John Fitzgerald Kennedy était un homme politique américain et 35e président des États-Unis de 1961 à 1963. Élu en 1960 d'une courte majorité face au républicain Richard Nixon, il devient à 43 ans le plus jeune président américain. Membre du parti démocrate, Kennedy lutte pour plus de justice sociale et propose une série de lois assurant aux Noirs américains davantage d’égalité. Alors que les crises avec l’Union soviétique s’aggravent, Il souhaite la fin de la guerre froide. Parallèlement, il se montre méfiant face à la montée des régimes communistes et envoie 16 000 hommes dans le Viêt Nam du Sud. Son assassinat à Dallas le 22 novembre 1963 choquera profondément les Etats-Unis, conférant à sa principale victime le statut d'un symbole, celui d'une ère de prospérité et d'optimisme, manière d'âge d'or précédant les années noires de la guerre du Vietnam.
John Fitzgerald Kennedy, le produit d'une Dynastie
Dès sa naissance, le 29 mai 1917, John Fitzgerald Kennedy (ou Jack Kennedy) semble destiné à devenir un homme politique d'influence, voire bien plus. C'est que son père, Joseph ' Joe ' a de grandes ambitions et largement de quoi les assouvir. Lui, comme sa femme Rose Fitzgerald, est issu d'une famille irlandaise de la grande bourgeoisie bostonienne. Les Kennedy et les Fitzgerald se sont vite distingués dans leur patrie d'adoption par un sens aigu des affaires. L'engagement politique est allé de pair avec cette intégration au milieu du business de la Nouvelle Angleterre.
Joseph Kennedy dont les activités économiques allèrent du cinéma, à la banque, en passant par les constructions navales, a hérité de son père une influence certaine auprès de la communauté irlandaise de Boston et s'engage lui aussi dans les rangs du parti Démocrate. Malgré des convictions et des pratiques toutes libérales (au sens actuel et français du terme) sur le plan économique, il joue un rôle significatif dans l'élection de Franklin Delano Roosevelt. Il sera d'ailleurs l'artisan de plusieurs de ses réformes financières et bancaires et envisagera même, un temps, de briguer la présidence.
L'apogée de sa carrière restera néanmoins les deux ans et demi qu'il passera à Londres, comme ambassadeur des USA (une belle victoire pour un descendant d'immigrants irlandais...). On y constatera une fois de plus, l'ambiguïté de son engagement démocrate, car là où le président appuie discrètement pour un soutien américain aux démocraties face au Reich, Joe affiche sa confiance dans la ligne Munichoise et ne cache pas son admiration pour les résultats du régime nazi. Une position qui finira par entrainer le déclin puis la fin de son ascension politique...
JFK est formé avec soin, dans une atmosphère d'émulation permanente, tous comme ses huit autres frères et sœurs. Au sein de la fratrie, il n'est que le second derrière son brillant ainé Joseph Patrick Jr, que ses parents espèrent un jour voir s'installer à la maison Blanche. John lui, ne s'illustre guère dans les excellentes écoles qu'il fréquente (notamment Princeton, Harvard et pour une courte période la London School of Economics).
Agité voire parfois rebelle, il est cependant doté d'une forte capacité de travail (qui étonnera toujours ses collaborateurs) et c'est un compétiteur né en matière de sport. Son enthousiasme pour le football américain conjugué à une colonne très fragile, lui vaudra d'ailleurs une sévère blessure au dos qui le tourmentera toute sa vie.
Certes JFK est un sportif et un homme à femmes (on pourrait même parler d'addiction sexuelle) mais il est surtout de santé fragile (puisqu'atteint de la maladie d'Addison) et c'est jeune qu'il s'accoutume, puis tombe dans la dépendance à divers médicaments. Il doit aussi recourir à des béquilles et un corset, qui tout comme la chaise roulante de FDR, seront habilement dissimulées au public. Avec le temps, il s'implique néanmoins plus sérieusement dans les études et beaucoup finissent par lui prédire une belle carrière, peut-être dans le journalisme.
