La Méditerranée est au cœur de l’histoire romaine depuis la fondation de Rome, et encore plus quand s’est développé son impérialisme. Celui-ci lui a permis de contrôler en quelques siècles tout l’espace méditerranéen, et d’en faire ce qu’on appelle communément la « Mare Nostrum », même si le terme n’est pas tant répandu dans les sources latines, et a avant tout un sens politique et pas géographique. Pourtant, dès le IIè siècle ap.JC sous le règne de Marc Aurèle, le centre de gravité de l’Empire Romain semble s’être déplacé plus vers le Nord ; cela a-t-il changé les rapports entre Rome et la Méditerranée, et ce jusqu’au règne de Constantin ?
Une Méditerranée toujours vitale pour Rome ?
Rome est de moins en moins occupée par le pouvoir, mais la Méditerranée elle-même paraît être moins au centre des préoccupations romaines, quelques régions exceptées (comme l’Orient). La faute avant tout aux menaces barbares qui pèsent sur les frontières de la Gaule, du Rhin et du Danube. Mais il ne faut pas pour cela affirmer que la Méditerranée n’a plus d’importance dans le fonctionnement et la vie de Rome ; elle est même vitale ! Elle concentre encore l’essentiel du commerce romain au début du IIIè siècle, et surtout le ravitaillement du cœur (malgré l’éloignement des empereurs) de l’Empire, Rome, dépend totalement du transport des denrées indispensables (comme le blé) par la Méditerranée. Est-ce que la situation a évolué par la suite, en particulier lors de la crise du IIIè siècle puis sous le règne de Constantin ?
Commençons par décrire la situation géographique de la Méditerranée. Pour citer Fernand Braudel : « la Méditerranée n’est pas une mer, mais une succession de plaines liquides communiquant entre elles par des portes plus ou moins larges ». Il ajoute qu’elle est « composée […] d’une série de péninsules compactes montagneuses, coupées de plaines essentielles. » L’espace méditerranéen est donc avant tout varié, au niveau du relief mais aussi au niveau des climats suivant les régions. La présence des nombreuses péninsules explique aussi la complexité et l’irrégularité des vents et des courants.
Selon M. Reddé, cette variété explique en partie que le Romain, loin du sentiment « d’unicité » que l’on peut trouver dans la notion de Mare Nostrum, désigne la Méditerranée avec des critères locaux, parlant de Mare inferum (Tyrrhénienne), superum (Adriatique), Africum,…
Toujours dans le domaine géographique, les saisons sont plus ou moins propices à la navigation : selon les marins de l’Antiquité, la Méditerranée ne connaît que deux saisons, une bonne et une mauvaise, mais sans oublier que cette distinction dépend des régions. L’hiver est donc la mauvaise saison où les Romains utilisent le terme de mare clausum (mer fermée), ne font au mieux que du cabotage et en tout cas pas de navigation en haute mer et de grandes expéditions commerciales.
La bonne saison commence en mars avec la fête du Navigium Isidis et dure jusqu’au 11 novembre, pour les plus optimistes, et c’est une période qui n’est bien sûr pas exempte de risques. Les traversées étant alors intra méditerranéennes, les marins doivent affronter la variété des vents et des courants, les alternances entre mer calme et mer déchaînée qui dépendent des régions, comme nous l’avons évoqué plus haut.
La navigation romaine en Méditerranée
Les bateaux (de commerce, nous verrons les bateaux militaires plus loin) et les voies maritimes, les distances parcourues nous intéressent ici. Il existe selon M. Reddé des coques « symétriques » et d’autres « asymétriques », mais la plupart semblaient être rondes (donc plutôt symétriques) et les navires ayant un faible tirant d’eau devaient régulièrement être lestés en cas de vents forts. La voile est le plus souvent carrée ou rectangulaire ; quant au nombre de mâts il peut aller jusqu’à trois au IIIè siècle ; enfin, la gouverne consiste principalement en deux grandes rames fixées de chaque côté de la coque à l’arrière. Le plus important en ce qui concerne les bateaux de commerce est évidemment le tonnage, leur capacité de transport : sous l’Empire, la plupart des navires tournent autour de 450 tonnes métriques, mais il est de moins en moins rare semble-t-il de voir des navires atteignant 1000 tonnes, voire plus.
