chateau foix ariegeLe château fort est un édifice seigneurial à vocation résidentielle et militaire, érigé au Moyen Age. Incarnant la puissance du seigneur face à l’ennemi mais aussi vis-à-vis de ses vassaux, le château fort présente simultanément des fonctions défensives et une fonction hautement symbolique. Il apparaît au IXe siècle alors que l’Empire carolingien se morcèle, affaibli par les problèmes de succession au détriment de la défense du territoire. Ainsi, face à la menace viking, ce sont les seigneurs qui assument progressivement la protection de la population. La construction des châteaux forts en découle.

Les moyens de défense en France avant les châteaux forts

Depuis le néolithique, les hommes fuient dans des souterrains ou des grottes pour échapper aux ennemis. Les Gaulois créent ensuite des oppidums. En temps de guerre, la population rejoint ces villes ceintes d’imposants murs de protection. La paix romaine ôte leur fonction militaire aux murailles, qui ne servent plus qu’à contrôler le paiement des taxes.

Avec les invasions barbares, les Gallo-Romains construisent de nouveaux remparts qui protègent le centre des villes, alors que les villages demeurent la proie des ennemis. Ces fortifications semblent toujours utiles sous les Mérovingiens.

La menace normande et la naissance des seigneuries

Les rois et les aristocrates carolingiens vivent dans des palais dont la fonction s’avère uniquement administrative. Dès 830, les Normands menacent l’Empire. Au cours du XIe siècle, leurs raids sèment la terreur. Ils pillent les maisons, violent les femmes, massacrent les paysans et brûlent les églises. Comtes et ducs ne disposent pas suffisamment d’hommes ni de moyens pour défendre leurs vastes territoires. Ils le divisent en plusieurs parties et confient chacune d'elles à un seigneur chargé de protéger la population.

motte castraleLes agriculteurs déplacent leurs habitations autour de la demeure de leur seigneur, en qui ils trouvent une personne forte et puissante. Les palais se fortifient et acquièrent une fonction défensive, au grand dam de Charles le Chauve qui craint à raison une dispersion du pouvoir aux mains des féodaux. Les palais carolingiens ceints de murs sont les véritables ancêtres des châteaux forts.

Les premiers châteaux forts

Aux IXe et Xe siècles, de nombreux châteaux façonnent le paysage de nos contrées. Chaque village est exposé à la menace normande. Il s’agit pour le châtelain de pouvoir se déplacer rapidement. On trouve alors une forteresse tous les dix kilomètres. Les villageois ont la possibilité d’y trouver refuge. Ce sont des bâtisses en bois entourées d’enceintes et placées en un lieu naturellement haut.

Dans les plaines, les paysans élèvent une colline artificielle sur laquelle se dresse la construction principale. Ils la ceignent d’une ou de plusieurs palissades de pieux plantés dans le sol. Assez hautes, elles sont à nouveau protégées par un fossé. Ces châteaux s’avèrent plus simples que ceux des XIIe et XIIIe siècles, et ne disposent pas de pont-levis. L’entrée de la tour est située en hauteur et une échelle est nécessaire pour y accéder. Cette tour carrée est entourée d’une palissade et d’un fossé. Cette technique de construction est appelée la motte féodale.

La fonction sociale des premiers châteaux dans les campagnes

La colline symbolise la puissance aux yeux des “vilains”. Leurs maisons se trouvent à l’intérieur de la première enceinte. Le château organise la vie des serfs, des paysans libres et des ouvriers, charpentiers et forgerons. Les églises villageoises apparaissent timidement au Xe siècle. Le plus souvent, le seigneur ouvre sa chapelle privée pour la célébration de l’office du dimanche.

Dans l’enceinte, on trouve également un four qui permet à chacun de cuire son pain, ainsi qu’un lavoir, un puits et un pressoir, mais dont l’utilisation permet au seigneur de percevoir des impôts extraordinaires (droits banaux). En cas de danger, les “vilains” se réfugient dans la seconde enceinte. Le château de bois compte trois au quatre étages. Comparé aux bâtisses de pierres ultérieures, il semble modeste et grossier. Il prend souvent feu, d'où la présence constante de charpentiers dans le village.

Les châteaux forts en pierre

À partir du XIIe siècle, le bois est remplacé par la pierre maçonnée, moins vulnérable au feu. Le lieu de construction est toujours primordial : lorsque le site le permet, il est préférable de bâtir un château au haut d’une montagne.

chateau tarasconAu fil du temps, les remparts sont renforcés : deux, voire trois, enceintes protègent le cœur du château, c’est-à-dire la tour maîtresse (ou donjon). Des tours sont ajoutées sur toute la longueur des enceintes pour les renforcer ; l’espace entre deux tours est alors appelé une courtine. Des chemins de ronde, des hourds, des mâchicoulis et des créneaux améliorent les techniques de défense pour repousser les assaillants. Dernier repli lors d’un assaut ennemi, le donjon (généralement haut de plus de dix mètres) est dorénavant de forme ronde, ce qui supprime les angles morts et rend tout assaut plus difficile.