De son père, John Fitzgerald Kennedy a hérité du goût de la politique, mais surtout celui des relations internationales. Il se passionne pour l'Europe que le séjour de Joe en tant qu'ambassadeur à Londres, lui permet de visiter et d'apprécier. Sa thèse de fin d'études est d'ailleurs publiée en 1940 sous le titre « Pourquoi l'Angleterre dormait ? » et traite de la question de la position britannique sur les accords de Munich.
Avec le discret soutien de son père, l'ouvrage deviendra un succès d'estime qui vaut à son auteur une célébrité croissante. On notera que dans cet ouvrage JFK adopte une position très mesurée quant aux décisions du premier ministre Chamberlain. S'il ne verse pas dans les même excès philo-germaniques de Joe, John n'est pas non plus sur la même ligne interventionniste que Roosevelt adopte en privé.
Un héros américain
Lorsque les Etats-Unis plongent dans la seconde Guerre mondiale, après l'attaque japonaise sur Pearl-Harbor, JFK affecté par de nombreux et graves soucis de santé semble être condamné à passer la guerre derrière un bureau. C'est compter sans son incroyable volonté et l'influence de son père, bien évidemment. Si son ainé devient aviateur (il pilote un B-24 de l'US Navy basé en Angleterre), JFK lui finit par servir sur plusieurs bâtiments de la Navy, dans le Pacifique. Ayant joué des coudes pour être envoyé au plus prés de l'action, il obtient le commandent d'un patrouilleur (un navire rapide de 24m de long, armé notamment de torpilles), en tant que lieutenant de vaisseau.
Le PT 109 est affecté au secteur des iles Salomon où américains et japonaise se livrent des combats dantesques. Dans la nuit du 2 août 1943, le navire est éperonné et coupé en deux par le destroyer Japonais Amagiri. Dans les minutes et les heures qui suivent, JFK va faire preuve d'un véritable héroïsme pour sauver ses hommes. Bien que projeté sur le pont et une fois de plus gravement blessé au dos, il parvient à éviter la noyade à l'un de ses hommes gravement blessé en le hâlant sur des kilomètres et permet aux membres survivants de son équipage de se réfugier sur un premier, puis un deuxième ilot. Les secours récupèrent finalement Kennedy et ses hommes, promis quelques heures plus tôt à la mort ou la captivité.
Pour son courage, son endurance et son sens du commandement, John Fitzgerald Kennedy recevra la médaille de la Marine accompagnée d'une citation élogieuse. Cette expérience le marquera profondément, mais surtout lui servira une fois la guerre terminée à se constituer une stature d'homme d'action et de leader. L'épopée du PT 109 inspirera par la suite plusieurs livres, chansons et même un film en 1963.
JFK poursuit sa carrière dans la guerre du Pacifique jusqu'au début de 1944. Sa grave blessure au dos lui vaut finalement d'être démobilisé non sans avoir obtenu plusieurs décorations supplémentaires. La fin du conflit constitue néanmoins une période tragique pour le clan Kennedy. Joseph Jr trouve en effet la mort aux commandes de son appareil au dessus de l'Angleterre, suite à un accident. John devient alors l'objet de tous les espoirs de son clan et de l'ambition de ses parents.
JFK au Congrès
Après avoir couvert la conférence de Postdam comme correspondant pour le groupe Hearst, John prépare rapidement son entrée en politique. Son père lui déniche la circonscription idéale, le 11e district du Massachussetts, qui non seulement est un bastion du parti démocrate, mais aussi peuplée de nombreux irlandais. Le vote communautaire et catholique, ainsi que le réseau de clientèle de Joe jouent à plein et JFK peut compter sur son aura de jeune et beau héros du Pacifique pour faire basculer les indécis. Son programme est certes assez flou, mais il compense cette lacune par son inépuisable énergie (supplée par de nombreux remontants) et l'attention qu'il porte à la question du sort des anciens combattants (notamment sur le plan du logement).
En campagne, Kennedy se révèle une véritable machine à séduire les électeurs, enchainant les meetings serrant des milliers de mains pendant que toute sa famille contribue à sa logistique électorale. Il est logiquement élu et intègre la Chambre des représentants pour les six ans qui suivent. Le représentant Kennedy soignera constamment son ancrage local veillant à ce que sa circonscription profite de son mandat. Néanmoins il se prépare à des responsabilités plus prestigieuses en se faisant connaitre nationalement. Sa présence physique, sa jeunesse et son enthousiasme font mouche auprès des journalistes et du public. Politiquement il ne prend guère de risques se conformant en général à la ligne du Parti Démocrate.