Pour la navigation elle-même, le marin ne peut avant tout compter que sur le vent, ce qui conditionne ses itinéraires en Méditerranée ; de plus, il navigue le plus souvent « à l’estime » (malgré la connaissance des astres ou des courants) quand il est en haute mer, ce qui peut provoquer des voyages et des traversées à durée variable…En revanche, quand il ne s’éloigne pas des côtes, le marin se base sur les « Périples », récits datant de l’époque archaïque, où sont listés les points d’eau, les écueils, les dangers ou les abris possibles. Sachant que quoiqu’il arrive, un trajet court permet le plus souvent d’échapper à la piraterie (sur laquelle nous reviendrons en troisième partie).
Toutes les routes maritimes (comme les routes terrestres) mènent à Rome, plus précisément ses ports Pouzzoles, puis Ostie et Portus (indépendant d’Ostie en 313). Parti d’Orient, les routes les plus fréquentées vont de l’Egypte à l’Italie, en passant soit par la Crète, soit par l’Afrique ; toujours en Orient, nous avons la route qui part du Nord de la mer Egée jusqu’à Corinthe et le port de Léchaion par l’isthme, ainsi que celle qui va de Syrie à l’Italie en passant par Chypre ou la Crète.
En Méditerranée occidentale, les routes passent par les ports majeurs comme Carthage, Carthagène, Arles, Marseille,…pour rejoindre Ostie, d’où partent (et arrivent) également des routes vers les îles de Sardaigne, Sicile et Corse. M. Reddé prend des exemples précis pour étudier ces itinéraires, des récits comme le « Stadiasme de la grande mer », à l’origine incertaine, et surtout « L’Itinéraire Antonin » datant du IIIè siècle ap.JC, qui fournit des renseignements sur les routes maritimes entre Rome et Arles, c’est-à-dire du cabotage, procédé le plus courant.
La durée des voyages, nous l’avons vu, dépend beaucoup des conditions de navigation mais il semble que nous pouvons dire, pour exemples, qu’il faut entre 15 et 20 jours pour faire Alexandrie-Pouzzoles, 20 jours Narbonne-Alexandrie, 2 jours de l’Afrique à Ostie. Ce sont donc des trajets relativement courts qui, probablement, sont l’un des facteurs de l’intensité des échanges en Méditerranée.
Les ports sont bien sûr les points névralgiques des échanges maritimes. Ils sont globalement de deux natures : les plus anciens sont souvent situés en dehors des villes (Ostie pour Rome par exemple), les plus récents dans la ville même (comme Alexandrie). Tous sont aménagés, avec des rades fermées et des bâtiments destinés au commerce ; ainsi, ce que l’on appelle un macellum à Ostie ou Pouzzoles, ou agora en Orient, des sortes de marchés locaux destinés à distribuer les produits amenés par le commerce maritime, pour qu’ils se diffusent dans le reste de l’Empire.
Nous n’allons pas évoquer tous les ports mais nous pouvons parler d’Ostie, port majeur de Rome, encore à l’époque que nous étudions, jusqu’à 313 et sa spécialisation dans l’annone sur laquelle nous reviendrons. Il s’est principalement développé sous Claude (41-54), puis a été agrandi sous Trajan (98-117) ; son bassin peut abriter 200 navires et est relié au Tibre. Il a remplacé progressivement Pouzzoles, en particulier à partir du IIè siècle ap. JC. En plus d’Ostie, les autres ports importants sont principalement Alexandrie et Carthage, à cause de leur rôle dans l’acheminement de blé vers Rome, puis vers Constantinople en ce qui concerne la première dès le IVè siècle.
La Mare Nostrum est un concept général qui ne correspond pas exactement à la réalité de l’époque, surtout au niveau géographique, mais qui donne une idée assez juste de la maîtrise de la Méditerranée par les Romains. Ceux-ci savent la dompter, grâce à une flotte conséquente (même si cela varie selon les périodes) et un réseau de ports important, le tout appuyé sur une connaissance des routes qui date de bien avant l’Empire. Mais ce contrôle a un but, le commerce et surtout le ravitaillement de Rome. Il n’est pas non plus total et même est soumis à différentes pressions alors que les menaces barbares se précisent ; entre alors en jeu la marine de guerre romaine.
Produits et échanges en Méditerranée
Quelle est la nature des échanges et des marchandises circulant en Méditerranée romaine, comment le commerce est régulé et l’importance de l’annone pour la vie de l’Empire ?
