Nikita Khrouchtchev a été le principal dirigeant de l'URSS et du parti communiste de l'Union soviétique de 1953 à 1964. De "Monsieur K", l’histoire retiendra son fameux son coup d’éclat à la tribune de l’ONU en 1960 et son bras de fer avec Kennedy lors de la crise des missiles de Cuba deux ans plus tard. Le successeur de Staline dénoncera les excès du tyran rouge lors du XXe congrès du Parti communiste de l’Union soviétique et engagera une "normalisation" et une pacification du régime soviétique, ouvrant la voie à une "coexistence pacifique" avec l'Ouest. Ses réformes économiques resteront par contre sans lendemain. Khrouchtchev est démis de ses fonctionsl en octobre 1964 et remplacé par Leonid Brejnev.
Khrouchtchev : une carrière exemplaire
Nikita Kroutchev est un fils de mineur né le 3 avril 1894. Il fait une « carrière » exemplaire : ouvrier, puis soldat pendant la Première Guerre mondiale, il entre au parti communiste ukrainien au début de la guerre civile, et poursuit ensuite son ascension à Moscou avant de regagner l'Ukraine où il dirige le parti pendant dix ans. La Seconde Guerre mondiale lui donne l'occasion de s’illustrer : il organise la résistance à la Wehrmacht et participe à la bataille acharnée de Stalingrad (1942). Membre du Politburo, Khrouchtchev est déjà un des principaux dirigeants de l'URSS.
A la mort de Staline en mars 1953, il occupe le poste clé de premier secrétaire du parti communiste de l'union soviétique. Khrouchtchev participe à l’élimination des « diadoques », les successeurs potentiels de Staline : Beria puis Malenkov. Son rôle dans la direction collégiale devient prééminent. En 1958, il cumulera la fonction de président du conseil des ministres.
La rupture avec le stalinisme
Pur produit de la période stalinienne (il a participé lui-même aux purges ordonnées par le dictateur), Khrouchtchev sent pourtant que la population soviétique éprouve un profond besoin de changement. Il promeut une politique intérieure de réformes politiques (libéralisation du régime et amnistie d'anciens opposants) et économiques. La priorité est ainsi donnée à la production de biens de consommation afin d'améliorer les conditions de vie des Russes.
Lors du XXe congrès du Parti (1956), il dénonce, dans un rapport secret, les « crimes de Staline » et son « culte de la personnalité ». Cette prise de position, d'autant plus importante qu'elle émane d’une « créature stalinienne », connaît un retentissement considérable dans le monde communiste, y compris dans les partis communistes occidentaux, qui doit alors admettre des faits qui, jusque-là, avaient toujours été niés.
Une nouvelle ère s'ouvre pour le communisme mondial. Les relations de l’URSS avec les démocraties populaires comme avec le reste du monde s'en trouvent modifiées. La « déstalinisation » va plus loin : Khrouchtchev établit, en URSS et en Europe de l’Est, des conditions politiques plus libérales. Mais, pour éviter tout débordement, il mène une politique interventionniste dans les démocraties populaires, et les chars seront utilisés à Budapest en 1956 pour réprimer un soulèvement populaire.
Entre Guerre froide et détente
Sur le plan international, les célèbres déclarations tonitruantes et les coups de colère de Khrouchtchev dissimulent en réalité une politique prudente fondée sur l'idée d'une « coexistence pacifique » de l'URSS et des Etats-Unis. Khrouchtchev cherche à impulser un cours nouveau aux relations entre les deux blocs. Sous sa direction, la guerre froide entre dans une phase de détente. Il rejette l'idée d'un éventuel conflit avec les États-Unis et affirme la nécessité de se mesurer au monde occidental sur le plan économique plutôt que militaire. Après avoir mené la réconciliation de son pays avec la Yougoslavie de Tito, il participe à la conférence de Genève en 1955, qui réunit, pour la première fois depuis 1945, les anciens vainqueurs de l'Allemagne nazie. Les relations avec les Etats-Unis s'améliorent : Khrouchtchev rencontre Eisenhower puis Kennedy.
Paradoxalement, il fait ériger le mur de Berlin en 1961, puis apporte son soutien au régime castriste qui précipite le monde au bord d'une troisième guerre mondiale lors de la crise des fusées à Cuba en 1962. Il préfère néanmoins éviter l'affrontement avec les États-Unis, donne l'ordre de retirer les missiles installés dans l'île et signe en 1963, à Moscou, un traité interdisant les essais nucléaires dans l'atmosphère.
La chute de Khrouchtchev
Pour relancer l’activité économique et la rendre compétitive face à l’Ouest, Khrouchtchev initie un vaste mouvement de réformes agricoles, dénonçant ainsi la priorité accordée par Staline à l'industrie. Il lance ainsi la grande campagne de défrichement des terres vierges dans les régions de Sibérie. Il s'attache également à déconcentrer et à décentraliser la gestion de l'économie soviétique.
Les désordres économiques liés aux réformes engagées, les crises internationales et la rupture avec la Chine (1961) affaiblissent la position soviétique et donc celle de Khrouchtchev. Qui plus est, la personnalité originale et imposante du dirigeant s'accommode mal des règles de la « direction collégiale » mise en place à la mort de Staline. Il est démis de ses fonctions par le plénum du Comité central en octobre 1964, et remplacé par Leonid Brejnev.
Khrouchtchev fut l'un des acteurs principaux de la guerre froide qui, en 1962, lors de la crise des fusées à Cuba, faillit dégénérer en guerre mondiale et nucléaire. En URSS, les « années Khrouchtchev » sont marquées par un changement politique profond, notamment une pacification de la vie politique soviétique. Signe des temps : quand Khrouchtchev se voit contraint à la démission, il n'est pas inquiété et peut mener une retraite paisible, au cœur de la capitale, jusqu’à sa mort en septembre 1971...
Pour aller plus loin
- Khrouchtchev, la reforme impossible, de Jean Jacques Marie. Biographies Payot, 2010.
- Khrouchtchev et l'Occident, de K.S Karol. Julliard, 1960.
- Histoire de l'Union soviétique de Khrouchtchev à Gorbatchev, de Nicolas Werth. PUF, 2021.