En 1952 John Fitzgerald Kennedy brigue cette fois un siège de sénateur, passage quasi obligé pour qui brigue la Maison Blanche. Durant cette élection il défait Henry Cabot Lodge Jr, personnage important du parti Républicain et futur partenaire de Nixon sur le ticket présidentiel aux élections de 1960. Autant dire que Kennedy entre au Sénat par la grande porte. Entrée brillante dans la cour des grands, mais un mandat somme toutes sans éclat.
On ne peut dire que Kennedy se démarque de la masse des sénateurs par le courage rhétorique et la fougue qui feront la renommée du Président de la 'Nouvelle frontière'. Le sénateur du Massachussetts ne s'oppose guère à McCarthy, proche de son père et pour qui son frère Robert a même travaillé. Les Kennedy veilleront toujours à ne pas s'ancrer trop à gauche afin de ne pas se couper d'appuis vitaux dans le milieu des capitaines d'industrie et de la finance. Ils se feront même de nombreux ennemis dans les milieux syndicaux, alors, il faut le dire, gangrénés par la corruption (on pensera aux 'Teamsters ' de Jimmy Hoffa).
Les années 50 sont aussi bien remplies pour JFK sur le plan personnel. En 1953 il épouse Jacqueline 'Jackie' Bouvier, journaliste polyglotte et surtout riche héritière d'une famille de Long Island. Auprès d'elle le futur président trouve non seulement une compagne compréhensive mais aussi un esprit acéré. Le couple moderne, beau et riche incarne le rêve américain et renforce un peu plus la stature médiatique de Kennedy.
Jackie épouse les ambitions de son mari et le soutien quand il fait face au pire, après plusieurs opérations du dos (le sénateur reçut l'extrême onction à trois reprises). Elle le pousse même à mettre à profit de longues périodes d'alitement pour écrire un ouvrage. Celui-ci offre les portraits de huit sénateurs (démocrates tant que républicains) s'étant signalés par leur courage politique. Le livre connaitra un succès certain et remportera même le prix Pulitzer en 1957. On apprendra 41 ans plus tard qu'il avait été en réalité largement le fruit du travail de Ted Sorensen, futur éminence grise du président...
JFK affiche ouvertement ses ambitions présidentielles à la Convention Démocrate de 1956. Là il brigue l'investiture du parti comme candidat à la vice présidence, ayant pour concurrent (entre autres) un certain Lyndon B Johnson. Battu par le sénateur du Tennessee, Kevaufer, Kennedy essuie là le seul véritable échec électoral de sa carrière. Un échec peut-être salutaire au vu des résultats du scrutin présidentiel de 1956. Le président Eisenhower y fut réélu plus que confortablement, écrasant le ticket démocrate.
Kennedy à la conquête de la Maison Blanche
Dès la réélection d'Eisenhower pour son second et dernier mandat, John Fitzgerald Kennedy sait qu'il a de grandes chances de devenir le candidat du parti démocrate aux présidentielles de 1960. Si l'Amérique de la fin des années 50 est relativement prospère et le leader incontesté du bloc occidental, tout n'est pas rose pour autant. Le sénateur Kennedy insiste sur les divers défis que la décennie suivante ne manquera pas de soulever.
L'économie manque de dynamisme (voire plonge dans la récession en 1960) et les campagnes sont durement touchées par la mécanisation à outrance des moyens de productions. L'industrie charbonnière s'effondre (avec le recours croissant au pétrole et au gaz) et des poches de pauvreté se constituent dans le nord est du pays. Les USA doivent de plus faire face à la concurrence de plus en plus aigue d'économies étrangères très dynamiques (du Japon à l'Europe économique qui se construit). Bien évidemment, JFK insiste aussi sur la question des droits civiques, toujours en suspens mais là où il se fait le plus offensif, c'est bien en matière de relations internationales.
