui de Sejanus, le préfet du prétoire. Ce ne sera pas la dernière fois que la garde prétorienne s'immiscera dans la vie politique romaine, faisant et défaisant les empereurs.
Sous l'égide de son tuteur Sénèque, les cinq premières années du règne de Néron furent marquées par la modération et la clémence, bien que Néron ait peut-être fait empoisonner son rival, Britannicus. En juillet 64, les deux tiers de Rome brûlèrent tandis que Néron était à Antium ; on l’accusa d’ailleurs à tort d’en avoir été responsable.
Les pères de l’Église en firent le premier persécuteur des chrétiens sur la foi de textes peu clairs de Suétone et Tacite, deux histoires peu favorables à l’empereur. Il abrita les sans-abri et reconstruisit la cité en prenant des mesures de protection contre les incendies. Ses programmes de construction, ainsi que les spectacles et les distributions de grain à la population, étaient financés par le pillage de l'Italie et des provinces. Il se voulait un artiste et un visionnaire mystique, scandalisant l'armée et l'aristocratie en jouant en public dans des drames religieux.
L'apogée de l' Empire romain
C'est à cette époque que fut construit le célèbre Colisée, qui accueillera entre autres de nombreux combats de gladiateurs. Le règne de Vespasien (69-79) fut marqué par la fin de la révolte des juifs, qui aboutit à la destruction du Temple de Salomon et à la seconde grande Diaspora de l’histoire juive. Ce fut sous le règne de Titus (79-81) que se produisit l’éruption du Vésuve, qui dévasta la région du sud de Naples, dont les villes d’Herculanum et de Pompéi. Bien que la littérature fleurit sous le règne de Domitien (81-96), celui-ci se révéla bientôt un tyran cruel et suspicieux, instaurant une période de terreur qui ne s’acheva que par son assassinat.
L'Empire atteignit sa plus grande prospérité au cours du IIe siècle, et il eut la chance d'être gouverné par une succession d' empereurs de grande envergure : la dynastie des Antonins. Le pouvoir politique à Rome se concentre de plus en plus autour de l'empereur, aux dépens du Sénat, très affaibli. Trajan (98-117) se battit contre les Daces, les Arméniens et les Parthes, et se signala pour son excellente administration. L’Empire atteignit sous son règne son extension extrême. L’auteur satirique Juvénal, l’orateur et épistolier Pline le Jeune et l’historien Tacite furent tous trois des contemporains de Trajan.
Les Antonins furent confrontés à l’émergence du christianisme qui remettait en question les fondements religieux du gouvernement impérial en refusant le culte de l’empereur. Après les voyages de saint Paul au Ier siècle, le christianisme connut un immense succès d’abord en Asie, puis en Occident : selon certaines estimations, la moitié de la population d’Asie aurait été convertie au christianisme dès le milieu du IIe siècle. Ce phénomène entraîna de la part des empereurs le recours à une répression systématique, qui se traduisit par des persécutions tragiques.
La romanité, qui avait accepté sans difficulté la prééminence du modèle culturel hellénique dès l’époque républicaine, était confrontée à la nécessité absolue d’une nouvelle adaptation.
La Pax Romana impose la civilisation romaine
Le vaste monde romain était divisé en provinces, chacune possédant sa propre administration juridique. La politique romaine consistait à persuader les notables de la région de prendre part au gouvernement local ; leurs bons et loyaux services étaient récompensés par l'attribution de la citoyenneté romaine. En dépit de l'existence d'une religion d'État, les différents peuples à l'intérieur de l'Empire adoraient des centaines de dieux, les Romains tolérent toute religion n'impliquant pas de sacrifice humain. Ils attendaient des citoyens qu'ils observent le culte officiel de l'empereur et offrent des sacrifices aux dieux romains ; tout refus était considéré comme un signe de déloyauté. Les Juifs et les chrétiens, qui ne tenaient pas part à ces cultes, furent souvent persécutés.
