affiche les enfants du paradis 1945Monument du cinéma français, Les enfants du paradis de Marcel Carné a été tourné en pleine occupation allemande de 1943 à 1944. Malgré des conditions de tournage rocambolesques, le film sort en mars 1945, et dans l'euphorie de la libération, connait un énorme succès. Arletty, premier rôle féminin du film, soupçonnée de collaboration, est détenue en prison le soir de la première... Les enfants du paradis est aujourd'hui considéré, partout dans le monde, comme l'un des films des plus importants de l'histoire du cinéma.

 

Continuer malgré tout

« Se battre, c'était continuer à faire des films. Reconquérir par l'esprit ce que l'on avait perdu par les armes », affir­mait Marcel Carné au sujet des Enfants du paradis. Il a effectivement tourné son film en pleine Occupation, aux studios de la Victorine à Nice, et dans les plus grandes difficultés. Le tournage fut long -il dura deux ans -, ruineux et complexe du fait des alertes aériennes, des pénuries d'électricité, de la rareté de la pellicule, qui provenait parfois du marché noir. Il fallait également protéger les collaborateurs juifs ou anti-vichystes en les payant aussi au marché noir.

arletty enfants paradisNéanmoins, quand le film, produit par Pathé, sort le 9 mars 1945 aux cinémas Madeleine et Colisée, à Paris, dans l'effervescence de la Libération, tout cela paraît bien loin. C'est un triomphe, et son succès ne s'est jamais démenti depuis. Cette œuvre majeure, à la fois populaire et raffinée, est due à un quatuor de choc qui a déjà fait ses preuves. Aux côtés d'un réalisateur hors pair, on trouve le poète Jacques Prévert pour le scénario et les dialogues, le décorateur Alexandre Trauner, le musicien Joseph Kosma et le peintre Mayo pour les costumes.

Les enfants du paradis, monument cinématographique

En 1830, à Paris, la vie est intense sur le boulevard du Crime (boulevard du Temple), lieu de distraction par excellence et carrefour où se côtoient le peuple et l’aristocratie. Au théâtre des Funambules, les spectateurs se pressent pour voir l’acteur Frédérick Lemaître (Pierre Brasseur), le mime Baptiste Deburau (Jean-Louis Barrault) et bien d’autres encore. Depuis le poulailler (le « paradis »), ils les acclament et les invectivent tour à tour. La belle Garance (Arletty) enflamme les cœurs, en particulier celui de l’anarchiste Lacenaire (Marcel Herrand), mais elle n’aime que Baptiste qui l’aime en retour sans se l’avouer.

Nathalie (Maria Casarès) est devenue la femme de Baptiste sans que celui-ci en oublie pour autant Garance, devenue la comtesse de Montray. Par dépit et jalousie, Lacenaire tue le mari de la comtesse, le comte de Montray (Louis Salou). Enfin, la nuit du carnaval réunit Garance et Baptiste qui s’avouent leur amour réciproque avant que l’aube les rende chacun à leur destin.

Contraint par la censure allemande en vigueur sous l’Occupation de rompre avec son habituelle démarche esthétique (délibérément proche de la réalité sociale), Marcel Carné et son scénariste Jacques Prévert se réfugient dans l’histoire passée pour mettre en scène quelques grands personnages de l’époque de Louis-Philippe et des Mystères de Paris d’Eugène Sue. Mais cette fable qui compte à son générique deux juifs (le décorateur Alexandre Trauner et le compositeur Joseph Kosma) dissimule une réflexion sur la société française pendant la Seconde Guerre mondiale, qui transparaît notamment dans les dialogues de Prévert. Les trois heures de projection, les milliers de figurants et leurs costumes, les somptueux décors reconstitués aux studios de la Victorine à Nice, les voix et les visages mémorables de Lacenaire, Garance, Baptiste et Lemaître ont largement contribué à l’immense succès populaire de cette fresque cinématographique foisonnante.

Pour aller plus loin

Les Enfants du paradis, de Marcel Carné (1945). Avec Arletty, Jean-Louis Barrault, Pierre Brasseur, Pierre Renoir, María Casares...

Le cinéma français sous l'Occupation : 1940-1944. Editions René Chateau, 1996.

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