Les débuts de la Guerre froide
Alors que la seconde Guerre mondiale n’est pas encore terminée, les futurs vainqueurs discutent dès 1943 du nouvel ordre mondial qui devra émerger de la fin du conflit, et des zones d’influence de chacun. C'est à la conférence de Yalta en février 1945 que se dessinent les contours du monde de l'après-guerre. L’Allemagne vaincue est divisée en quatre zones d’occupation sous contrôle soviétique, américain, français et britannique, schéma reproduit dans sa capitale même, Berlin. En Europe de l’est et malgré les engagements pris par Staline, les gouvernements issus d’élections sont progressivement remplacés par des régimes pro-soviétiques.
Derrière cette ligne se trouvent toutes les capitales des anciens États d'Europe centrale et orientale... soumis... à l'influence soviétique.» L’ancien premier ministre plaide aussitôt pour une nouvelle alliance entre démocraties occidentales pour contrer l’expansionnisme soviétique.
Cette nécessité devient d’autant plus impérieuse que deux ans plus tard, en 1948, les Soviétiques tentent de refouler les autres forces en présence hors de Berlin-Ouest en isolant leur secteur. Seul un vaste pont aérien de ravitaillement organisé par le camp occidental permet de sauver Berlin-Ouest de la famine. En 1949, l’Allemagne est divisée en deux pays bien distincts. La même année, l’Union soviétique met au point sa propre bombe atomique et est désormais en position de rivaliser avec les États-Unis.
Pour endiguer l’influence soviétique et conformément à la doctrine Truman, les Etats-Unis mettent en place le plan Marshall, qui vise à accélérer la reconstruction de l’Europe, et déploient d’importantes forces en Allemagne. En 1949, ils constituent avec le Canada et dix pays d’Europe occidentale (14 ultérieurement) une alliance militaire défensive, l’OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique Nord).
Suite à l’adhésion de l’Allemagne de l’ouest (RFA) à cette organisation en 1955, l’Union soviétique réplique en créant le pacte de Varsovie, un bloc militaire qui inclut les démocraties populaires d’Europe de l’Est.
L’équilibre de la terreur
Les États-Unis et l’Union soviétique se lancent alors dans une course effrénée au développement de bombes thermonucléaires (à hydrogène), à la puissance de destruction mainte fois supérieure à celle des bombes de fission. Avec ce type d’armes et le développement rapide de systèmes de lancement de missiles, il devint possible, au cours d’une guerre totale, de faire disparaître plusieurs fois toute forme de vie terrestre. Les deux superpuissances décuplent leur stock d'armement nucléaire pour maintenir la garantie d’une destruction mutuelle assurée (M.A.D) en cas de conflit, et ainsi dissuader le camp adverse d'avoir recours à la bombe en premier.
C'est à l’issue de ce conflit que les deux blocs antagonistes mettent en place les principes de la « coexistence pacifique ». Cette évolution est facilitée par la mort de Staline et l'arrivée au pouvoir de Nikita Khrouchtchev. Conscients de générer une poudrière qui pourrait conduire à l'anéantissement de la planète, les belligérants ont pour souci d'éviter l'escalade et les diplomates esquissent un discours commun d'aspiration à la paix. Un désarmement complet étant irréaliste et impossible à contrôler, on opte alors pour une politique de maîtrise.
L’Agence internationale de l’énergie atomique (A.I.E.A.) est créée en 1957 afin de surveiller le développement et la prolifération de la technologie et des matières nucléaires.
Entre Guerre froide et coexistence pacifique
Lors de l’insurrection de Budapest (octobre-novembre 1956), il fut évident que les Américains ne cherchaient pas à profiter des difficultés soviétiques et que les peuples de l’Europe de l’Est ne devaient pas escompter leur secours pour se libérer de la tutelle de Moscou. Au même moment, lors de la crise de Suez, les États-Unis et l’U.R.S.S. exerçaient une action diplomatique convergente pour mettre fin à l’intervention franco-britannique aux côtés d’Israël. L’avance prise par les Soviétiques dans le domaine spatial (lancement de Spoutnik I, octobre 1957) contribua à un rééquilibre des forces qui ne pouvait que hâter le dialogue entre les deux Grands. Dès 1958, s’ouvrit à Genève une conférence sur l’arrêt des essais nucléaires. Après un voyage du vice-président Nixon à Moscou, Khrouchtchev se rendit aux États-Unis et rencontra Eisenhower à Camp David (septembre 1959).