Les produits qui transitent par les routes commerciales que nous avons décrites sont le vin, par exemple, qui vient principalement de Catalogne, de Gaule, mais aussi de Rhodes voire d’Asie Mineure. Il est aussi évidemment présent en Italie (Campanie principalement). L’Espagne exporte du garum (des sauces de poisson), de l’huile vient de Bétique ou d’Afrique, le blé d’Egypte (ou d’Afrique aussi) et les tissus de Syrie. Les produits précieux transitent le plus souvent par Alexandrie, voire Carthage ; ce sont la soie, l’ivoire, les perles,… et au IIIè siècle, ils peuvent venir d’Inde par la Mer Rouge. De même il existe des échanges avec les Perses et les Chinois par l’intermédiaire des ports de Syrie. Enfin, d’Afrique lointaine viennent aussi les fauves destinés aux venationes, des esclaves ou encore de l’ivoire.
Attardons-nous cependant sur des produits phares du commerce de cette époque, sachant que leur quantité et leur qualité sont très souvent à l’origine de la richesse et de l’importance dans le commerce des provinces dont ils sont originaires. Le vin tout d’abord : présent en Italie donc, les grands crus sont produits en Campanie principalement ; puis, on voit des vignobles dans les provinces occidentales jusqu’en Gaule du Sud, mais aussi en Afrique. Pour le commerce du vin, si les Italiens ont pu en exporter et en profiter dans les débuts de l’Empire, ils perdent petit à petit l’avantage sur les vins d’Hispanie et de Gaule, les vins provinciaux représentant bientôt l’essentiel des échanges, même si le vin italien s’exporte encore le long du Danube, et que les grands crus sont toujours originaires de la péninsule.
L’huile, ensuite, concerne principalement la Bétique et l’Afrique et dépend des services de l’annone (que nous abordons après) ; elle est exportée non seulement vers Rome où elle est stockée, mais dans tout l’Occident, jusqu’en Bretagne et en Germanie. Il existe aussi une production d’huile en Syrie, mais qui est moins connue et dont on ignore si elle s’exporte comme celle de Bétique et d’Afrique. L’huile est un produit qui est régulièrement distribué dès le règne d’Aurélien, quotidiennement.
Le blé, enfin, est la denrée la plus importante, et par laquelle nous allons pouvoir ensuite parler de l’annone : il est amené en Italie depuis l’Egypte et l’Afrique, mais aussi la Gaule du Sud, la Sicile et l’Espagne. L’Egypte doit éviter à Rome la famine, et donc lui livrer de quoi tenir quatre mois, ce qui équivaut à 20 millions de modii (172 millions de litres). Le transport arrive à Portus à partir de 313, entre le 1er mars et le 15 novembre, par le biais des naviculaires sur lesquels nous devons nous arrêter : ce sont des négociants privés chargés de l’annone, car il faut le préciser dès maintenant, Rome ne possède pas de flotte marchande « d’Etat ».
Les naviculaires sont souvent des familles (comme les Fadii de Narbonne), qui possèdent leurs propres navires, et qui sont réunis dans des collega ou des corpora ; Jean Rougé a parlé à leur sujet de « sociétés de capitalistes ». Ils transportaient les denrées de l’annone sur demande de l’empereur, et en échanges d’avantages (comme l’utilisation des bateaux pour leurs activités privées) : tout le monde y trouvait son compte. Le commerce en lui-même, relativement libre avant le IIIè siècle, est de plus en plus contrôlé et réglementé à l’approche du IVè siècle : l’Edit du Maximum, en 301, nous donne le prix du transport des marchandises : 16 deniers par boisseau militaire entre Alexandrie et Rome, 4 d’Afrique à Nicomédie, 20 de Syrie en Espagne. Selon « l’Expositio Totius Mundi » (une source anonyme du IVè siècle), le commerce se porte bien dans l’Empire, mais surtout en Méditerranée orientale alors qu’en Occident il semble en perte de vitesse, malgré l’essor du port d’Arles.