En 212 la citoyenneté romaine fut accordée à tous les habitants libres de l'Empire. Le latin remplaça peu à peu en Occident la plupart des langues locales (le celte survécut en Bretagne, le basque, dans les Pyrénées), Les langues romanes (l'italien, le français, l'espagnol, le catalan, le portugais et le roumain) se développèrent toutes à partir de dialectes latins régionaux. Le latin ne fit pas la même percée dans les provinces orientales de de l'Empire ; le grec y demeura longtemps la langue la plus parlée.
Economie et défense
Le réseau de routes dallées de Rome était le plus développé du monde antique et le bassin méditerranéen strictement contrôlé. La plupart des habitants étaient des paysans qui fabriquaient eux-mêmes leurs objets et habits de tous les jours. Quant aux coûteux produits de luxe destinés aux plus fortunés, tels les épices, les soies, les parfums, l'ivoire et les pierres précieuses, ils étaient importés de Chine, d'Inde et d'Afrique de l'Est.
La prospérité de l'Empire commença à décliner au IIIe siècle. Les tensions aux portes de l'Empire s'accentuant sous la pression des peuples barbares, il fallut renforcer la défense aux frontières. Pour trouver les ressources nécessaires pour payer les armées romaines, on réduisit la valeur en argent des pièces de monnaie.
Bientôt, la population vit le prix de tous les biens augmenter, et l'inflation monta en flèche, dégradant le prestige impérial. Si un empereur ne remportait pas la victoire au champ de bataille, les soldats sous ses ordres pouvaient fort bien le déposer voir l'exécuter. Les guerres civiles étaient fréquentes et Germains et Perses entre autres en profitèrent pour mener des incursions dévastatrices dans l'empire. Sur 26 empereurs qui régnèrent entre 235 et 284, tous, à l'exception d'un seul, périrent de mort violente.
La partition et la chute de l' Empire romain
En 313, Constantin le Grand (306-337) étendit la tolérance religieuse au christianisme, Né païen, Constantin considérait que le dieu des chrétiens était intervenu pour lui offrir une victoire décisive à la bataille du pont Mïlvius un an plus tôt. Il promulgua l'édit de tolérance de Milan, qui délivrait les chrétiens de la crainte de la persécution. Bien que n'ayant été baptisé que sur son lit de mort, il ordonna pendant son règne de faire construire des églises un peu partout dans l'empire. Le christianisme vint à influencer tous les aspects de la vie romaine, au risque de miner sa cohésion. En 391, l'empereur Théodose ( 379-395) mit un terme au culte païen traditionnel, et reconnut le christianisme comme religion officielle de l'Empire.
A la fin du IVe siècle, les Huns, originaires d'Asie centrale, émigrèrent en Europe de l'Est. Ils poussèrent les tribus germaniques vers Rome. Certains reçurent des terres à l'intérieur de l'Empire en contrepartie du service militaire, mais ils se révélèrent des alliés peu fiables. L'empire romain d'Occident était incapable de résister aux continuelles invasions barbares en Gaule, en Espagne et en Afrique du Nord.
Sous Attila (434-453), "le fléau de Dieu", les Huns dévastèrent eux aussi l'Empire avant d'être défaits par une coalition de Romains et de Germains, aux Champs catalauniques. A la fin du Ve siècle, il était trop tard pour sauver l'empire romain d'Occident : lorsque l'on déposa son dernier empereur Romulus Augustule, en 476, il s'était déjà effondré, rongé de l'intérieur comme de l'extérieur. L'empire romain d'Orient, qui sera dénommé par la suite l'Empire byzantin, lui survivra néanmoins pendant presque mille ans.
Bibliographie
- L'Empire romain, de Patrick Le Roux. Que-Sais-Je, 2022.
- Le Grand Atlas de l'Empire romain. Glénat, 2021..
- La Civilisation romaine, de Pierre Grimal. Champs Histoire, 2009.