La construction du mur de Berlin (août 1961) parut même relancer la guerre froide, mais la volonté de paix du Kremlin allait se manifester dès l’année suivante, lorsque Khrouchtchev, en octobre 1962, céda à l’ultimatum du président Kennedy et accepta de retirer les fusées soviétiques de Cuba.
Désormais, l’aggravation du conflit idéologique avec la Chine allait pousser Moscou à rechercher un règlement d’ensemble avec l’Occident. L’accord de Moscou sur l’arrêt des essais nucléaires dans l’atmosphère (juillet 1963) marqua la fin d’une époque. La puissance nouvelle de la Chine, la politique d’indépendance poursuivie par le général de Gaulle manifestaient d’ailleurs l’apparition de forces nouvelles qui, à la division du monde en deux blocs immobilisés par l’« équilibre de la terreur », tendaient à substituer de nouveaux pôles de puissance, réellement autonomes, bien qu’incapables de rivaliser avec les «Grands».
La détente et l’affaiblissement des blocs
En août 1963, les États-Unis, l’Angleterre et l’Union soviétique concluaient l’accord de Moscou, qui, pour une durée illimitée, interdisait les expériences nucléaires dans l’atmosphère, sous les mers et dans l’espace. Cet accord, entré en vigueur le 10 octobre 1963 et ratifié par plus de cent États, vit cependant sa portée limitée du fait que la France et la Chine, devenues puissances nucléaires - respectivement en 1963 et 1964 -, refusèrent d’y souscrire.
Pour les gouvernements français et chinois, en effet, les accords des Anglo-Saxons et des Soviétiques avaient pour seul but de maintenir fermé le « club » atomique et de sauvegarder l’avance militaire prise par les États-Unis, l’Angleterre et l’U.R.S.S.; ces puissances ne s’apercevaient du danger des explosions dans l’atmosphère qu’après avoir procédé à loisir aux expériences indispensables à la mise au point de leur panoplie nucléaire.
C’est avec la même méfiance que Paris et Pékin accueillirent le traité de non-prolifération nucléaire, qui, réclamé par l'Assemblée générale de l’O.N.U. dès 1961, fut signé par les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’U.R.S.S. le Ier juillet 1968, et ratifié ensuite par une centaine d’États, mais non par la France et la Chine. Par ce traité, les puissances nucléaires concernées s’engageaient à ne pas transférer à d’autres pays, directement ou indirectement, des armes nucléaires; les puissances non nucléaires s’engageaient de leur côté à ne pas fabriquer d’armes nucléaires ni à en acquérir, à ne rechercher ni recevoir une aide quelconque pour la fabrication de ces armes.
A la fin des années 60, les deux blocs entament un processus de détente afin d’atténuer la tension internationale et de favoriser la coexistence pacifique. Malgré la montée de la tension qui marque l’écrasement du Printemps de Prague en Tchécoslovaquie par les troupes du pacte de Varsovie en 1968 succèdent des négociations qui débouchent sur les accords SALT (Conférence sur la limitation des armes stratégiques). Ce qui donne en effet toute sa force à la détente et qui en constitue en même temps la principale motivation est l'effort de réduction de la compétition militaire et en particulier du danger de guerre nucléaire.
Mais, état éphémère qui dans la réalité n'induit pas de changement structurel à la division du monde en deux blocs, la détente est à la merci de la moindre évolution de la politique des deux grands. Ainsi, la reprise de la ligne expansionniste par les Soviétiques au milieu des années soixante-dix et l'élection de Ronald Reagan à la présidence des États-Unis marquent le retour de la tension entre les deux blocs.
La fin de la Guerre froide
La course aux armements reprend de plus belle : en 1977, l’URSS installe en Europe de l’Est des missiles dirigés vers l’Europe de l’Ouest ; en réponse, le président américain Ronald Reagan déploie à son tour des armes à partir de 1980. C’est la crise des euromissiles. En 1979, les relations internationales sont rompues lorsque les Soviétiques envahissent l’Afghanistan. C’est le début d’une interminable et terrible guerre qui sera comparée à la guerre du Vietnam pour les américains, ces derniers apportant un soutien massif à la résistance afghane.
