assassinat cesar ides marsLe jour des Ides de Mars (15 mars 44 av. J.-C.), Jules César, devenu dictateur à vie, est assassiné par un groupe de sénateurs dirigés par Caius Cassius et Marcus Junius Brutus. Soupçonné de vouloir rétablir la monarchie, le général romain s'était fait de nombreux ennemis parmi les aristocrates républicains et anciens partisans de Pompée, qui décident de l'élimininer. Menés par Brutus, les conspirateurs transpercent Jules César de vingt-trois coups de couteau los d'une scéance du sénat. Cet assassinat déclenchera une nouvelle guerre civile qui se terminera par la victoire des césariens Marc-Antoine et Octave.

 

Un général menace la vieille république romaine

Originellement, jeune aristocrate issu d’une famille ancienne mais de peu d'éclat, Jules César devient membre du « parti populaire » à Rome, une mouvance s’opposant à l’aristocratie ancienne et prestigieuse, incarnée par Sylla. Se lançant dans un plan ambitieux, le jeune homme contracte de nombreux emprunts afin de pourvoir acheter une large clientèle parmi la population romaine.

En effet, à Rome, les nobles fondaient une partie de leur puissance sur ces liens ; ils comptaient sur le vote de ces proches pour que la politique leur soit favorable. Ils comptaient également sur leur force guerrière car souvent les factions s’affrontaient également dans les rues. Dès lors, César, perclus de dettes, se fit attribuer le proconsulat dans la province de Gaule transalpine (future Narbonnaise) en comptant sur une guerre afin de se renflouer. Son commandement militaire était vaste et lui laissait plusieurs possibilités, notamment avec des peuples de l’Illyrie.

Les mouvements germaniques amenèrent les Helvètes dans un mouvement migratoire menaçant, selon César, sa province, ce qui lui donnait un excellent prétexte pour intervenir. Il est peu probable qu’il pensa conquérir la Gaule dans son entier dès le début, une tâche paraissant sans doute à l’époque incommensurable, tellement les Gaulois avaient laissé un souvenir épouvantable aux Romains. Toujours est-il que pris dans les affaires intérieures gauloises, César finit par assujettir l’espace gaulois, malgré les révoltes et quelques difficultés.

Mais cette guerre paraissait illégale à Rome et ,surtout, contraire aux règles présidant les conflits. En effet les Romains agissaient en pensant toujours mener une guerre juste : le jus ad bellum, ce qui semblait manquer dans la guerre de César. Or, les Romains n’avaient guère l’habitude de trop se soumettre et faisaient coïncider le point de vue avec leur intérêt. Dans le cas présent, le problème que visait le Sénat était clairement la puissance nouvelle du proconsul, qu’il fallait abattre. Ne se laissant pas contraindre, César marcha alors sur Rome, passa le Rubicon et inaugura une nouvelle guerre civile à Rome.

César imperator

Vainqueur de Pompée, il rentra à Rome où il devint dictateur à vie ainsi que nous l’avons évoqué. Néanmoins, la vie politique à Rome continuait et César, comme chaque aristocrate, était mêlé à des conflits d’intérêts. C’est l’excès même de son pouvoir qui inquiétait , empêchant à d'autres de prétendre au pouvoir suprême. Les luttes intestines déchiraient la République depuis bien longtemps. On se souvient des Gracches, membres du parti populaire, massacrés par les aristocrates dans des batailles de rue entre partisans, de la guerre entre Marius et Sylla, de la conjuration de Catilina… Cette dynamique n’était pas morte avec la victoire de César, pire, elle attisait les haines les plus farouches.

Face à cela, César, selon les sources, n’aurait pas agi avec une grande finesse politique, dans le sens où, selon Suétone et Dion Cassius, il aurait manqué de respect aux envoyés du Sénat en restant assis face à eux devant le temple de Vénus Genitrix, (il prétendait descendre de cette divinité). Il aurait également fait entrer des étrangers au Sénat, des Gaulois qui plus est, que les Romains considéraient comme des barbares belliqueux, imperméables à toute finesse oratoire, politique, artistique… Mais pire que tout, sa prétention supposée à la royauté suscita sans nul doute les passions. Antoine, de plus, essaya de lui déposer sur la tête le diadème, symbole de la royauté, qu’il refusa. L’idée était là et la vieille hostilité romaine pour les rois se ralluma rapidement.

ides de mars assassinat cesarSi on y rajoute une rumeur prétendant qu’il aurait voulu, selon Suétone, transférer la richesse de l’Italie en Orient pour y régner en monarque, nous avons sans doute rassemblé une bonne part des griefs qui pouvaient lui être imputés. Ce dernier est d’autant plus fort qu’il servit également à Octave, le successeur de César et futur Auguste, lors de sa campagne de propagande contre Antoine et Cléopâtre, accusant le Romain de vouloir assujettir Rome à l’Orient. Cette accusation, terrible pour les Romains, fait appel à leur sentiment de supériorité ethnocentrique faisant des Autres des gens de moins grande vertu. Les Orientaux sont ainsi stigmatisés pour leur trop grande mollesse, une tendance à la fourberie, au calcul, ce à quoi les Romains ne peuvent se soumettre.