Comme beaucoup d'opposants à Eisenhower, le sénateur du Massachussetts dénonce la perte de prestige des Etats-Unis face aux Soviétiques. L'URSS a été la première à mettre un satellite en orbite et renforce son influence sur les cinq continents (de Cuba au Laos). Il y'a aussi cette question du 'missile gap' (la très fantasmée avance des soviétiques en terme de nombre de missiles nucléaires intercontinentaux, face aux USA) sur lequel le sénateur de Massachussetts insiste lourdement. Bref, Kennedy, oppose son dynamisme et sa fermeté face à l'immobilisme de la présidence républicaine. Il se pose en champion d'une modernité triomphante, pleine d'espoir dans les capacités des Etats-Unis à conduire la marche du monde.
JFK part cependant dans la course à la présidence, avec quelques handicaps. Il doit tout d'abord prouver qu'il ne se sera pas le candidat de l'église catholique. C'est que dans un pays encore dominé culturellement par les WASP (White Anglo Saxon Protestant), pétris d'antipapisme, la candidature d'un irlandais catholique à la présidence à de quoi inquiéter. Le sujet empoisonnera régulièrement le sénateur du Massachussetts, qui en coulisse, a bien besoin du vote catholique dont il nie l'existence en public.
Lui le représentant de l'establishment de la Nouvelle-Angleterre libérale (au sens américain du terme, nous dirions progressiste) et sophistiquée, il lui faut convaincre l'Amérique profonde et notamment le vieux-sud qu'il ne l'oubliera pas. Pour ce faire, son ex rival Lyndon B Johnson, du Texas jouera un rôle primordial. Vaincu à la convention démocrate de 1960, Johnson accepte (au grand dam de beaucoup de conseillers de Kennedy dont le désormais omniprésent Robert Kennedy...) d'intégrer le ticket présidentiel avec JFK, pour éventuellement devenir son vice président.
En face, du côté républicain, c'est le vice président d'Eisenhower, Richard Nixon qui va concourir. Il n'a certes pas le charisme, ni le sex appeal du candidat démocrate, mais c'est un homme d'expérience qui peut se targuer de connaitre les dossiers essentiels sur les bouts des doigts. Pugnace et issu d'une famille modeste d'agriculteurs de Californie, ce juriste est un self made man, tout le contraire de l'aristocrate du Massachussetts.
Doté d'un certain penchant pour la bouteille et d'un caractère très affirmé, il lui manque l'aisance sociale de son adversaire. On le dit dur, farouchement anti-communiste et pourtant ses positions ne sont pas si éloignées de celles de Kennedy. L'opposition entre les deux hommes est plus celle de deux styles et de deux images, plus que celles de deux idéologies.
Leur confrontation s'annonce d'emblée comme une des plus serrées de l'histoire des Etats-Unis. La légende veut que leurs joutes télévisuelles (les premières du genre) firent pencher la balance en faveur du candidat démocrate. Les études les plus sérieuses sur la question prouvent qu'en réalité, elles n'eurent qu'un impact très marginal sur le choix des électeurs. Il n'en reste pas moins qu'au cours de celles-ci, JFK démontra une grande maitrise des codes de la communication audiovisuelle face à un Nixon pas toujours au mieux de sa forme, ni à l'aise face aux caméras.
Sur le plan du discours, Kennedy impose sa marque par ses discours emphatiques faisant référence à la mythologie propre au parti démocrate. Son approche de la relance économique n'est pas sans évoquer les politiques keynésiennes des années 30 et 40. Son programme de la « Nouvelle Frontière » fait écho au 'New Deal' de Roosevelt, au 'Fair Deal' de Truman et soulève un réel espoir auprès des jeunes que JFK invite à agir pour leurs pays notamment dans le cadre des « Peace Corps » qu'il se propose de créer. Progressiste, Kennedy l'est certainement, en tout cas il s'inscrit dans l'air du temps.
