9 mai 1978, l’Italie est sous le choc. On vient de retrouver le corps sans vie d’Aldo Moro dans le coffre d’une voiture en plein Rome. Le chef de la démocratie chrétienne Italienne, cinq fois président du conseil, avait été enlevé le 16 mars précédent par les Brigades Rouges, groupe terroriste d’extrême gauche. Les Brigades affirmèrent qu’elles l’épargneraient si le gouvernement Italien s’engageait à libérer un certain nombre de ses membres emprisonnés. Moro eut l’occasion d’écrire plusieurs lettres enjoignant les autorités à accepter les exigences des terroristes, mais ses demandes restèrent lettre morte, avec les conséquences que l’on sait.
Un itinéraire politique exemplaire
Originaire du sud de l'Italie, Aldo Moro fut professeur de droit à l'université de Bari à l'époque fasciste. Après la Seconde Guerre mondiale, il se lança dans la politique et fut élu député démocrate-chrétien en 1948. Il fut nommé successivement ministre de la Justice (1955-1957), de l'Instruction publique (1957-1959) et des Affaires étrangères (1970-1972) ; de 1959 à 1963, il fut secrétaire du Parti démocrate-chrétien. Devenu président du Conseil en 1963, il organisa l'ouverture à gauche en formant un cabinet de coalition intégrant des socialistes ; il revint à la présidence du Conseil en 1964-1968 et en 1974-1976. En 1978, Moro entreprit avec le PCI des tractations en vue de faire entrer des communistes au gouvernement ; ce programme (« compromis historique ») contrariait les projets révolutionnaires des Brigades rouges, un groupe terroriste d'extrème-gauche.
Le 16 mars 1978, Aldo Moro est kidnappé à Rome, lors d'un guet-apens qui coûte la vie à ses gardes du corps ; son corps est retrouvé le 9 mai suivant dans le coffre d'une voiture garée dans une rue du centre. Ce rapt marque l'apogée des « années de plomb » au cours desquelles une série d'attentats à la dynamite, de meurtres, d'agressions et de kidnappings organisés par des terroristes de droite et de gauche marquent une période politique de rudes conflits sociaux et de lutte politique, de durcissement de l'État et d'intervention de forces subversives occultes, responsables de ce qui fut appelé à l'époque la « stratégie de la tension ».
Pourquoi l'assassinat d'Aldo Moro ?
Pourquoi Aldo Moro a-t-il été enlevé puis assassiné ? Aujourd’hui encore la question fait débat. Le chef de la démocratie chrétienne était dans les années 70 l’un des tenants du « Compromis historique », à savoir une coalition politique ouverte aux communistes du PCI. Une position extrêmement controversée à droite, comme à gauche, mais aussi à l’étranger et notamment aux Etats-Unis.
Les Brigades Rouges par l’assassinat de Moro ont-elles voulu signifier à la gauche communiste Italienne qu’une alliance avec des partis bourgeois était inacceptable ? Où ont-elles été manipulées par des éléments étrangers afin de les discréditer aux yeux de l’opinion publique ? Quoi qu’il en soit, Aldo Moro qui était prêt à faire fi des divergences idéologiques pour assurer un avenir meilleur à son pays, paya trés cher le prix de ses engagements.
Des années après, l'assassinat d'Aldo Moro reste néanmoins une blessure ouverte pour l'Italie et fait aujourd'hui encore l'objet de questions, soupçons et accusations.
Pour aller plus loin
- L'affaire Aldo Moro, de Philippe Foro. Vendémiaire, 2013.
- L'Italie des années de plomb, de Marc Lazar. Autrement, 2010.