icone nativite 2Pour les Chrétiens du Monde entier, la fête de Noël est célébrée le 25 décembre. A l'origine, c'est le jour où l’on fête la Nativité, l’Incarnation du divin dans Jésus, né de la Vierge Marie dans une modeste étable de Bethléem. Avec Pâques, c'est la fête la plus importante du calendrier chrétien. Dans une société qui traque les symboles religieux au nom de la laïcité, le sens de Noël s’est pour beaucoup perdu au profit d’un rite profane entretenu par des intérêts économiques. C’est pourquoi il n’est peut-être pas inutile de rappeler le sens premier de Noël en revenant sur l’événement fondateur qu’est la naissance de Jésus de Nazareth (avec les problèmes historiques que cela peut poser), puis en s’intéressant à l’apparition et à l’évolution de cette fête dans la communauté des croyants, depuis les premières célébrations jusqu’aux crèches et aux étoiles au sommet des sapins.

  

La Nativité, à l'origine de la fête de Noël

Le jour de Noël, les Chrétiens fêtent la naissance de Jésus de Nazareth. Ce dernier étant pour eux fils de Dieu et Dieu (engendré non pas créé, de même nature que le Père), sa naissance apparaît comme l’Incarnation de Dieu dans un corps humain. Tout commence avec l’Annonciation, quand un ange aurait annoncé à la jeune Marie, encore vierge, qu’elle allait enfanter le fils de Dieu. Son époux Joseph, charpentier, est d’abord tenté de la répudier, mais un ange lui apparaît en songe pour lui révéler la situation.

Selon les évangiles, vient alors le jour où dans le royaume d’Hérode Ier le Grand (73 av. J.-C. – 4 av. J.-C.) le pouvoir romain organisa un grand recensement, contraignant les hommes à aller se faire recenser dans leur ville d’origine. En compagnie de Marie, Joseph quitte donc Nazareth pour se rendre à Bethléem. C’est là que Marie aurait enfanté, ainsi que le rapporte l’évangile de Saint-Luc (Luc, 2. 4-20).

Carl_Heinrich_Bloch_The_Birth_of_Christ_2La naissance de Jésus coïncidant avec une prophétie annonçant la naissance d’un descendant de David qui deviendrait roi, le roi Hérode craignant pour son pouvoir aurait annoncé le massacre des nourrissons dans la ville de Bethléem. C’est ce qu’on appelle communément le Massacre des Innocents. Mais Joseph, une nouvelle fois avertie en songe, s’enfuit à temps avec sa famille vers l’Égypte.

À l’heure actuelle, ce massacre, cet épi-événement (car ne concernant qu’une nuit et une petite ville) n’est attesté que par les évangiles ce qui fait dire à certains qu’il pourrait s’agir d’une invention biblique visant à mettre en parallèle l’histoire de Jésus et celle de Moise.

Par contre, le recensement évoqué par les évangiles semble se rapporter au recensement organisé par le gouverneur Quirinus que l’historien romain Flavius Josèphe place en 6/7 ap. J.-C.. Cette datation pose cependant problème puisque le règne d’Hérode s’achèvera en 4 av. J.-C.. Le recensement de Quirinus n’a donc pas eu lieu sous le règne d’Hérode. De plus, le recensement de Quirinus ne concernerait que la Judée (où se trouve Bethléem) et non la Galilée (où se trouve Nazareth).

Datation de la naissance historique de Jésus

D’un point de vue purement historique, le recensement pose donc problème et certains historiens pensent qu’il s’agit d’un prétexte littéraire pour faire naître Jésus dans la ville de David. Toutefois, en prenant en compte la marge d’erreur de l’évangile de Luc (ce dernier est un apôtre de Saint-Paul qui lui-même n’a pas connu Jésus de son vivant, bien qu’il soit contemporain), le récit biblique peut coïncider avec la chronologie historique.