Le président Kennedy et la « nouvelle frontière »
Le 8 novembre 1960, John Fitzgerald Kennedy emporte l'élection présidentielle avec 49 ,7% des voix et devient à 43 ans le 35e président des États Unis. Une avance de quelques milliers de suffrages seulement le sépare de Richard Nixon. Y'a-t-il eu fraudes ? Les réseaux de Joe Kennedy, ses hypothétiques contacts dans le milieu de la pègre, ont-ils permis de faire la différence ? Rien ne permet de l'affirmer avec certitude, même si cela semble possible au vu des mœurs politiques de l'époque.
Mal élu certes (l'élection de 1960 étant la plus serrée de l'histoire des US), mais élu tout de même, Kennedy constitue son équipe au cours de l'automne qui précède son entrée en fonction. Si le jeune président élu sait s'entourer de personnalités brillantes, il n'en doit pas moins composer avec de multiples coteries pour recruter ses ministres.
Aux affaires étrangères c'est finalement Dean Rusk qui est choisi. Ce juriste, spécialiste de l'Asie Orientale est un anti-communiste de combat, mais aussi un fervent supporter de l'aide au développement dont JFK a fait l'un des axes essentiels de sa diplomatie. S'entendant mal avec le président très actif sur le plan international, il est aussi en concurrence avec l'inévitable Ted Sorensen. Vu l'activisme du président Kennedy sur la scène internationale il peinera toujours à imposer sa marque sur la politique extérieure des Etats-Unis.
A la défense, JFK choisi Robert McNamara, initialement pressenti au trésor. Etonnamment l'homme est un businessman californien, jusque là pièce maitresse de la direction de Ford. Il n'en a pas moins gardé de son temps dans l'US Air Force pendant la guerre (à l'office des contrôles statistiques) un goût certain pour la chose militaire. Très au fait des méthodes de management les plus modernes, il entend dynamiser les forces armées américaines, ce dans un contexte budgétaire favorable (les fonds alloués à la défense augmentant sensiblement entre 1961 et 1963).
Au trésor c'est Douglas Dillon qui est finalement choisi. Ce républicain bon teint, qui joua un rôle significatif dans l'élection d'Eisenhower en 1952, possède à la fois une solide expérience de businessman et de diplomate. Il aura la responsabilité de défendre les intérêts américains lords des négociations du GATT et constituera une interface importante entre le président et les milieux d'affaires.
Enfin, à la justice, et ce fut bien là le choix le plus controversé, JFK nomma son propre frère cadet, Robert. Juriste de formation, impliqué depuis toujours dans la préparation et la conduite des campagnes de JFK, nul doute que malgré son jeune âge c'est un fin connaisseur de la politique américaine. Bien que démocrate il entretiendra toujours des liens avec certains cercles républicains (il vote même Eisenhower en 56...) et on le sait, fut un proche collaborateur de Joe McCarthy.
Sa nomination entraine une vive controverse et JFK est vite accusé de népotisme. Il faut dire que Robert Kennedy est bien plus qu'un simple 'Attorney General'. Il conseille le président sur tous les sujets et reste son homme de confiance pour les dossiers les plus délicats. Homme d'action il n'hésite à prendre des libertés avec le droit et renforce l'influence de l'état fédéral. Il est à bien des égards un président bis ce qui n'est pas sans entrainer une certaine confusion des genres...
John Fitzgerald Kennedy face aux réalités américaines
Dès son bref discours d'investiture, le 20 Janvier 1961, JFK affiche de grandes ambitions pour son mandat. Il adopte la posture d'un homme prêt à relever des défis historiques et à changer profondément, non seulement son pays, mais aussi le monde entier. Il s'agit d'atteindre cette fameuse Nouvelle frontière tant fantasmée et rêvée. La réalité du pouvoir va se révéler, à cet égard, quelque peu différente.
En politique intérieure le président Kennedy entend relancer une machine économique qui commence à montrer certains signes d'essoufflement, dans un contexte international de plus en plus concurrentiel. Ses connaissances en matière économique étant limitées (il s'en amuse d'ailleurs régulièrement), il va faire preuve d'un réel pragmatisme dans ses choix. Un positionnement modéré renforcé par le besoin de trouver un équilibre entre un positionnement pseudo Rooseveltien (inspiré par John Kenneth Galbraith, notamment) et la nécessité de ne pas trop froisser le big business.
