Tout au long de la Troisième République, et particulièrement avant la Première Guerre mondiale, différents gouvernements, de diverses tendances, se succèdent continuellement au pouvoir. L’instabilité des majorités gouvernementales et la succession impressionnante des présidents de la République, achèvent d’affaiblir le régime. Au cours de leur mandat, plusieurs présidents sont morts lors d’un assassinat ou dans des circonstances mystérieuses. La Troisième République a donc sans cesse affiché, au cours de son existence, une fragilité de ses institutions, un affrontement de plus en plus sévère entre la droite et la gauche, entre les partisans de la laïcité et les cléricaux.
La IIIe République proclamée en France
Le second Empire est emporté par la défaite militaire face à l’Allemagne de Bismarck. L’empereur Napoléon III lui-même dut se rendre le 2 septembre 1870, encerclé à Sedan avec Mac-Mahon. Le 4 septembre, à l’Hôtel de Ville de Paris, la République fut proclamée. Installée à Bordeaux, l’Assemblée se donne comme priorité, avant d’établir une nouvelle constitution, la réorganisation du pays ; et désigne Adolphe Thiers comme « chef du pouvoir exécutif de la République française ». Thiers est un député de Paris élu en 1863, élections à l’issue desquelles il devient le champion de l’opposition libérale. Il est d’abord mandaté par le gouvernement pour chercher le soutien de toutes les capitales européennes, dans la guerre officiellement toujours menée contre les armées allemandes.
Le roi Guillaume Ier de Prusse proclame la naissance de l’Empire allemand au château de Versailles. Le 8 février 1871, des élections législatives sont organisées, aux cours desquelles de nombreux conservateurs monarchistes deviennent députés. La paix avec l’Allemagne est signée le 10 mai 1871 par la nouvelle Assemblée élue, mais la cession de l’Alsace et de la Lorraine, entérinée par le traité de Francfort, indispose les masses populaires parisiennes. Le gouvernement et les députés se réfugient à Versailles.
Soutenu par Bismarck, Adolphe Thiers réunit les fuyards et, après le siège de Paris, entre dans la ville et mate l’insurrection populaire de la Commune. La Troisième République est définitivement instaurée. Adolphe Thiers devient, à titre transitoire, le premier président de la IIIe République. Lors de son court mandat, il tente d’enrayer une situation économique catastrophique et sociale de la France, en proposant des réformes touchant à la fiscalité et à la conscription militaire. Devant l’opposition de la majorité des représentants monarchiques, Adolphe Thiers finit par démissionner. Il meurt en 1877 à Saint-Germain-en-Laye.
Mac-Mahon, un monarchiste à la présidence
Le 24 mai 1873, Edme Patrice Maurice, comte de Mac-Mahon, duc de Magenta et prince de Solférino, est élu président de la République suite à la démission d’Adolphe Thiers. D’abord favorable au retour de la monarchie, il s’implique ensuite dans la construction législative de la IIIe République, avec en point d’orgue le septennat présidentiel.
Durant l’année 1875, une série de lois sont votées pour élaborer la Constitution de l’État. C’est donc une assemblée élue en 1871, en majorité monarchiste, qui a voté les trois lois fondamentales à l’origine de la IIIe République. Suite à la pression républicaine, le président est contraint de démissionner en 1879. Mort en 1893, il est enseveli aux Invalides au cours d’obsèques nationales.
Le pouvoir aux républicains
En février 1871, Jules Grévy, républicain modéré, est élu président de l’Assemblée nationale, avant de démissionner en 1873. Le 30 janvier 1879, le lendemain même du départ de Patrice de Mac-Mahon, Jules Grévy accède à la présidence de la République. Il privilégie la stricte séparation des pouvoirs exécutif et législatif, avec l’institution progressive d’une République parlementaire. Il modèle les institutions politiques en appliquant l’essentiel des idées républicaines.
Dès 1870, Jules Grévy s’est opposé à la guerre entreprise par l’empereur contre la Prusse. En politique extérieure, il se montre très attaché à la paix, ce qui lui a valu un conflit avec le parti boulangiste, désireux de prendre sa revanche sur le nouvel est le champion des masses populaires, défendant la haine des Allemands, alors que l’antisémitisme apparaît. Il réduit l’expansion coloniale de la France.
Sa politique intérieure est résolument anticléricale. Entre 1881 et 1884, le ministre Jules Ferry instaure l’obligation scolaire en imposant la gratuité et la laïcité de l’instruction publique. Le certificat d’étude apparaît, et les filles ont elles aussi accès à l’enseignement.
Les lois sur le divorce sont votées, avec l’introduction de la pension alimentaire, alors que la législation sur les associations, assouplie, permet la reconnaissance des syndicats. Malgré sa réélection à la présidence de la République, en 1885, le scandale des décorations impliquant son gendre et la pression nationaliste obligent Jules Ferry à se retirer dès décembre 1887.