En effet, si l’on considère que Joseph s’est bien rendu à Bethléem pour se faire recenser sous le gouverneur Quirinus, alors il y a pu avoir un amalgame entre le roi Hérode Ier le Grand (73 av. J.-C. – 4 av. J.-C.) et le roi Hérode Archélaos (4 av. J.-C. – 6 ap. J.-C) qui lui succède. Autrement dit, deux courants s’opposent pour dater la naissance de Jésus : ceux qui considèrent que le recensement n’a pas eu lieu et que l’événement doit se dérouler juste un peu avant la mort d’Hérode Ier avant 4 av. J.-C., et ceux qui considèrent que Joseph s’est bien fait recenser, mais sous Hérode Archélaos, plaçant ainsi la naissance en 6/7 ap. J.-C..

L’année choisie par Denys le Petit au VIe siècle pour déterminer l’année de naissance de Jésus est nous le rappelons erronée. Plus personne ne soutient une naissance historique à cette date, mais elle reste néanmoins la base de notre calendrier julien, ce qui n’est pas sans effet comique quand on évoque la naissance de Jésus « av. J.-C. ».

Le 25 décembre : de fête païenne à fête chrétienne

La Nativité est donc fêtée par les Chrétiens lors de la fête de Noël, nom qui viendrait (avec des modifications phonétiques) du latin Natalis (« relatif à la naissance »). Cette fête remonte au moins au IIIe siècle, la date n’est pas alors commune à toute la Chrétienté car les Évangiles ne précisent rien quant au jour exact célèbrant la naissance de Jésus. Au IVe siècle, à Rome, le Pape Libère fête l’Incarnation de Jésus le 25 décembre, le choix de la date est des plus symboliques.

On dit parfois que la fête de Noël n’est qu’une récupération de fêtes païennes, ce qui est totalement faux. La fête de Noël préexiste à la date du 25 décembre, et en se fixant ce jour là elle ne fait qu’utiliser un symbole astronomique, n’en laissant pas le monopole aux païens. En effet, le 25 décembre correspond alors au solstice d’hiver, le moment à partir duquel les jours rallongent.

De fait, ce symbole de la victoire de la vie (/lumière) sur la mort (/obscurité) est utilisé par de nombreuses religions : à Rome les païens fêtaient les Saturnales (fête du dieu Saturne), pour les adeptes de Mithra le Mithragan (jour de la naissance de Mithra) tombe également ce jour-là, c’est aussi bien entendu le jour où l’on fête la naissance de Sol Invictus (le « Soleil Invaincu », divinité solaire reprenant des aspects d’Apollon et de Mithra), la fête juive d’Hannoucca (commémorant la ré- inauguration du Temple de Jérusalem) tombe également à une date proche.

Le 25 décembre n’est donc pas une fête païenne « récupérée » par les Chrétiens, il s’agit d’une date à la symbolique forte, utilisée de fait par de multiples religions dont le Christianisme qui ne compte pas laisser le monopole des symboles astronomiques aux païens. Cette date est finalement codifiée en 425 par l’empereur Théodose II. Peu à peu la fête prend de l’ampleur : à la fin du Vème siècle Clovis se fait baptiser le jour de Noël, en 506 le concile d’Agde en fait une fête d’obligation, en 529 l’empereur Justinien en fait un jour chômé.

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Les traditions de la fête de Noël

Il y a plusieurs traditions chrétiennes qui entourent la fête de Noël. En premier lieu l’Avent, la période liturgique des quatre dimanches précédant Noël. Chaque dimanche de l’Avent les Chrétiens ont coutume d’allumer une bougie, symbole de la lumière qui va renaître à Noël. Le soir du 24 décembre a lieu la Messe de Minuit (qui aujourd’hui ne se fait que rarement à cette heure-là) où les fidèles fêtent la naissance du Christ, il s’agit d’une des plus grandes fêtes chrétiennes après Pâques. La Messe de Minuit vient couper la veillée de Noël, généralement passée en famille.

crecheLa crèche et les santons sont également une tradition clef de la période de Noël, les Chrétiens disposent chez eux d’un modèle réduit de grotte et/ou d’étable où ils disposent des santons représentant au minimum Marie, Joseph, et l’enfant Jésus que l’on ne dépose dans la crèche que la nuit de Noël. On trouve aussi généralement dans la crèche des bergers et leurs moutons, représentant les bergers venus voir le nouveau-né après l’annonce de l’ange (des anges parfois également présents autour de la crèche). L’âne et le bœuf, qui réchauffent le nourrisson de leur souffle, ne sont pas explicitement décrits dans les évangiles canoniques. Leur présence se base sur un apocryphe tardif (peut-être du VIe siècle), le pseudo-évangile de Matthieu.