Ainsi si JFK pratique une certaine relance par une politique monétaire conciliante et le déficit, il élabore aussi une réforme fiscale (qui ne sera finalement votée qu'en 1964) marquée par des réductions d'impôts significatives. Malgré quelques controverses (notamment le conflit qui opposa les frères Kennedy aux majors de l'acier en 62), le bilan économique du président Kennedy reste plutôt positif. La croissance repart et le chômage semble maitrisé. On soulignera cependant qu'une conjoncture particulièrement favorable aura contribué pour une part à ces bons résultats. De plus la question des déficits est encore largement en suspens en novembre 63, ce qui ne sera pas sans conséquences par la suite.
Sur le plan social, JFK va devoir faire face à une question brûlante, celle de la ségrégation raciale. Les Etats du Vieux Sud et ce depuis la fin du XIXe siècle pratiquent un régime de séparation des races qui n'est pas sans rappeler l'apartheid sud africain. Les noirs, par toute une série d'artifices législatifs (les fameuses 'Jim Crow laws') voient leurs principales libertés sévèrement amputées sur une base quotidienne.
Ils ne peuvent fréquenter les mêmes écoles que les blancs et se voient réserver des places spécifiques dans les transports en communs ou dans les lieux publics. On les écarte sans ménagement des emplois les plus qualifiés ou les plus rémunérateurs et on les prive aussi du droit de vote à grand renfort de dispositifs juridiques. A tout cela s'ajoute une atmosphère de racisme exacerbé qu'incarne parfaitement le Ku Klux Klan.
Depuis le milieu des années 50, une partie de l'opinion publique, confortée par un arrêt de la Cour Suprême de 1954 déclarant la ségrégation inconstitutionnelle dans les écoles, réclame la fin de cet état de fait. Ce que l'on appelle le mouvement des droits civiques prend une ampleur nationale sous la houlette de meneurs charismatiques comme le Pasteur Luther King. Si Kennedy a affiché pendant sa campagne des positions anti ségrégationnistes, il n'est cependant guère au fait des conditions de vie des populations noires dans le sud.
D'autre part, il doit composer avec les élus démocrates du sud, pour la plupart farouchement attachés au statu quo racial. Toute intervention du gouvernement fédéral sur cette question risquerait de plus d'être considérée comme une atteinte aux droits des états fédérés, ce qui fut, ne l'oublions pas, une des causes de la guerre de Sécession.
D'abord prudents voire attentistes, JFK et son frère Robert, se voient forcés d'intervenir lorsque progressivement des incidents, parfois très violents, éclatent dans le sud. On pensera notamment aux émeutes de l'université du Mississipi en 1962, provoquées par l'inscription de son premier étudiant noir. Sentant la situation leur échapper, confronté à des autorités locales usant du Ku Klux Klan de manière plus ou moins ouverte, les frères Kennedy fédéralisent la crise. Ces événements entrainent un retournement de l'opinion publique contre la ségrégation, que le président accompagne de mesures exécutives (puis législatives) l'interdisant. Robert Kennedy, lui, affiche ouvertement son soutien à Martin Luther King.
Au final il reviendra à Lyndon Johnson d'enterrer définitivement la ségrégation en 1964, mais nul doute que l'essentiel aura été accompli sous la présidence Kennedy. Celui lui vaudra d'ailleurs son aura mythique auprès de la communauté noire et ce malgré ses hésitations initiales.
JFK et la guerre froide
Sur le plan extérieur, JFK n'a jamais caché son ambition de mettre fin à ce qu'il considère comme une perte d'influence des Etats-Unis face à l'Union Soviétique. Si sur un plan symbolique, cela passe par une coopération culturelle et économique renforcée avec les pays en voie de développement (sans grands résultats, on pensera aux errements des américains en Inde, notamment) ou par l'accent mis sur la conquête spatiale (le programme Apollo), l'essentiel est ailleurs.
Kennedy affiche de bonnes intentions et notamment celle de prêcher par l'exemple, en affichant les vertus de la démocratie libérale face à l'impérialisme soviétique. Les Etats-Unis entendent mener une politique extérieure pacifiste, fondée sur l'établissement de partenariats, arguant que le développement économique commun est le meilleur rempart contre le communisme. Force est de constater que ces principes ne résistent pas à l'épreuve des faits. JFK reste bien le président d'une grande puissance, déterminée à imposer ses intérêts là où bon lui semble, quelques soient les méthodes. La gestion des deux crises cubaines en étant un excellent exemple.