La IIIe République confrontée à la montée de l’antisémitisme
Ancien fonctionnaire de haut rang, spécialisé dans les travaux publics puis dans les finances, Sadi Carnot succède à Jules Grévy. Le général Boulanger est progressivement déconsidéré, et son projet de coup d’État, un instant envisagé, reste inaccompli. La fuite en Belgique et le suicide du général, menacé de poursuites judiciaires, rétablissent définitivement le calme. L’antisémitisme qui sévit toujours, et associé à la haine de l’Allemagne, prépare un climat propice à l’affaire Dreyfus.
L’Exposition universelle, organisée à l’occasion du centenaire de la Révolution, est l’occasion de présenter à l’Europe l’ensemble des réalisations françaises. En 1892, cependant, le scandale du canal de Panamá, impliquant un grand nombre de célébrités comme Gustave Eiffel et Ferdinand de Lesseps, jette le discrédit sur le régime.
Les conquêtes coloniales se poursuivent. Dans un contexte de revendications syndicales et d’opposition anarchiste, une législation rigoureuse réglemente désormais liberté individuelle et liberté de la presse. Les anarchistes posent des bombes, avec à leur tête, par exemple, François Koenigstein (Rachavol), Auguste Vaillant et Émile Henry. Le 24 juin 1894, à Lyon, Sadi Carnot est frappé d’un coup de poignard. Il meurt le lendemain.
Face à la multiplication des attentats, de nouvelles lois répressives, dites « les lois scélérates », durcissent la répression. Jean Casimir-Perier, petit-fils d’un président du Conseil sous la Monarchie de Juillet, devient à son tour président. Conservateur, il démissionne au bout de six mois devant l’opposition des radicaux. Félix Faure, qui lui succède, doit composer avec des troubles sociaux de plus en plus importants. À Paris, la construction du métro commence. Il meurt dès 1899 dans les bras de sa maîtresse. L’affaire Dreyfus s’enlise.
La présidence d’Émile Loubet
La mort subite du président Faure et l’élection présidentielle donne l'occasion aux antidreyfusards (de droite) et aux dreyfusards (de gauche) de s’opposer politiquement à la tribune. Deux candidats se font face : le dreyfusard Emile Loubet et l’anti-dreyfusard Jules Méline. Émile Loubet est élu président de la République par le Congrès réuni à Versailles, le 18 février 1899, alors que Jules Méline a retiré sa candidature.
Premier président à accomplir son mandat complètement, Emile Loubet est le personnage politique le plus stable de la IIIe République, alors que les présidents du Conseil, eux, se succèdent. L’élément le plus célèbre du septennat est la grâce accordée au capitaine Dreyfus et la promulgation de la loi sur les associations.
Les élections de 1902 sont un triomphe pour le parti radical, et portent au pouvoir Émile Combes. Le gouvernement de Combes s’engage dans une politique résolument anticléricale. Le président du Conseil élabore même, en 1905, un projet de loi instituant la séparation entre l’Église et l’État. Le septennat d’Émile Loubet est aussi marqué par une intense activité diplomatique. L’Entente cordiale est signée entre la France et la Grande-Bretagne.
La marche vers la guerre
La présidence d’Armand Fallières Le 18 février 1906, Armand Fallières succède à Emile Loubet et devient le huitième président de la IIIe République. Les jugements concernant Dreyfus et Picquart sont définitivement cassés. La révolte gronde dans l’Aude et l’Hérault, et des lois sont votées pour régler les retraites des paysans et des ouvriers. En 1912, le président de la République, soucieux de préserver la liberté de vote, instaure l’utilisation de l’isoloir lors des élections. En 1913, à la fin de son mandat, il se retire de la vie politique.
Au niveau international, l’embrasement des Balkans oblige l’Empire ottoman à rentrer en guerre. L’Empire austro-hongrois intervient lui aussi. Lorsque Raymond Poincaré accède à la présidence de la République, une guerre européenne se dessine. En France, pacifistes et revanchards désireux d’en découdre à nouveau avec les vainqueurs de 1870 s’opposent de plus en plus violemment. L’Autriche-Hongrie veut l’élimination de la Serbie, et l'Allemagne la conforte dans l’idée d'une intervention armée. Par le jeu des alliances, le 3 août 1914, l’Empire allemand déclare la guerre à la France.
Désormais profondément enracinée en France, la IIIe république survivra au cataclysme de la Première Guerre mondiale avant d'être emportée par le désastre de la défaite de mai-juin 1940.
Bibliographie
- La France des débuts de la IIIe République : 1870-1896 , de Dominique Lejeune. Armand Colin, 2016.
- La France sous la IIIe : la République à l'épreuve (1870-1914), d'Arnaud-dominique Houte. La Documentation française (3 septembre 2014).