L’annone
Ce service a été créé par Auguste, mais il concerne plus que jamais Rome à notre période, même s’il a subi des modifications. Il a pour mission d’approvisionner Rome en blé, pour éviter les famines qui l’ont frappé régulièrement par le passé. C’est un préfet dit de l’annone, de rang équestre, qui en a la charge. Dans un cursus, on peut être préfet de l’annone avant d’être préfet d’Egypte ou du prétoire, ce qui montre l’importance de cette fonction. Selon Pavis d’Escurac, le préfet de l’annone est chargé de « réunir, transporter et stocker les contingents de blé indispensables aux besoins de la capitale toute entière ». Il dispose sous Aurélien de l’arca frumentaria et de l’arca olearia, des caisses pour lui permettre la gestion.
A partir du IIIè siècle, l’annone concerne (en plus du blé) l’huile, et est gérée par un procurateur de l’annone et un procurateur affranchi ; dans le même temps, les ports chargée de l’annone, Portus et Ostie surtout, sont mise sous le contrôle d’un procurateur des deux ports. Le système est ensuite simplifié dans la seconde moitié du IIIè siècle. Dans les provinces, ce sont des procurateurs provinciaux qui gèrent l’annone, détachés sur des greniers spécialisés comme ceux de Neapolis et Ad Mercurium à Alexandrie. Apparaît aussi avec la tétrarchie un préfet de l’annone d’Afrique qui dépend, lui, des préfets du prétoire alors que les vicaires des diocèses deviennent eux aussi responsables du ravitaillement en blé de Rome.
L’organisation de la marine de guerre
Les navires militaires romains sont des galères, inspirées en partie des Grecs. Ils ne sont donc pas rond, mais longs et élancés, destinés à être rapides et manoeuvrables. Autre différence avec les navires de commerce, ils sont avant tout des navires à rames, avec donc un équipage conséquent, et pas dépendants du vent. L’inconvénient que ces galères possèdent, en revanche, est une certaine fragilité en haute mer même s’ils n’hésitaient pas à s’y aventurer. Leur principale différence avec les navires de transport est bien entendu leur armement : les galères sont armées de différents éperons chargés de fracasser la coque de l’ennemi, mais aussi parfois de tours à l’avant et/ou à l’arrière, et disposent d’une « artillerie » composée de balistes qui lançaient soit des boulets ou des traits (parfois enflammés). Enfin, il en existe différentes types selon leur forme, leur taille, le nombre de leurs ponts ou de rameurs, comme les trières ou les polyrèmes.
Ces navires de guerre principaux, épaulés par des navires auxiliaires, sont regroupés dans des ports militaires qui sont les bases principales de la flotte romaine, alors que d’autres ports « civils » peuvent l’héberger durant les mouvements en Méditerranée. Les principaux ports militaires sont ceux de Ravenne et Misène, qui sont chargés de protéger la péninsule italienne avec les escadres dites classis pretoriae. Ils ont été fondés par Auguste, Misène en particulier selon Tacite et Suétone, Ravenne ayant été peut-être utilisé comme port militaire avant le principat d’Auguste. Pour Ravenne, Dion Cassius estimait qu’il pouvait accueillir 250 navires, sans préciser s’il s’agissait de navires de guerre, le port n’étant pas forcément uniquement destiné à un usage militaire. Pour Misène, la date d’installation date peut-être de 12 avant JC mais ses escadres sont transférées à Constantinople en 330.
La défense des côtes pouvait peut-être, elle, concerner la marine romaine ; il semblerait que sous le principat ait été créée la charge de praefectus orae maritimae, réservée aux chevaliers, mais le magistrat n’avait apparemment pas de flotte sous ses ordres…Ce ne sont donc pas des missions que l’on peut attribuer à la marine romaine ; en revanche, celle-ci était utile, en période de paix, pour le transport d’officiels, se transformant en escorte lors des périodes troublées et moins sûres comme celle qui nous concerne.
On le voit, il est assez difficile de définir les missions et donc l’utilité de la marine romaine, surtout en période de paix. C’est justement ce qui semblerait l’avoir affaiblie, alors que les menaces se font plus précises en Méditerranée même au IIIè siècle ; la marine romaine a-t-elle alors à ce moment réagi et de quelle manière ? Dans cette période, la flotte continue à être administrée et « centralisée » dans les ports de Ravenne et Misène (qui possèdent un préfet) et ce malgré les difficultés ; on peut citer, pour reprendre M. Reddé, le commandant de la flotte de Misène en 258-260, qui s’appelait M. Cornelius Octavianus selon des sources épigraphiques. La marine romaine n’a donc pas disparu au moment de la crise du IIIè siècle, et elle doit alors réagir aux menaces.
