La collection « Une histoire personnelle de la France » (PUF) ouvre la période contemporaine par « Le siècle des possibles », ouvrage d'Emmanuel Fureix, spécialiste de l'histoire culturelle et politique de la France au XIXe siècle. Un siècle courant de 1814, un an avant la chute de Napoléon, à 1914, veille de la Première Guerre mondiale, date souvent considérée comme le début du XXe siècle. Une époque décisive pour la France, avec ses révolutions, ses changements de régimes politiques, et ses mutations sociales et économiques.
Le méconnu XIXe siècle
Comme le remarque très bien Emmanuel Fureix dans son introduction, le XIXe siècle « est semblable à un étrange voisin, à la fois familier et inconnu ». En se renseignant un peu autour de soi, on remarque que lorsque les gens entendent « XIXe siècle », ils vont surtout penser à la littérature (Hugo, Zola,...), peut-être à la peinture (Delacroix), et vaguement se rappeler que l'émergence des « valeurs républicaines » tant ressassées aujourd'hui date de cette époque. Même chose pour les bouleversements économiques et sociaux provoqués par la révolution industrielle. On entendra peut-être quelques mots sur l'affaire Dreyfus, la Commune, ou Napoléon III, mais ce sera la plupart du temps très vague. Et les révolutions de 1830 et 1848 seront souvent oubliées...
L'auteur tente donc ici de nous éclairer sur la complexité et la richesse de ce siècle ; est-il celui de la bourgeoisie ? Des révolutions ? Pour Emmanuel Fureix, c'est d'abord « le siècle de la politisation », souvent avec violence. C'est ensuite le siècle de l'industrialisation, mais encore des révolutions urbaine (Haussmann) et scientifique (Pasteur). Enfin, c'est « le siècle d'une révolution du temps et de l'espace », avec notamment la naissance de l'histoire comme science. Un programme très riche, donc, que l'historien résume en trois grandes parties.
« Les monarchies à l'âge du romantisme »
Dans cette première partie, Emmanuel Fureix revient un an en arrière dans le temps, par rapport au volume précédent, « Lumières et révolutions » (O. Coquard). Cette partie mêle chronologie et thèmes très différents pour illustrer ces trente années, qui vont de la Restauration à la révolution de 1848, avec une difficulté à durer pour la monarchie constitutionnelle (Cent-Jours, révolution de 1830) avant l'avènement de la IIe République.
La partie s'ouvre sur la Restauration, une monarchie constitutionnelle aux accents absolutistes, mais aussi libéraux. Le deuxième chapitre passe assez rapidement sur le court « retour de l'Aigle » pour évoquer plus longuement « la Terreur blanche » et « l'intermède centriste (sic) », avant que le troisième chapitre explique « l'échec de l'utopie réactionnaire » qui débouche sur la révolution de 1830.
Les deux chapitres suivants traitent enfin de la mise en place de ce « régime bâtard », conduit par Louis-Philippe, influencé un temps par « l'esprit de Juillet », avant que le régime ne soit finalement renversé lui aussi en 1848.
« Entre ordre et révolutions »
Les deux décennies qui suivent sont encore plus riches que les précédentes, dans les bouleversements de tous ordres et les événements. On passe en effet d'une République à une autre, mais avec, dans la même période, un coup d'Etat menant au Second Empire, et une révolution aussi courte que violente, la Commune. L'historien débute logiquement par la révolution de 1848, une expérimentation de la démocratie, marquée notamment par la « fraternité ». Mais vient rapidement, dès juin 1848, « l'autre Deuxième République », objet du chapitre II, avec l'arrivée au pouvoir de Napoléon III, qui remplace vite la République par un Second Empire, « machine politique autoritaire ».
Plus méconnu est le rapport à la modernité de ce Second Empire, auquel Emmanuel Fureix consacre son troisième chapitre, qui se clôt par la chute du régime suite à la guerre de 1870. Enfin, saluons le chapitre relativement développé sur la Commune, traitée dans toute sa complexité, loin des caricatures que l'on lit trop souvent.
« La République en devenir »
Pour cette partie finale, entièrement consacrée à la IIIe République, Emmanuel Fureix choisit d'ouvrir par un chapitre strictement chronologique, embrassant toute la période (1871-1914), qu'il décline en « cinq actes ». Puis, il entre dans des chapitres plus thématiques : « la République, forme politique et compromis social », où l'on retiendra plus particulièrement la partie sur « Marianne, la révolution et la laïcité » ; et son chapitre III, « les affrontements et contradictions d'une République libérale ». Ici, si l'on peut saluer les pages sur l'affaire Dreyfus ou l'exclusion des femmes de la République, on peut en revanche être un peu déçu du peu de place dédié à la « République coloniale », même si l'historien nous fait parfaitement comprendre l'essentiel.
Ce « siècle des possibles » s'avère donc une réussite pour tous ceux, et notamment les enseignants, qui veulent faire connaissance avec ce si complexe et si riche (mais tellement méconnu, ou mal connu) XIXe siècle. On lui reprochera seulement, à l'instar des autres volumes, de passer un peu vite sur des thèmes que l'on peut juger comme essentiels aujourd'hui (ici, le colonialisme, ou dans « Le temps des Valois », le sentiment national).
E. Fureix, Le siècle des possibles (1814-1914), PUF, 2014.