Troie (ou Ilion) est une cité antique de l'Asie mineure, située sur le site actuel d'Hisarlik sur la côte égéenne, au nord-ouest de la Turquie. Les fondations du site de Troie furent localisées par Heinrich Schliemann dans les années 1870. Depuis cette date, les fouilles entreprises ont permis de déterminer neuf fondations successives de la ville, depuis le IIIe millénaire jusqu'à l'époque romaine. Ce site est reconnu par l'UNESCO en 1998 comme étant celui de la ville de Troie. Selon les archéologues, la cité a été détruite par un incendie au début du XIIe siècle av. J.-C, peut-être à la suite d'un conflit avec les Grecs...
Le mythe de la guerre de Troie
Au VIIIe siècle av. J.C., Homère raconta l'histoire de la guerre de Troie, qui, selon divers auteurs antiques, se déroule entre 1344 et 1150 av. J.C. Selon ce récit, le conflit débute lorsque Vénus promet à Pâris, fils de Priam, le roi de Troie, l'amour de la plus belle des femmes, Hélène. Plus tard, à Sparte, Pâris est invité à séjourner chez le roi Mélénas, époux de la belle Hélène de Troie. Il tombe amoureux de cette dernière, l'enlève (ou elle le suit de son plein gré selon les versions), et la ramène chez lui à Troie. Ménélas organise alors une expédition pour ramener son épouse, mais aussi pour venger son honneur, car Pâris a bafoué les règles d'hospitalité. Il forme une armée, avec à sa tête son frère Agamemnon, roi d'Argos.
Les guerriers Grecs assiègent la ville de Troie durant dix ans, au terme desquels ils finissent par la vaincre, en entrant dissimulés à l'intérieur du célèbre cheval de Troie, que les troyens prennent pour une offrande destinée à la déesse Athéna. La ville est alors incendiée est détruite.
Dans le récit homérique, l’Iliade, s'ouvre sur le récit de la colère d’Achille, héros grec (fils d’un mortel et d'une déesse). La guerre de Troie est commencée depuis près de neuf ans, et Agamemnon vient de s'emparer d’une captive, Briséis, que convoitait Achille. Celui-ci, furieux, se retire sous sa tente et refuse de reprendre le combat. Ce n’est qu’à la mort de Patrocle, son ami le plus cher, tué par le Troyen Hector, qu'il reprend les armes pour le venger.
L’Iliade s’achève ainsi sur la mort d’Hector et les grandioses funérailles célébrées pour Patrocle par son ami. Le récit est organisé en une suite de tableaux décrivant des scènes de guerre. Ce n’est que dans l'Odyssée, l’histoire du long et difficile retour d'Ulysse, roi d’Ithaque, vers sa patrie, que l’on en sait un peu plus sur les neuf premières années de la guerre, et surtout sur la fin du conflit et l’épisode fameux du cheval de Troie.
Les historiens grecs du Ve siècle avant notre ère (Hérodote, auteur des Histoires, et Thucydide, à qui l'on doit la Guerre du Péloponnèse) apportent à la tradition homérique des explications historiques et politiques. pour le premier les Troyens représentent les éternels ennemis de la Grèce : les Perses. La guerre de Troie serait donc d’après le “père de l’histoire” une première guerre médique.
L’analyse de Thucydide est plus politique. Pour lui le conflit décrit par Homère symbolise la première tentative de rassemblement des Grecs en vue d’une conquête, une première forme d’impérialisme hellénique en quelque sorte. La véracité des poèmes n’est donc pas mise en doute par les Anciens : les événements qu’ils décrivent ont à leurs yeux une réalité historique.
Schliemann et la découverte du site archéologique de la ville de Troie
Passionné par l'Iliade depuis l'enfance, la quarantaine passée, ce négociant fortuné abandonne femme et enfants, et dédie le reste de son existence à retrouver le site de Troie. Tout d'abord considéré comme un doux rêveur aux yeux de la communauté scientifique, son obstination finit par porter ses fruits. L'apprenti-archéologue se base sur une méthode pour le moins surprenante : s'appuyant sur sa connaissance parfaite du texte d'Homère , Heinrich Schliemanns'applique à retrouver le site qui ressemblerait en tout point à ces descriptions.
