Nouvelle-France : quand l'Amérique était française

Histoire Universelle | Le siècle des Lumières

Par le

On a souvent tendance à l’oublier, mais l’Amérique du nord n’a pas toujours été anglo-saxonne. Ce fut même, avec l’Inde, le premier empire colonial français, de Québec à la Nouvelle-Orléans. Dès le début du XVIe siècle, de courageux et intrépides explorateurs arpentèrent le nouveau monde, de l’embouchure du St Laurent au delta marécageux du Mississippi en passant par la région des grands lacs, en quête d’un hypothétique passage vers l’orient. Bientôt suivis par des colons venus de l’ouest de la France et par des missionnaires, ils fondèrent la Nouvelle-France, une immense colonie qui couvrait alors plus de la moitié du continent nord-américain.
 
L’histoire de la Nouvelle-France commence en 1524. Le roi François 1er décide qu’il est grand temps de taquiner son rival Charles Quint outre-mer, et commandite une expédition qui est confié à l’italien Verrazano. Celui-ci remonte la cote atlantique depuis la Floride, à la recherche d’un passage vers la Chine, découvrant chemin faisant l’Acadie, à l’est du Canada. Quelques années plus tard, François 1er confie à Jacques Cartier la mission de poursuivre l’exploration de cette région et d’y fonder une colonie. Cartier explore l’embouchure du St Laurent puis remonte le fleuve, mais son expédition est emportée par les maladies, et il ne parvient pas à implanter une colonie.
 
Empêtrée dans les guerres de religion, la royauté française se désintéresse rapidement de cette contrée hostile ou il n’y a été trouvé aucun or. Les quelques tentatives d’implantation qui suivront durent la seconde moitié du XVIe ne seront guère plus fructueuses, mais seront riches d’enseignements pour les expéditions qui reprennent plus sérieusement sous le règne d’Henri IV. Des comptoirs sont créés en Acadie, qui sera plus tard l’objet d’une lutte féroce entre Anglais et Français, et Samuel de Champlain fonde la ville de Québec en 1608. Pour conforter une position précaire et protéger le commerce de la fourrure, Champlain passe une alliance avec des tribus indiennes dont les hurons, s’attirant l’animosité de leurs rivaux iroquois.
 
Coincé au milieu des rivalités entre indiens, cet embryon de colonisation, dont l’économie repose sur la pêche, l’agriculture et le commerce de la fourrure, peine à se développer, faute de colons en nombre suffisant. On en compte alors que quelques centaines lorsque Champlain meure en 1635 alors que les anglais, fuyant les persécutions religieuses, s’implantent par milliers sur la cote est des Etats-Unis. Une nouvelle dynamique est impulsée par une compagnie de missionnaires qui fondent la ville de Montréal en 1639 qui renforce la présence française en lui ajoutant une vocation religieuse et sociale.
 
L’essor de la Nouvelle-France commence réellement en 1663 sous Louis XIV qui transforme la colonie en un établissement royal sous son contrôle direct et celui de Colbert. Un gouverneur et un intendant sont nommés par le roi pour administrer la colonie, désormais défendue contre les indiens et les anglais par un régiment royal. La population locale essentiellement masculine est renforcée par l’envoi des « filles du roi », un contingent de jeunes orphelines dotées par le souverain et expédiées dans le nouveau monde. Venus essentiellement de l’ouest de la France, les candidats au départ restent peu nombreux. Le paysan français est guère enthousiaste à l’idée de traverser les mers pour retrouver dans ces rudes contrées un seigneur et un curé, au milieu d’indiens plus ou moins avenants
 
Ainsi, malgré ces tentatives d’immigrations plus ou moins volontaires, la Nouvelle-France reste une immensité sous-peuplée, constituée essentiellement de comptoirs et de forts militaires, et sous la constante menace des anglais et des iroquois. Une rivalité qui s’envenime dès 1670 avec le développement fulgurant des colonies anglaises installées sur la cote et qui progresse vers l’intérieur du continent, essayant de capter le fructueux trafic des fourrures. Une tension qui s’envenime lorsque la colonisation française progresse en direction du sud-ouest avec la découverte et la prise de possession des territoires du Mississippi et la fondation de la Louisiane par Cavelier de la salle en 1682, qui bloque l’expansion des colons anglais vers l’ouest.
 
En 1690 les hostilités se généralisent en liaison avec les conflits européens. Les français stoppent de justesse les anglais devant Québec, mais les français doivent céder l’Acadie, Terre-neuve et la baie d’Hudson après les traités de Ryswick (1697) et d’Utrecht (1713). L’étau se resserre autour de la Nouvelle-France, qui pourtant pendant la première moitié du XVIIIe, connaît une relative période de paix et de prospérité. Mais le niveau de vie local presque supérieur à celui de la métropole ne parvient toujours pas à attirer des migrants en nombre suffisant pour contrer l’expansion anglaise (2 millions d’anglais et hollandais face à 100.000 colons français et esclaves venus d’Afrique).
 