En mars 1983, le président Ronald Reagan annonce le lancement d’un vaste programme de recherche militaire américain, dit de “Guerre des étoiles”, qui remet en cause la doctrine de l’équilibre de la terreur. L’initiative de défense stratégique visait à élaborer un système capable d'intercepter et de détruire les missiles balistiques stratégiques de l'ennemi avant que ceux-ci n'atteignent le sol des États-Unis ou celui de leurs alliés. Cette relance de la course aux armements, impliquant d’énormes investissements en recherche et en développement, s’est accompagnée d’une nouvelle politique de fermeté des Occidentaux face aux Soviétiques. Plus ou moins réaliste et réalisable, ce projet met surtout en évidence l’incapacité de l’URSS de poursuivre à long terme la compétition technologique en matière d’armements.
La compétition militaire allait même, dès lors, tourner à l’entraide économique, l’Occident semblant sûr de son avantage dans ce domaine et les dirigeants les plus avisés des pays de l’Est sachant que leur survie politique dépendait, à terme, plus de leur capacité à satisfaire les besoins de leurs concitoyens que de l’accumulation d’armes nucléaires. Les nouveaux modèles de défense s’intégraient donc au développement technologique d’industries de pointe capables de fabriquer des armes ultra-sophistiquées, « furtives », de haute précision, les arsenaux nucléaires ne conservant qu’une fonction dissuasive globale.
Fin 1989, les régimes communistes d’Europe de l’Est s’écroulent les uns après les autres sous la pression de révolutions populaires. Après plusieurs mois de manifestations, l’Allemagne de l’Est (RDA) ouvre ses frontières et le mur de Berlin s’effondre. Une année plus tard, après 40 ans de divorce, les deux Allemagne sont réunifiées. En 1991, l’Union soviétique se désagrège pour être remplacée par une éphémère Communauté des États indépendants (CEI).
Un nouvel ordre mondial ?
En Europe de l’Est, le démantèlement de la Yougoslavie provoque le plus grave carnage que l’Europe ait connu depuis la Seconde Guerre mondiale. Entre 1992 et 1995, la nouvelle république de Bosnie-Herzégovine est le cadre d’une guerre civile opposant une population à majorité musulmane, les Serbes voulant faire partie de la Grande Serbie, et les Croates souhaitant rallier la Croatie. Des deux côtés, les pires atrocités sont commises ; les Serbes se rendent coupables de génocide en pratiquant une politique de purification ethnique. C’est le règne des déportations, des internements et des massacres de tous les non-Serbes. Les Nations unies envoient des troupes mais ne sauront faire cesser le massacre.
La désintégration soviétique met fin à la Guerre froide et des deux côtés, on se lance dans une politique de désarmement et de désengagement des conflits périphériques. La fin du soutien soviétique à l'Éthiopie permet aux rebelles érythréens de remporter enfin en 1993 leur longue guerre d’indépendance. L'économie de Cuba, allié de l’Union soviétique en Amérique, s’effondre dès que l’aide russe se tarit. Les États-Unis retirent leur soutien au régime blanc raciste d’Afrique du Sud, qui avait fait office de rempart contre le communisme et en 1994, le premier gouvernement à majorité noire est élu.
Après la chute du mur de Berlin, la fin du bloc soviétique et l’effondrement de l’URSS, la guerre froide est finie : le monde n’est plus bipolaire. Il devient multipolaire et fait place à de nouvelles menaces.
Un monde multipolaire et incertain
Histoire de l’antagonisme de longue durée entre deux grandes puissances, la guerre froide a encore de nos jours des conséquences néfastes sur l’équilibre du monde, comme par exemple sur le traitement du terrorisme international. L’extension à l’est de l’Europe de l’OTAN a dégradé les relations entre la Russie et l’Occident, et l’émergence de la Chine donne lieu à de nouvelles tensions politiques et économiques dans un monde devenu multipolaire et toujours aussi incertain.
Pour aller plus loin
- La Guerre froide: 1943-1990, de Georges-Henri Soutou. Pluriel, 2011.
- La guerre froide, de Catherine Durandin. PUF poche, 2019.
- Atlas de la guerre froide : Un conflit global et multiforme. Editions Autrement, 2017.