César était donc perçu comme un rival trop gênant, comme un tyran, comme un personnage hautain, froissant la morgue sénatoriale séculaire. Dion Cassius, qui écrit à la charnière du IIe et du IIIe siècle de notre ère insiste sur la légitimité de ses prétentions et montre que ce sont les sénateurs eux-mêmes qui lui ont fait ces honneurs. Il défend la mémoire du dictateur car il est le précurseur direct du régime impérial, un homme dont le nom devint un titre et que l’on retrouve jusque dans la dénomination des empereurs russes (Tsar vient de César).

Les Ides de Mars

Toujours est-il que le jour de Ides de Mars 44 av. J.-C., l’homme le plus puissant de Rome et de cette partie du monde sort de chez lui devant les exhortations de Decimus Brutus. Il aurait rencontré en chemin un homme qui lui aurait remis un texte livrant le complot ourdi contre lui, que César ne lut  pas dans l’instant. Avançant vers la curie de Pompée (l’ancienne avait été détruite par un incendie) il ne savait pas qu’une véritable conjuration l’attendait.

En effet, selon Suétone, une soixantaine de sénateurs armés attendaient sa venue, dont les deux Brutus (Marcus et Decimus), symboles de ce complot, car leur ancêtre était celui qui avait mis à bas la royauté en 509 av. J.-C. et instauré la République, concept que les Romains associaient à la liberté. Pour la suite, laissons la parole à Suétone (Jules César, 82)  :

Lorsqu'il s'assit, les conjurés l'entourèrent, sous prétexte de lui présenter leurs hommages. Tout à coup Tillius Cimber, qui s'était chargé du premier rôle, s'approcha davantage comme pour lui demander une faveur; et César se refusant à l'entendre et lui faisant signe de remettre sa demande à un autre temps, il le saisit, par la toge, aux deux épaules. "C'est là de la violence," s'écrie César; et, dans le moment même, l'un des Casca, auquel il tournait le dos, le blesse, un peu au-dessous de la gorge.

César, saisissant le bras qui l'a frappé, le perce de son poinçon, puis il veut s'élancer; mais une autre blessure l'arrête, et il voit bientôt des poignards levés sur lui de tous côtés. Alors il s'enveloppe la tête de sa toge, et, de la main gauche, il en abaisse en même temps un des pans sur ses jambes, afin de tomber plus décemment, la partie inférieure de son corps étant ainsi couverte.

Il fut ainsi percé de vingt-trois coups: au premier seulement, il poussa un gémissement, sans dire une parole. Toutefois, quelques écrivains rapportent que, voyant s'avancer contre lui Marcus Brutus, il dit en grec: "Et toi aussi, mon fils!" Quand il fut mort, tout le monde s'enfuit, et il resta quelque temps étendu par terre. Enfin trois esclaves le rapportèrent chez lui sur une litière, d'où pendait un de ses bras.

De tant de blessures, il n'y avait de mortelle, au jugement du médecin Antistius, que la seconde, qui lui avait été faite à la poitrine.

L'intention des conjurés était de traîner son cadavre dans le Tibre, de confisquer ses biens , et d'annuler ses actes, mais la crainte qu'ils eurent du consul Marc-Antoine et de Lépide, maître de la cavalerie, les fit renoncer à ce dessein.

Dans son style romanesque et empli de détails invérifiables, la mort de César reste donc pour nous un mystère. Ses contemporains n’en ont dit mot, et le magnifique « Et toi aussi mon fils ! », lancé en grec, reste un splendide et vibrant symbole de la politique à Rome, cette Rome tardo-républicaine, à la fois si proche et éloignée de nous, dont les accords tragiques nous parviennent si violemment au gré des phrases léguées par l’histoire.

Bibliographie

- Les ides de Mars . L'assassinat de César ou de la dictature ? Gallimard/Julliard , Archives n° 51 , 1973.

- Les Ides de Mars de Thorton Wilder. Folio, 1981.

.