La marine de guerre face aux menaces
Jusqu’à Valérien, la marine militaire est active, principalement dans le soutien des troupes au sol et le ravitaillement. Auparavant, la mort de Trajan Dèce en 251, sur le Danube, a été un tournant car c’est par cet axe que la Méditerranée est ensuite menacée par les barbares et sa marine mise à contribution, alors que c’est la région où elle est le plus faible. En 267, la flotte pontique doit ainsi céder devant les Goths qui peuvent se déverser en mer Egée et en Méditerranée orientale, allant jusqu’à menacer l’Egypte ! Le préfet de cette province les affronte au large de Chypre en 270. Sous le règne de Probus, un autre épisode démontre que la marine ne tient plus la Mare Nostrum : des Francs partis du Pont, volent des navires et parviennent à traverser les détroits pour piller la Sicile et l’Italie ! Ils poussent jusqu’à Gibraltar sans avoir à un seul moment eu à affronter une flotte romaine…La piraterie, elle, reprend de plus belle comme l’atteste un texte d’Ammien Marcellin (IVè siècle) ; les Ciliciens sont des spécialistes en la matière, mais cela trahit surtout la perte de contrôle de certaines populations par Rome.
Toutefois, le tableau n’est pas si noir pour la marine romaine : le raid des Francs excepté, les difficultés qu’elle rencontre se situent principalement en Méditerranée orientale, l’Occident et donc Rome étant relativement épargnés ; c’est donc plus le dispositif naval que la marine dans son ensemble qui est mis à mal. Par la suite, nous assistons à une évolution avec les réformes de Dioclétien qui ont touché (entre autres) l’armée et donc la marine.
Selon une source de l’époque de Justinien, la marine romaine avait un effectif de 45562 hommes sous la tétrarchie. Mais c’est la période constantinienne qui voit une vraie transformation dans la marine romaine en Méditerranée : Constantin utilise la marine pour sa reconquête de l’Italie en 312, alors que son rival Maxence l’a utilisée pour l’Afrique en 310-311 ; la marine romaine est donc divisée selon les divisions même que subit l’Empire. La victoire de Constantin fait perdre aux escadres de Ravenne et Misène le titre de praetoria, alors qu’elles subissent des purges pour leur soutien à Maxence.
Constantin réorganise la flotte, et en transfère les pôles importants en Grèce, puis à Constantinople sa nouvelle capitale. Cette période voit donc une modification du fonctionnement de la flotte, après les menaces barbares et surtout la guerre civile qui a suivi la tétrarchie : création de nouvelles escadres, rééquilibrage en faveur de l’Orient et de Constantinople,…qui amènent à trouver une marine plus éclatée et moins massive, axée sur la défense et peut-être plus à même de faire face à d’éventuelles nouvelles menaces barbares comme celles de la seconde moitié du IIIè siècle.
La Méditerranée est donc restée au cœur de la vie de l’Empire, et ce malgré un déplacement de son centre de gravité vers le Nord, dû aux invasions et à l’éloignement de Rome par l’empereur. La Méditerranée servait toujours de zone commerciale principale à Rome durant cette période, et l’annone y était toute aussi importante. Les évolutions n’ont concerné que certains secteurs comme la gestion de l’annone, un contrôle accru sur le commerce suite à l’Edit de 301, malgré la conservation des naviculaires, et surtout la marine romaine qui, après avoir dû faire face aux invasions barbares sans pouvoir réagir, prouvant ainsi qu’elle n’était plus capable d’assurer l’entière « romanité » de la Mare Nostrum, a dû se réformer sous la tétrarchie et Constantin.
Cette période est donc avant tout une période de transition et d’adaptation de Rome vis-à-vis de son espace maritime, mais qui peut-être annonce déjà la fin de la Mare Nostrum.
Bibliographie non exhaustive
- Reddé, Mare Nostrum : les infrastructures, le dispositif et l’histoire de la marine militaire sous l’empire romain, Paris, Rome, 1986.
- Reddé, Golvin, Voyages sur la Méditerranée romaine, Actes Sud, Errance, Arles, 2005.
- Sartre-Tranoy, La Méditerranée antique IVè s av. JC- IIIè s ap. JC, collection Cursus, Paris 1990.