Sa rencontre avec Frank Calvet, qui a racheté une partie de la colline d'Hisarlik, sera déterminante dans sa localisation de Troie. Les caractéristiques topographiques du site correspondent aux descriptions d'Homère. Le lieu est déjà soupçonné être celui de Troie, et des érudits s'y sont déjà intéressés : Charles Mac Laren, Gustav von Eckenbrecher, et Calvet lui même y a débuté des fouilles, avortées faute de moyens financiers. Les véritables fouilles seront menées par Schliemann en 1870.
Elles débutent par le creusement d'une gigantesque tranchée pour observer la stratigraphie. A l'époque l'archéologie n'est pas encore une science rigoureuse, et cette discipline est encore largement empreinte d'amateurisme, d'autant plus que Schliemann n'est que fraîchement diplômé d'archéologie. Il ne relève pas les niveaux qui lui semblent postérieurs au site de la Troie homérique, et certaines informations sont perdues à jamais.
Cependant, en ce qui concerne le niveau que Schliemann pense être celui de la ville mythique (Troie II, avant dernier niveau le plus ancien), apparaît progressivement la mise en place d'un protocole : étude de la stratigraphie, photographie systématique, tenue d'un journal... Et la progression des fouilles est présentée à un panel d'experts, dans le but de faire avancer la recherche, une méthode novatrice en archéologie.
Schliemann découvre des traces d'incendie, et une citadelle qu'il pense être celle du roi Priam. Il fait aussi une découverte spectaculaire, appelée hâtivement « le trésor de Priam » : un ensemble de bijoux précieux d'or et d'argent, dissimulé dans un vase d'argent, comprenant deux diadèmes, un bandeau, six bracelets et deux gobelets, le tout en or, une soixantaine de boucles d'oreilles en or également, et plus de 8 milliers de bagues, prismes et boutons. Il photographie Sophia, sa jeune femme grecque, parée des bijoux. Le trésor contient aussi des vases, des coupes et des chaudrons en or, argent, et bronze, ainsi que des pointes de lance et des haches en cuivre.
La communauté scientifique est septique sur l'authenticité du site, car plusieurs éléments ne concordent pas avec ce que l'on sait de Troie. Tout d'abord la taille de la ville, en effet Troie est décrite comme une grande capitale, or le site ne pourrait recenser qu'une population de 300 habitants, qui aurait difficilement pu affronter un siège de 10 ans. Par ailleurs, la ville se situe à 7 km de la mer, les Grecs n'ont donc pas pu accoster à proximité immédiate comme le raconte Homère. Enfin, si quelques pointes de flèches ont été retrouvées, elles sont assez sporadiques, et il n'y a pas de traces de destructions ou de squelettes de guerriers.
Les recherches de Manfred Korfmann
D'autres archéologues se succèdent sur le site : Wilhelm Dörpfeld (collaborateur de Schliemann) Carl Blegen, John Manuel Cook. Emil Forrer, spécialiste du Proche-Orient ancien, met déjà en avant une possible connexion avec les hittites.
En 1988, Manfred Korfmann débute ses recherches, son intérêt est purement scientifique, il ne croit pas à l'existence de la Troie homérique, et s'intéresse aux périodes grecques et romaines, plus récentes. Selon lui, l'importance du site n'est pas sa possible assimilation à Troie, mais sa situation à l'entrée du détroit des Dardanelles, qui relie la Méditerranée à la mer de Marmara et à la Mer Noire, situation qui en fit probablement un pôle d'échanges important entre l'Asie mineure et le sud-est de l'Europe.
Les diverses campagnes de fouilles mettent en évidence 9 niveaux d'occupation, sur une durée d'environ 5000 ans. La première occupation de la ville remonte à l'âge du Bronze (4000 av. J.C.), et le site est occupé jusqu'à la fin de l'époque romaine (IV e siècle). Sur le niveau d'occupation romain, Korfmann découvre les traces d'un pèlerinage : la ville est déjà reconnue comme étant celle de Troie à l'époque. C'est ce qui pousse l'archéologue à faire des recherches sur Troie.
Au tout début des années 2000, il étudie le niveau Troie VII (v. 1300-1190 av. J.C.). En examinant la porte de « l'enceinte », il s'aperçoit que cette dernière n'a pas de fonction défensive, il ne s'agit donc pas de l'enceinte de la ville. Des prospections par résonance magnétique ont permis de révéler une ville basse, et l'emprise de l'agglomération est en réalité 15 fois plus vaste. Le site de Troie découvert par Schliemann n'est que la partie visible de l'iceberg, une sorte d'acropole fortifiée dominant la ville. Enserrant la ville basse, une véritable enceinte est découverte, constituée d'un mur dit « cyclopéen ».