Lorsqu'il parvient au pouvoir à Cuba, en 1959, Fidel Castro est un personnage diversement apprécié aux USA. Si l'opinion publique lui est initialement plutôt favorable, si certains lui sont redevables d'avoir mis fin à la collusion entre autorités cubaines et la pègre américaine, le président Eisenhower et surtout Nixon, lui sont hostiles. Castro n'est alors pas un allié objectif de l'URSS, mais son entourage (qu'il s'agisse de son frère ou bien sûr de Che Guevara) ne cache pas ses opinions communistes. La menace qu'ils représentent pour les intérêts américains est réelle. Rapidement, des plans sont élaborés pour renverser son régime.
Kennedy bien qu'intéressé par un renforcement de l'aide US aux économies d'Amérique Latine, a néanmoins hérité de ces plans et pratique d'emblée une politique ambigüe. S'il refuse que les Etats-Unis interviennent avec leurs propres forces pour renverser Castro, il laisse la CIA libre d'armer et d'entrainer une force anticastriste en Floride et au Guatemala.
Peut-être trop confiants dans les forces armées et des services de renseignement, les frères Kennedy approuvent finalement l'idée d'un débarquement des anticastristes dans la baie des Cochons, le 17 avril 1961. L'opération, hâtivement préparée, mal coordonnée est un échec total. Non seulement elle renforce le pouvoir de Castro et le pousse un peu plus dans les bras de Moscou, mais elle décrédibilise complètement le positionnement international de Kennedy. Peace Corps ou pas, les Etats-Unis n'ont pas renoncés à leurs pratiques impériales.
JFK assumera, non sans un certain courage, l'ampleur du désastre, sans pour autant renoncer à sa volonté d'éliminer le leader cubain. La CIA mènera dans les années 60 toute une série de missions rocambolesques destinées à assassiner Castro, sans jamais y parvenir. Ce dernier abandonne désormais toute prétention neutraliste et rejoint fermement le camp de l'URSS. Mi octobre 62 les américains découvrent, grâce à leurs avions espions U2, que les soviétiques installent des sites de lancement de missiles nucléaires sur l'ile. Miami, Dallas, ou encore Memphis sont directement menacés. Kennedy condamné à la fermeté, ne peut que réagir. Durant les 13 jours que durera la crise des missiles, il va devoir gouverner au bord du gouffre. Il a cependant là, l'opportunité de faire oublier le désastre de la baie des cochons, en adoptant une politique de force.
Les soviétiques et notamment Khrouchtchev n'ont pas une très haute opinion de JFK. Outre le fiasco cubain, l'année 61 a vu les USA accuser un autre coup sur le plan international. Malgré ses discours (ich bin ein berliner, 26 juin 1963), Kennedy n'a concrètement rien fait pour empêcher la RDA et l'URSS d'édifier le mur de Berlin. Une mesure pourtant tout à fait contraire aux accords liant les 4 puissances occupantes de la ville. Persuadés que les américains entendent toujours envahir Cuba, influencés par Castro, les dirigeants de l'URSS estiment qu'une fois leurs missiles installés, un président aussi faible que JFK ne pourra que céder devant le fait accompli. Après tout, les américains n'ont-ils pas des missiles en Turquie prêts à détruire Kiev, Kharkov ou Odessa ?
Le fait est que dans l'épreuve et malgré de nombreuses hésitations, JFK et son frère, tiennent bon. Le blocus imposé par la marine américaine à Cuba est fermement maintenu et les soviétiques ne peuvent renforcer leur dispositif sur l'ile. JFK use de l'US Navy habilement, mais surtout sait se rallier l'opinion américaine, notamment grâce à la télévision. En sous main, les américains, avec le soutien des Britanniques et même des Français (malgré des relations compliquées entre JFK et De Gaulle, empoisonnées par les options anticolonialistes de Kennedy et la politique de prestige national du général), négocient avec Moscou.