Devant l’imminence d’un conflit, les anglais procèdent en 1754 à l’expulsion massive des colons français d’Acadie, une région passée sous leur contrôle quarante ans plus tôt. Cet épisode tragique est connu sous le nom pudique de « grand dérangement ». Une fois la région passée aux pillages et aux massacres, la population locale fut déportée vers les colonies anglaises du sud. Mal acceptés, décimés, leurs familles démembrées, leurs enfants enlevés pour en faire de bons sujets de sa majesté, les survivants s’enfuient vers la Louisiane ou ils iront fonder une colonie. Dans leur errance, beaucoup mourront de chagrin et de misère. Un nettoyage ethnique en bonne et due forme reconnu par l’Angleterre en … 2003.
 
La guerre éclate en 1755. Malgré une résistance française héroïque sous la conduite de Montcalm, le canada est rapidement submergée par les troupes anglaises, d’autant plus que la métropole n’y envoya aucun renfort. Louis XV, le « roi débile » selon le bon mot de Jean-Claude Barreau dans « les racines de la France », préférait s’empêtrer dans l’incertaine guerre de 7 ans, négligeant son empire colonial. Québec et Montréal ayant été prises, la colonie aux mains des anglais attendait l’issue du conflit sur le théâtre européen. Ce fut le catastrophique « traité de Paris » de 1763. En plus de l’Inde, la France céda à l’Angleterre la quasi-totalité de ses possessions nord-américaines.
 
Pourtant la France, première puissance européenne et disposant d’une aussi bonne marine que la « perfide Albion» aurait eu les moyens de défendre son empire colonial. Mais à la différence de l’Angleterre pour qui la domination des mers était vitale, la France était restée viscéralement ancrée dans une vision continentale des enjeux de l’époque, considérant avec mépris « les arpents de neige » du Canada. Partiellement récupérée en 1800 pour être aussitôt revendue 3 ans plus tard aux Etats-Unis par un Napoléon guère plus inspiré que le 15eme des bourbon, la Nouvelle-France et sa population passèrent aux pertes et profits de l’histoire de France. Il en reste le Québec bien sûr, noyé dans un océan aglo-saxon, des noms de famille et des noms de ville le long du missippi qui résonnent de façon familière dans nos oreilles.

La Nouvelle-France désigne l'ensemble des possessions françaises en Amérique du nord, jusqu’à leur cession à l’Angleterre en 1763. Ce fut, avec l’Inde, l'emplacement du premier empire colonial français. Dès le début du XVIe siècle, de courageux et intrépides explorateurs arpentèrent le nouveau monde, de l’embouchure du St Laurent au delta marécageux du Mississippi en passant par la région des grands lacs, en quête d’un hypothétique passage vers l’orient. Bientôt suivis par des colons venus de l’ouest de la France et par des missionnaires, ils fondèrent la Nouvelle-France, une immense colonie qui couvrait alors presque la moitié du continent nord-américain.

 

Premières implantations françaises en Amérique

L’histoire de la Nouvelle-France commence en 1524. Le roi François Ier décide qu’il est grand temps de concurrencer son rival Charles Quint dans le Nouveau Monde, et commandite une expédition qui est confiée à l’italien Verrazano. Celui-ci remonte la côte atlantique depuis la Floride, à la recherche d’un passage vers la Chine, découvrant chemin faisant l’Acadie, à l’est du Canada. Quelques années plus tard, François Ier confie à Jacques Cartier la mission de poursuivre l’exploration de cette région et d’y fonder une colonie. Cartier explore l’embouchure du St Laurent puis remonte le fleuve, mais son expédition est emportée par les maladies, et il ne parvient pas à implanter une colonie.

Empêtrée dans les guerres de religion, la royauté française se désintéresse rapidement de cette contrée hostile ou il n’a été trouvé aucun or. Les quelques tentatives d’implantations qui suivront durant la seconde moitié du XVIe ne seront guère plus fructueuses, mais seront riches d’enseignements pour les expéditions qui reprennent plus sérieusement sous le règne d’Henri IV. Des comptoirs sont créés en Acadie, qui sera plus tard l’objet d’une lutte féroce entre Anglais et Français, et Samuel de Champlain fonde la ville de Québec en 1608.

Pour conforter une position précaire et protéger le commerce de la fourrure, Champlain passe une alliance avec des tribus indiennes, dont les hurons, s’attirant ainsi l’animosité de leurs rivaux iroquois. Coincé au milieu des rivalités entre indiens, cet embryon de colonisation, dont l’économie repose sur la pêche, l’agriculture et le commerce de la fourrure, peine à se développer, faute de colons en nombre suffisant.

On n'en compte alors que quelques centaines lorsque Champlain meurt en 1635 alors que les anglais, fuyant les persécutions religieuses, s’implantent par milliers sur la côte est des Etats-Unis. Une nouvelle dynamique est impulsée par une compagnie de missionnaires qui fonde la ville de Montréal en 1639 et qui renforce la présence française en lui ajoutant une vocation religieuse et sociale.