Dans ce texte en effet, il est dit que Marie, après avoir enfanté dans une grotte, se rendit dans une étable où un âne et un bœuf fléchirent les genoux pour le saluer, reprenant ainsi un passage du livre d’Isaïe "Le bœuf a connu son propriétaire, et l'âne, la crèche de son maître" (Is 1.3). Rejetés par le Concile de Trente au XVIe siècle, l’âne et le bœuf restèrent dans la tradition populaire et font aujourd’hui partie intégrante de toute crèche. Il faut dire que la présence d’une crèche dans les évangiles canoniques laisse entendre la présence d’animaux domestiques…

En elle-même la crèche semble être une tradition qui remonte au XIIIe siècle, Saint François d'Assise ayant organisé une crèche vivante (avec des fidèles jouant les personnages) en 1223 à Greccio en Italie. Les crèches en modèles réduits, telles que celles que l’on voit couramment aujourd’hui, remonteraient quant à elles au XVIe siècle où elles se seraient diffusées sous l’impulsion des Jésuites.

Quand est-il de la bûche et du sapin de Noël ? La bûche est une tradition culinaire surtout française (transmise dans les pays francophones) où le gâteau rappelle la bûche que l’on mettait dans l’âtre et qui devait se consumer lentement durant toute la veillée de Noël. Cette bûche était généralement bénie avec une branche de buis conservée depuis la fête des Rameaux. Le sapin de Noël quant à lui n’est pas une innovation chrétienne. Toutefois, il revêt également une tradition chrétienne, premièrement par l’étoile à son sommet, l’étoile de Bethléem qui guida les rois mages, et deuxièmement par sa symbolique de la vie triomphant de la mort que l’on retrouve à travers l’arbre qui reste vert en plein cœur de l’hiver.

Plus que des cadeaux

saint nicolasEnfin et pour finir, l’habitude d’offrir des cadeaux autour de la période de Noël se fait pour les Chrétiens en référence à Saint-Nicolas (saint patron des enfants) le 6 décembre, ou en référence aux présents apportés par les rois mages à l’enfant Jésus. La date pour offrir les cadeaux fluctue donc entre les régions et les époques.

Aujourd’hui, ils sont généralement offerts le 25. Néanmoins, les cadeaux de Noël apparaîssent comme un événement bien secondaire de la fête chrétienne, sans aucune mesure avec le sens premier de Noël : fêter l’Incarnation de Dieu qui choisit de prendre chair dans ce qu’il y a de plus fragile, un enfant, et dans les conditions les plus modestes. On est bien loin de la fête profane et commerciale survalorisée de nos jours où le but premier semble de doper la consommation des ménages.

La fête de Noël perdrait-elle ses valeurs d’humilité, de joie et d’espérance pour l’Humanité pour devenir l’exutoire des commerciaux avides et de laïcistes zélés ? On cherche parfois à supprimer le Père Noël à l’école au nom de la laïcité et du respect du culte musulman… C’est oublier un peu vite que le Père Noël n’a rien de chrétien ni de religieux, et que la naissance de Jésus n’a rien de sacrilège pour les Musulmans. En effet ces derniers, bien qu’ils ne donnent pas d’origine divine à Jésus et le considèrent comme un simple prophète parmi d’autres, croient en l’Annonciation faite à Maryam (nom de Marie dans le Coran) qui bien que vierge enfanta Îsâ (nom de Jésus dans le Coran). 

Pour aller plus loin

- Noël. Aux origines de la crèche, de Maurizio Bettini. Seuil, 2019.

Noël. Une fête paradoxale, de Martyne Perrot. Grasset, 2000.

- KELLY Joseph-F, Les origines de Noël, Editions de Solesmes, 2007.

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