Un discret accord est conclu, voyant l'URSS retirer ses fusées de Cuba, en échange d'une promesse américaine de ne pas envahir Cuba et démanteler les sites de missiles en Turquie. Fin octobre 62, le président Kennedy est devenu le héros du monde libre, apte à traiter d'égal à égal avec Khrouchtchev très affaibli sur le plan intérieur. Il n'empêche qu'avec la crise des missiles de Cuba, John Kennedy aura joué au pompier pyromane, le tout dans un contexte nucléarisé...
Il faut dire que JFK, peut-être revenu de ses illusions initiales, n'hésite pas à prendre de gros risques pour contrer l'influence communiste. Retenons tout de même, que ce sera lui qui poussera les Etats-Unis dans l'engrenage vietnamien. Les USA, avec une certaine légèreté et sans vraiment connaitre la situation, s'impliquent progressivement pour défendre le Sud Vietnam face au Nord et à l'insurrection Viêt-Cong. Si fin novembre 1963, JFK affiche publiquement sa volonté de réduire dans l'avenir le dispositif US dans ce pays (17 000 hommes déjà !), dans le secret des discussions de cabinet, il sait à quel point la gravité de la situation sur le terrain rend improbable tout retrait rapide. Ce sera à son successeur, Johnson, d'en assumer les conséquences...
Kennedy assassiné à Dallas : la naissance d'un mythe
Le 22 novembre 1963, JFK se rend à Dallas au Texas. Le président prépare la campagne de 1964 et il lui faut à tout prix remporter cet état clé, où l'hostilité à son égard est marquée. Les républicains y semblent en progression et les démocrates locaux sont divisés. Il faut donc convaincre, marquer les esprits, au prix d'une prise de risque quant à la sécurité. Pour être sûr de faire mouche dans l'opinion, John voyage avec sa femme et traversera la ville visible de tous, dans une décapotable. Il faut attirer les foules, malgré des menaces de mort, à peine voilées de certains milieux d'extrême droite (qui considère le président et son frère, comme des crypto communistes, sic ! ).
A 12h34 alors que la limousine présidentielle sur Elm Street, des coups de feu éclatent. John Fitzgerald Kennedy s'effondre sur les genoux de sa femme, le gouverneur du Texas : Connally, présent dans la voiture, est lui aussi touché, la panique la plus totale s'empare de la ville et c'est dans une incroyable confusion que l'Amérique vit les heures suivantes. Ultra médiatisé, cet assassinat plonge les Etats-Unis dans un psychodrame aux multiples rebondissements qui alimentera les plus folles spéculations.
Au-delà du récit événementiel, au-delà de toutes les controverses qui surgiront par la suite sur l'identité de l'assassin (Lee Harvey Oswald, seul ?), c'est à ce moment précis que John Fitzgerald Kennedy, devient non plus seulement un sujet d'étude historique mais un mythe, reflet de la projection de l'inconscient, des doutes et des traumatismes de toute une nation. Une image bien difficile à décrypter, brouillée par des perceptions contradictoires et des revendications divergentes. JFK intégrera la grande mythologie américaine au côté de figures comme Lincoln ou FDR, sans que l'on parvienne véritablement à en cerner la nature profonde.
Ce patricien de la côte est, pétri de contradictions, esclave de ses sens et miné par la maladie, laisse derrière lui un héritage dont tous les progressistes se réclament. En 1000 jours parvint-il cependant à changer le monde, à mettre les Etats-Unis sur le chemin de cette mythique nouvelle frontière ? Il nous semble que non. Kennedy ne fut ni un grand président, ni un président médiocre.
Son bilan reste au final contrasté, la réalité des résultats n'épousant pas le clinquant des discours. Un hypothétique second mandat lui aurait-il permis de se faire une place, réellement légitime, au panthéon des chefs d'états américains ? Nul ne le saura jamais.
Bibliographie
- Kennedy: Une vie en clair-obscur, de Thomas Snégaroff. Dunod, 2023.
- Kennedy, de Vincent Michelo. Folio Biographies, 2013.
- John Fitzgerald Kennedy, par Frédéric Martinez. Tempus, 2017.