Concernant la localisation de la mer, qui ne concorde pas avec la Troie d'Homère, Korfmann a alors l'idée d'effectuer des sondages aux abords de la ville, et peu profondément des sédiments marins apparaissent, datés à environ 3000 av. J.C.. La mer était alors, à l'époque, aux portes de la ville.
Dans les années 2000, les traces d'un incendie sont identifiées, ce qui pourrait correspondre à la destruction de Troie par les Grecs décrite par Homère. Enfin, les dernières recherches de Korfmann mettent en évidence des squelettes et des balles de fronde. Avec la nouvelle datation des différentes strates, le niveau fouillé par Schliemman ne peut correspondre au niveau de la Troie homérique, puisqu'il est plus de 1000 ans antérieur à son existence présumée, et le trésor découvert ne peut être celui de Priam.
Troie, une ville stratégique convoitée
Cependant, Korfmann s'efforce de trouver une autre explication que celle du mythe de Troie. Ce site présente donc une grande agglomération avec des traces de bataille aux alentours de 1250 av. J.C., soit la possible époque de la guerre de Troie. Mais c'est aussi l'époque du nouvel empire hittite, dont les échanges avec l'Anatolie sont connus. En témoigne le sceau biconvexe en métal, découvert sur le site, gravé de hiéroglyphes louvite, langue assimilée aux Hittites. Suite à la découverte du sceau, Korfmann rentre en contact avec David Hawkins, spécialiste des langues mortes d'Asie mineure, qui étudie une tablette hittite.
Cette dernière est traduite comme étant un traité de paix et de commerce entre les Hittites et une importante ville du nord-ouest de la Turquie. S'agit-il de Troie ? D'autres tablettes hittites mentionnent la ville de Wilusa (Wilios en grec, qui correspondrait à Ilios, autre nom de Troie), une ville vassale des Hittites, et en recoupant les diverses informations sur Wilusa, elle peut être localisée à Hisarlik. Un conflit, ou plusieurs (car d'autres traces d'incendie et de bataille peuvent être localisées dans d'autres strates), ont pu avoir lieu entre les Hittites et les Mycéniens sur le site, se disputant la position stratégique qu'il représentait.
Les recherches actuelles sur le site d'Hisarlik
Depuis la mort de Korfmann en 2005, c'est Ernst Pernicka qui a pris la relève, se concentrant sur l'aspect anthropologique. Au niveau VIIa, il a mis au jour nombre de restes humains, et des squelettes de cavaliers enterrés avec leurs chevaux. Les restes présentaient des traces de mort violente, ce qui renforce encore l'idée qu'un conflit meurtrier a eu lieu sur le site à l'époque de la Troie décrite par Homère. De plus, ses analyses mettent en évidence un incendie, et beaucoup plus grand que celui découvert par Korfmann. Une analyse de charbon au carbone 14 date l'incendie aux alentours de 1225.
La situation géographique d'Hisarlik correspond à celle de Troie dans le récit d'Homère, et un grand conflit est attesté sur le site au XIII siècle av. J.C., soit dans la période où les auteurs antiques situent la guerre de Troie. Ce site fût très probablement un point stratégique à cette époque, puisqu'il contrôlait un passage entre Méditerranée et Mer Noire, entre orient et occident, profitable au commerce, aux échanges, et sa domination a probablement suscité des conflits. L'hypothèse d'une grande guerre entre Hittites et Mycéniens pour le contrôle de Troie est envisageable, et cet événement aurait pu inspirer la légende de la guerre de Troie.
Bibliographie
- La Grèce au temps de la guerre de Troie, de Paul Faure. Hachette, 1994.
- La Guerre de Troie a-t-elle eu lieu ? - Enquête sur un mythe, de Stéphane Foucart. Vuibert, 2014.
- La fabuleuse découverte des ruines de Troie : Premier voyage à Troie (1871) suivi de Antiquités troyennes (1871-1873), d'Heinrich Schliemann. Texto, 2011.
Pour aller plus loin
- La réalité de Troie (site de la BNF)
- Site archéologique de Troie (Unesco)