La Nouvelle-France colonie royale

L’essor de la Nouvelle-France commence réellement en 1663 sous Louis XIV, qui transforme la colonie en un établissement royal sous son contrôle direct et celui de Colbert. Un gouverneur et un intendant sont nommés par le roi pour administrer la colonie, désormais défendue contre les indiens et les anglais par un régiment royal.

La population locale, essentiellement masculine, est renforcée par l’envoi des « filles du roi », un contingent de jeunes orphelines dotées par le souverain et expédiées dans le nouveau monde. Venus essentiellement de l’ouest de la France, les candidats au départ restent peu nombreux. Le paysan français n'est guère enthousiaste à l’idée de traverser les mers pour retrouver dans ces rudes contrées un seigneur et un curé, au milieu d’indiens guère avenants. 

Ainsi, malgré ces tentatives d’immigrations plus ou moins volontaires, la Nouvelle-France reste une immensité sous-peuplée, constituée essentiellement de comptoirs et de forts militaires, et sous la constante menace des anglais et des iroquois. Une rivalité qui s’envenime dès 1670, avec le développement fulgurant des colonies anglaises installées sur la côte et qui progressent vers l’intérieur du continent, essayant de capter le fructueux trafic des fourrures.

Et la tension s’aggrave encore lorsque la colonisation française progresse en direction du sud-ouest avec la découverte et la prise de possession des territoires du Mississippi et la fondation de la Louisiane par Cavelier de la Salle en 1682, qui bloque l’expansion des colons anglais vers l’ouest. En 1690, les hostilités se généralisent en liaison avec les conflits européens. Les français stoppent de justesse les anglais devant Québec, mais ils doivent céder l’Acadie, Terre-neuve et la baie d’Hudson après les traités de Ryswick (1697) et d’Utrecht (1713).

L’étau se resserre autour de la Nouvelle-France, qui pendant la première moitié du XVIIIe, connaît une relative période de paix et de prospérité. Mais le niveau de vie local presque supérieur à celui de la métropole ne parvient toujours pas à attirer des migrants en nombre suffisant pour contrer l’expansion anglaise (2 millions d’anglais et hollandais face à 100.000 colons français et esclaves venus d’Afrique).

La fin tragique de l'Amérique française

Devant l’imminence d’un conflit, les anglais procèdent en 1754 à l’expulsion massive des colons français d’Acadie, une région passée sous leur contrôle quarante ans plus tôt. Cet épisode tragique est connu sous le nom pudique de « grand dérangement ». Une fois la région passée aux pillages et aux massacres, les acadiens furent déportés vers les colonies anglaises du sud. Mal acceptés, décimés, leurs familles démembrées, leurs enfants enlevés pour en faire de bons sujets de sa majesté, les survivants s’enfuient vers la Louisiane ou ils iront fonder une colonie. Dans leur errance, beaucoup mourront de désespoir et de misère. Un nettoyage ethnique en bonne et due forme reconnu par l’Angleterre en … 2003.

La guerre éclate en 1755. Malgré une résistance française héroïque sous la conduite de Montcalm, le Canada est rapidement submergé par les troupes anglaises, d’autant plus que la métropole n’y envoie aucun renfort. Louis XV, le « roi débile » selon le bon mot de l'historien Jean-Claude Barreau dans « les racines de la France », préférait s’empêtrer dans l’incertaine guerre de Sept ans, négligeant son empire colonial. Québec et Montréal ayant été prises, la colonie aux mains des anglais attendait l’issue du conflit sur le théâtre européen. Ce fut le catastrophique « traité de Paris » de 1763. En plus de l’Inde, la France céda à l’Angleterre la quasi-totalité de ses possessions nord-américaines. 

Pourtant la France, première puissance européenne et disposant d’une aussi bonne marine que la « perfide Albion» aurait eu les moyens de défendre son empire colonial. Mais, à la différence de l’Angleterre pour qui la domination des mers était vitale, la France était restée viscéralement ancrée dans une vision continentale des enjeux de l’époque, considérant avec mépris « les arpents de neige » du Canada (Voltaire).

Partiellement récupérée en 1800 (Louisiane) pour être aussitôt revendue trois ans plus tard aux Etats-Unis par un Napoléon qui n'a guère les moyens de se préoccuper de son sort, la Nouvelle-France et sa population passèrent aux pertes et profits de l’histoire de France. Il subsiste de cette épopée le Québec bien sûr, noyé dans un océan aglo-saxon, ainsi que des noms de famille et des noms de ville le long du Saint-Laurent et du Mississippi, qui résonnent de façon familière dans nos oreilles, entretenant la nostalgie d'une époque révolue. 

Bibliographie

- Histoire de l'Amérique française, de Gilles Havard. Champs Histoire, 2008.

- L'épopée américaine de la France - Histoires de la Nouvelle-France, de Alain Dubos. Bertrand Lacoste, 2017.

- Québec : Capitale de la Nouvelle-France 1608-1760, de Raymonde Litalien. Belles lettres 2008.

 

Poursuivez votre lecture avec nos autres articles sur le même thème