Le principal problème technique dans la construction d’un château fort est l’aménagement de l’ouverture sur l’extérieur : la porte. Souvent renforcée par deux tours, la porte donne sur le fossé (qui s’appelle une douve lorsqu’il est rempli d’eau) que seul un pont-levis permet de franchir. En plus du pont-levis, une herse ferme l’accès au château.

Les paysans vivent dans les villages et hameaux construits sur les terres du seigneur. Le seigneur, quant à lui, vit de manière permanente dans son château. Entouré de sa famille et parfois d’amis proches, il y reçoit des voyageurs prestigieux (certains châtelains ont l’honneur de recevoir le roi lui-même). Le plus souvent, le seigneur habite dans la partie la mieux protégée du château, le donjon.

D’autres habitants vivent au château. Il s’agit des aides et des serviteurs du seigneur qui logent dans les communs, bâtiments simples construits à l’intérieur de l’enceinte. Enfin, le château fort étant un édifice défensif, le seigneur dispose d’une garnison, qui vit également à l’intérieur des murailles.

Les techniques de siège

Le château fort est un lieu très convoité car il est le symbole d’un pouvoir, un bâtiment cher à construire et le grenier de nombreuses richesses (argent et bijoux du seigneur, nourriture emmagasinée pour l’hiver, etc.). Mais comme il est fortifié, il n’est pas facilement prenable. Les assaillants doivent donc user de nombreuses techniques de guerre pour s’en emparer :

siege chateau fort– l’une des techniques d’assaut est de faire une brèche dans un mur à l’aide d’un bélier ou de catapultes pour que les troupes entrent en masse ; mais cette méthode est rapidement abandonnée car elle endommage le château. Le bélier est alors uniquement utilisé pour enfoncer une porte ;
– l’assaillant peut aussi escalader les remparts pour pénétrer dans le château ; cependant, cette méthode est dangereuse car, durant son ascension, il est la cible des flèches des soldats du châtelain ;
– l’assaillant peut construire une tour de siège. Montée sur roulettes, elle permet aux troupes de s’approcher en sécurité du château fort et d’accéder aux remparts ;
– l’assaillant peut également user de la ruse : quelques hommes s’introduisent dans le château fort à l’insu des gardes (cachés dans une charrette de foin par exemple) puis baissent le pont-levis la nuit tombée pour que le reste de la troupe entre par surprise ;
– enfin, et c’est la technique la plus employée, l’assaillant fait le siège du château jusqu’à ce que le seigneur, à cours d’eau et de nourriture, se rende ; le siège peut durer de quelques jours à plusieurs mois.

De l’apogée au déclin des châteaux forts

Le règne de Philippe Auguste (1180-1223) marque, en France, l’affirmation du pouvoir royal et l’extension des limites du territoire ; cette politique se traduit par l’édification de nombreux ouvrages fortifiés (tours, châteaux et enceintes urbaines). Sous ce règne, un groupe d’ingénieurs apporte des concepts audacieux qui influencent l’architecture militaire dans toute l’Europe.

chateau angers 12Les châteaux forts s’adaptent ainsi aux progrès de l’artillerie et aux nouvelles techniques de siège. Les murailles s’épaississent (jusqu’à 7 m à Douvres). L’enceinte gagne en importance : de plan géométrique, souvent carrée (plus de 70 m de côté au château du Louvre, à Paris), elle est flanquée de tours cylindriques (la plus vaste, l’enceinte d’Angers, compte dix-sept tours) et protégée par un fossé.

C’est le début du château-cour qui ménage un espace permettant le déplacement des troupes et l’organisation des contre-attaques : la défense perd de sa passivité. Mâchicoulis, archères et hourds permettent de tirer sur l’assaillant. Les remparts sont souvent doublés, comme au château de Carcassonne (Aude) et à Château-Gaillard (Eure).

On trouve, adossés aux courtines, les écuries, les logis de la garnison, les communs et, parfois, une chapelle. Aménagé à l’intérieur de l’enceinte fortifiée, le puits permet le ravitaillement en eau et offre, en cas de siège, l’autonomie aux habitants du château fort ainsi qu’à la population villageoise voisine venue s’y réfugier.

A partir de la fin du XVe siècle, les châteaux forts perdent leur importance militaire du fait des progrès de l’artillerie lourde. La plupart d’entre eux sont progressivement convertis en châteaux de plaisance et combinent influence de la Renaissance italienne et architecture militaire médiévale (tourelles, mâchicoulis…). Le meilleur exemple en est le château de Chambord construit sous François Ier

Pour aller plus loin

Les châteaux forts dans la France au Moyen Âge, de Jean-Pierre Panouillé. Ouest-France, 2019.

La construction d'un château fort : Guédelon, de Florian Renucci. Ouest-France, 2015.

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